Attaqué de tous les côtés sur sa volonté annoncée de protéger le « droit de conscience » des professionnels de la santé, le chef conservateur Erin O’Toole a réitéré jeudi qu’il s’engage à défendre les droits des femmes « de choisir pour elles-mêmes », assurant qu’il est « important » d’avoir accès à l’avortement.

« Comme vous le savez, je suis un chef pro-choix et je vais toujours défendre le droit pour les femmes de choisir pour elles-mêmes. Point final », a réitéré M. O’Toole lors d’une conférence de presse jeudi matin, en Ontario. La veille, lors d’un discours tenu à Québec, il avait reconnu que par le passé, le Parti conservateur n’avait « pas toujours été clair concernant sa position sur les enjeux sociaux ».

Dans leur plateforme dévoilée plus tôt cette semaine, les conservateurs maintiennent néanmoins leur volonté de « protéger le droit de conscience » des infirmières et des médecins, sans toutefois donner plus de détails. On y lit simplement que dans le contexte de la pandémie, « la dernière chose que le Canada peut se permettre est de perdre ces professionnels ».

Par « droit de conscience », les conservateurs sous-entendent que les médecins et les infirmières ne devraient pas nécessairement orienter les patients vers des services comme l’avortement, l’aide médicale à mourir ou l’intervention chirurgicale de changement de sexe. Le tout survient alors que M. O’Toole essaie de se différencier de son prédécesseur, Andrew Scheer, dont les opinions socialement conservatrices sur l’avortement et les droits des communautés LGBTQ ont coûté les élections de 2019 aux conservateurs, selon plusieurs observateurs.

Jeudi, Erin O’Toole est demeuré prudent lorsqu’il a été questionné à ce sujet par les journalistes, réitérant à plusieurs reprises qu’il demeure « possible de trouver une approche équilibrée ». « C’est possible d’avoir une approche équilibrée sur le droit de conscience pour nos infirmières et nos médecins, particulièrement quand nous sommes en train d’accélérer l’aide médicale à mourir », a-t-il dit.

« Pas du tout », a-t-il répondu quand il s’est fait demander à savoir s’il n’y avait pas de contradiction entre sa position ouvertement « pro-choix » et sa volonté de protéger le droit de conscience. « L’accès à l’avortement est un droit pour les femmes. Et je vais protéger ça. […] On va trouver un équilibre », a-t-il ajouté, en disant chercher à définir une « approche juste ».

Tous les partis s’insurgent

Le chef conservateur réagissait en partie à une sortie du Parti libéral, dont la candidate Carolyn Bennett a accusé M. O’Toole jeudi de faire « équipe avec l’extrême droite » pour abolir le droit à l’avortement et l’aide médicale à mourir. « Erin O’Toole propose en catimini de réduire l’accès des femmes, des LGBTQ2 et de tous les Canadiens à des soins de santé, en permettant aux médecins de refuser arbitrairement et d’empêcher les consultations sur des soins comme l’avortement, la contraception et l’aide médicale à mourir », a affirmé la libérale. Seuls « quelques États sudistes américains ont adopté ce genre de politiques discriminatoires », a aussi déploré Mme Bennett, en ajoutant que « cette politique permettrait même aux médecins et aux pharmaciens de refuser de prescrire des contraceptifs ».

Le néo-démocrate Jagmeet Singh a aussi condamné l’approche conservatrice jeudi. « C’est un danger, c’est une menace. On a déjà des problèmes d’accès pour l’aide médicale à mourir et pour l’avortement. Cette promesse va augmenter le problème, va créer une autre barrière », a-t-il fustigé.

« Il y a quelque chose d’assez fondamental qu’Erin O’Toole ne comprend pas : le fait d’être pro-choix, ce n’est pas une question de choix pour les médecins, c’est une question de choix pour les femmes. Les leaders doivent être sans équivoque là-dessus et M. O’Toole ne l’est pas. C’est inacceptable », a de son côté réagi le chef libéral Justin Trudeau jeudi.

Au Bloc québécois, le chef Yves-François Blanchet a indiqué que « le droit des femmes de disposer de leur propre corps est une valeur profondément enracinée chez les Québécois, et chez [lui] ». « Je ne tergiverserai pas en allers-retours sur des compromis avec ma conscience », a-t-il dit, en s’attaquant aux conservateurs.

La promesse de la plateforme de protéger les droits de conscience reflète la tâche impossible de M. O’Toole, alors qu’il essaie d’élargir l’attrait de son parti sans perdre le soutien des conservateurs sociaux, qui ont joué un rôle crucial dans sa candidature à la direction et qui constituent une part importante de son caucus et la base de son parti. Les conservateurs sociaux ont déjà clairement indiqué qu’ils considéraient que la protection du droit de conscience s’appliquait à un large éventail de services médicaux, et non seulement à l’aide médicale à mourir.

Avec La Presse Canadienne