(Québec) Le premier ministre du Québec, François Legault, lance des fleurs au chef du Parti conservateur du Canada, Erin O’Toole, qui s’engage à augmenter les transferts en santé. Il envoie ensuite le pot au chef libéral Justin Trudeau et au chef néo-démocrate Jagmeet Singh, auxquels il reproche d’empiéter sur les champs de compétence du Québec avec leurs promesses en santé.

François Legault a mis son grain de sel – pour ne pas dire sa salière au complet – dans la campagne électorale fédérale lors de la présentation de sa liste de demandes aux chefs, jeudi.

Le premier ministre a deux priorités. Il réclame une hausse des transferts fédéraux en santé « sans condition », afin de faire passer de 22 % à 35 % la proportion d’Ottawa dans le financement des dépenses dans ce secteur. Cela représenterait 6 milliards de dollars de plus par année pour le Québec. Il veut que, par la suite, ces transferts soient indexés annuellement de 6 % plutôt que de 3 %.

Dans sa lettre aux chefs fédéraux, il demande également plus de pouvoirs en immigration. Il réclame le plein contrôle en matière de regroupement familial, une catégorie qui représente 24 % des immigrants accueillis au Québec chaque année, dont la moitié ne parlent pas français, selon lui. Il en fait une « question de survie pour la nation québécoise ».

Mais c’est surtout avec son analyse des promesses des chefs fédéraux que François Legault a mis du piquant dans la campagne.

Il a d’abord lancé une attaque vers « deux partis fédéraux qui ont une approche beaucoup plus centralisatrice », qui « veulent choisir à la place du gouvernement du Québec les priorités en santé » et empiéter sur son champ de compétence.

Ce qui est proposé par deux partis, c’est plus de chicanes, plus de centralisation et de bureaucratie. Ce n’est pas de ça qu’on a besoin.

François Legault, premier ministre du Québec

Ses propos laissaient bien peu de doute sur l’identité des deux partis en question, et le premier ministre les a nommés lors de la période des questions avec les journalistes : « Le Parti libéral et le NPD. »

Plutôt que de promettre une hausse des transferts, le chef libéral Justin Trudeau a pris des engagements qui empiètent sur les champs de compétences des provinces : 6 milliards pour accélérer l’élimination des listes d’attente dans les réseaux de la santé, 3 milliards pour embaucher 7500 médecins de famille et infirmières praticiennes, 6 milliards pour établir des normes nationales dans les soins de longue durée. Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a dit être d’accord avec une hausse des transferts, mais n’a pas avancé de chiffres. Il veut créer un fonds fédéral pour contrer la pénurie de main-d’œuvre en santé, surtout dans les CHSLD. Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, se range depuis le début derrière le gouvernement du Québec dans ce dossier.

De son côté, Erin O’Toole a promis de faire passer la croissance annuelle des transferts en santé de 3 % à 6 %, ce qui représente une augmentation de 6 milliards par année pour l’ensemble des provinces. « C’est exactement ce qu’on demande, a réagi François Legault. Si ça passe par les transferts en santé, il n’y a pas de problème. »

Questionné plus précisément sur la promesse du chef conservateur par comparaison avec sa demande, il a répondu que le « bout du 6 % », l’indexation annuelle qu’il réclame, « semble être accepté par le Parti conservateur ». « Mais le bout de passer de 22 % à 35 %, ce qui représente 6 milliards par année pour le gouvernement du Québec, je ne l’ai pas entendu de la part du Parti conservateur. »

Dans sa lettre envoyée aux chefs fédéraux, François Legault réitère d’autres demandes qu’il avait faites lors des précédentes élections fédérales, il y a deux ans : respecter la Loi sur la laïcité de l’État, assujettir les entreprises à charte fédérale à la loi 101 et créer une déclaration de revenus unique administrée par Québec. Il veut aussi la conclusion d’une entente reconnaissant au Québec un droit de retrait inconditionnel, avec pleine compensation financière, pour toute dépense fédérale dans ses champs de compétence.

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Erin O'Toole, chef du Parti conservateur

O’Toole en mode séduction, le Bloc « en convergence »

À Ottawa, Erin O’Toole – qui veut ravir des sièges au Bloc et aux libéraux au Québec – a rapidement répondu aux demandes formulées par François Legault. Il a du même coup rappelé la série d’engagements qu’il a pris envers le Québec.

Sur les transferts en santé, M. O’Toole a réitéré son intention de convoquer une réunion avec les premiers ministres des provinces dans les 100 premiers jours d’un gouvernement conservateur, en rappelant sa promesse de les augmenter de 6 % « au minimum » chaque année, « sans condition ».

On va aussi s’entendre sur le rapport d’impôt unique au Québec, en conservant les emplois en région. Il faudra aussi travailler ensemble pour faire appliquer la loi 101 aux entreprises fédérales.

Erin O'Toole, chef du Parti conservateur

M. O’Toole a réitéré qu’il ne comptait pas intervenir dans les contestations juridiques entourant la loi 21, en donnant aussi « plus de pouvoirs en immigration » à Québec, y compris le regroupement familial.

Yves-François Blanchet, lui, a indiqué qu’il était « en convergence » avec les idées du gouvernement Legault, en soulignant que sa plateforme électorale dévoilée dimanche leur ressemblait beaucoup.

« Les demandes de Québec confirment non seulement la pertinence du Bloc québécois, mais elles confirment aussi l’urgence d’augmenter notre portée à la Chambre des communes », a-t-il dit.

Jagmeet Singh a fait référence à l’hécatombe survenue dans les CHSLD pendant la première vague, en soutenant qu’il fallait surtout « répondre aux besoins des gens », au-delà des compétences d’un gouvernement. « On a déjà montré pendant cette pandémie comment on a aidé les Québécois. On vit dans un pays fédéraliste, et c’est normal qu’on travaille ensemble », a-t-il dit, sans réagir sur le fond.

Justin Trudeau n’a pas voulu commenter les demandes de M. Legault.