(Montréal) Un autre duel entre libéraux et bloquistes se dessine à l’aube électorale, disent des experts, mais l’histoire a souvent démontré que les électeurs québécois peuvent parfois réserver bien des surprises.

À la dissolution du Parlement, les libéraux détenaient 35 des 78 sièges du Québec, contre 32 pour le Bloc québécois, 10 pour les conservateurs et un pour les néo-démocrates.

Les trois experts auxquels La Presse Canadienne a parlé s’entendent sur un point : l’enjeu est plus élevé pour le chef libéral Justin Trudeau. S’il veut diriger un gouvernement majoritaire, son parti devra obtenir de meilleurs résultats au Québec.

Obtenir quelques sièges, notamment dans la grande région de Montréal ou de Québec permettrait aux libéraux d’obtenir cette majorité, croit Daniel Weinstock, un professeur de droit de l’Université McGill.

Toutefois, les libéraux devront manœuvrer avec prudence. La Coalition avenir Québec qui prône un nationalisme traditionnel domine la scène politique québécoise. Le chef du Bloc, Yves-François Blanchet est prêt à exploiter tout ce qui pourrait séparer M. Trudeau de ce qui est perçu comme les intérêts nationaux du Québec.

Selon le PWeinstock, cette nouvelle polarisation complique la tâche des conservateurs et des néo-démocrates malgré les ouvertures affichées par Erin O’Toole et Jagmeet Singh.

Surprise

Mais nul n’est à l’abri d’une surprise, particulièrement au Québec.

L’histoire récente démontre que l’électorat québécois aime butiner d’une formation à une autre.

En 2011, la vague orange avait frappé de plein fouet la Belle Province, hissant Jack Layton — alors chef du NPD — au rang de chef de l’opposition. En 2015, les libéraux avaient obtenu une pluralité de sièges.

Trois ans plus tard, tel un phénix, le Bloc Québec renaît de ses cendres, triplant son nombre de sièges.

Selon Daniel Béland, le directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill, cette instabilité, combiné au grand nombre de sièges de la province à la Chambre des communes, font du Québec un potentiel « faiseur de roi ».

Les élections peuvent être un sac de surprises. Plusieurs francophones ne sont pas fidèles à un parti en particulier et ils peuvent changer d’avis à la dernière minute.

Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill

Mais quelles sont les motivations de l’électeur québécois ? Bien malin est celui qui peut répondre à cette question.

Les électeurs québécois votent rarement en masse pour un chef qui provient de l’extérieur du Québec. Toutefois, la performance de M. Layton en 2011 démontre que la maîtrise parfaite du français n’est pas toujours un prérequis.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSW

Le chef du NPD Jack Layton lors de la soirée électorale de 2011

M. Layton, un Ontarien aux racines québécoises, parlait un français approximatif avec un certain accent d’ici et il pouvait établir des liens avec les gens, rappelle M. Béland.

« L’identité est très importante pour les électeurs. Nous en avons la preuve », soutient-il.

Pour Guy Lachapelle, un professeur de sciences politiques de l’Université Concordia, plusieurs sujets pourraient être placés sous les projecteurs pendant la campagne électorale. Il a énuméré l’environnement, les oléoducs, la décision de M. Trudeau de nommer une gouverneure générale ne parlant pas français, les transferts fédéraux en santé et la facture de la COVID-19.

M. Legault peut être aussi un « joker ». S’il est fort peu probable que le premier ministre du Québec choisira un parti plutôt qu’un autre, les chefs tenteront de lui faire la cour. Il pourrait alors en profiter pour obtenir des promesses.

« Il ne donnera pas un appui au Bloc, mais le Bloc le sert bien lorsque viendra le temps de demander des choses pour le Québec au cours des prochaines années », souligne le PLachapelle.

Selon le PBéland, le facteur déterminant ne dépendra pas d’un seul élément d’un programme, mais aussi du charisme d’un chef.

Si cela est vrai dans toutes les régions du Canada, ce facteur semble avoir une « saveur particulière » au Québec à cause de son caractère distinct.

« Il s’agit de livrer un message politique juste, mais d’une façon qui flattera le caractère identitaire des électeurs afin que ceux-ci se disent : “ je peux m’identifier avec cette personne et son programme ” », dit M. Béland.