Le chef libéral Justin Trudeau a promis lundi d’allonger six milliards pour accélérer l’élimination des listes d’attente dans les réseaux de santé, ainsi que trois milliards pour embaucher 7500 médecins de famille et infirmières praticiennes. Il s’ingère ainsi dans les compétences provinciales pour la deuxième fois en quelques jours.

« On a démontré au cours des derniers mois à quel point notre gouvernement travaille bien avec les provinces et spécifiquement avec le Québec, que ce soit sur l’aérospatiale, pour créer 37 000 places en garderie, pour l’internet haute vitesse. On démontre le genre de partenariat qui va livrer pour tous les Québécois », s’est justifié M. Trudeau lors d’une mêlée de presse à Halifax, en matinée.

Au passage, il en a profité pour décocher quelques flèches bien senties vers les bloquistes de Yves-François Blanchet. « Ce n’est pas avec le Bloc qu’on a signé ça. C’est avec le gouvernement du Québec », a mentionné le premier ministre sortant, en parlant de ses ententes pour un programme national de garderies à 10 $. « On va continuer de travailler dans le respect avec les provinces », a-t-il renchéri.

Un autre 400 millions servira à élargir les services de santé virtuels. M. Trudeau promet aussi d’investir dans le recrutement de professionnels de la santé dans les régions rurales et éloignées, en augmentant l’exonération du remboursement des prêts étudiants des professionnels de la santé qui travaillent dans ces communautés et en offrant un incitatif fiscal aux professionnels qui décident d’y établir une clinique.

Mais l’embauche de personnel et la diminution des listes d’attente en santé relèvent des compétences des provinces et des territoires. Questionné à savoir si le gouvernement fédéral allait engager lui-même ces médecins et ce personnel infirmier, le chef libéral a répondu : « Pas du tout ». « Il y a des besoins pour les infirmières, pour des médecins à travers le pays, pour que les gens puissent avoir un médecin de famille, de l’aide directe et nous allons donc travailler avec les provinces pour nous assurer qu’elles ont les effectifs en termes de ressources humaines dont ils ont besoin pour répondre à la demande », a-t-il assuré.

Vers un affrontement avec Legault ?

C’est la deuxième fois en moins d’une semaine que Justin Trudeau promet des sommes significatives en santé, avec des conditions. Jeudi, il avait promis d’investir six milliards pour établir des normes nationales dans les soins de longue durée. Sur la forme, l’idée a froissé plusieurs provinces, qui demandent plutôt d’augmenter les transferts fédéraux en santé, pour prendre elles-mêmes les décisions.

Signe de son désaccord, le cabinet du premier ministre du Québec François Legault a rappelé lundi que « la santé est un champ de compétence qui relève uniquement et exclusivement du Québec ». « Le gouvernement fédéral doit augmenter ses transferts en santé. Le Québec pourra ensuite décider où l’argent doit être investi », a soulevé l’attaché de presse Ewan Sauves, en rappelant que M. Legault présentera ses demandes aux partis fédéraux cette semaine.

Le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet, lui, a immédiatement accusé lundi le chef libéral de s’ingérer dans les compétences des provinces et des territoires. Selon son analyse, le Parti libéral n’est peut-être « pas aussi bien positionné qu’il l’aurait souhaité au Canada ».

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.

[Justin Trudeau] va jouer le grand classique. Il va commencer à jouer l’anti-Québec, parce que l’anti-Québec, parfois, et c’est déplorable, est payant au Canada.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

De son côté, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a indiqué que les gens ne se préoccupent pas des juridictions, mais veulent surtout « voir des résultats ». « Quand je pose des questions à Justin Trudeau, il répond souvent avec une réponse de juridiction. En tant que chef, on doit trouver des solutions, pas chercher des excuses. Je vais toujours essayer d’améliorer les services. On peut le faire, tout le temps en travaillant avec les provinces et en reconnaissant qu’il y a une juridiction », a-t-il noté.

Chez les conservateurs, le chef Erin O’Toole a certifié qu’il « respectera les champs de compétences des provinces ». « Après la pandémie, on doit travailler ensemble sur notre système de santé, les CHSLD au Québec. Et c’est pourquoi je vais augmenter les transferts en santé d’une manière stable, prévisible et sans condition. Je vais donner 6 % minimum et un autre 60 milliards de dollars au total. »

La semaine dernière, le ministre de la Santé, Christian Dubé, avait expliqué que « les dépenses en santé des dernières années augmentent d’au moins 5 % par année », mais que pendant ce temps, les transferts du fédéral se situent autour de 3 %. « À chaque année, on accumule un retard de 2 %. C’est énorme sur un budget de 45 milliards », a-t-il dit. « C’est une compétence provinciale et M. Trudeau le sait très bien. On comprend, il est en élection. Nous, on va gérer la santé », a ajouté M. Dubé.

Avec La Presse Canadienne