Qu’ont en commun les pompiers volontaires, les enfants qui prennent des cours de théâtre, les propriétaires en mal de rénovation et les campeurs qui aiment dormir à la belle étoile dans les parcs nationaux ?

Tous sont spécialement courtisés par les partis politiques qui ont multiplié les promesses à la carte durant la campagne électorale qui s’achève.

« Avec la tendance d’aller vers un plus grand clientélisme, le nombre de promesses spécifiques pour des groupes ciblés a grandement augmenté. C’est une jungle où monsieur et madame Tout-le-monde risquent de se perdre », déplore l’économiste Jean-Pierre Aubry.

À n’en pas douter, ces mesures d’aide et ces crédits d’impôt font du très beau marketing électoral. Une manchette racoleuse par-ci. Une déclaration sexy par-là. Mais quand les contribuables doivent faire leur déclaration de revenus, ça devient diablement compliqué.

Au bout du compte, beaucoup de ces micromesures restent sous-utilisées parce qu’elles sont méconnues, trop complexes, trop restrictives ou tout simplement pas assez payantes pour que les contribuables se donnent la peine d’aller les chercher.

Pourtant, les partis politiques en rajoutent.

Puisant dans les vieilles idées de Stephen Harper, Andrew Scheer a promis de ressusciter le crédit d’impôt pour les activités physiques et artistiques des enfants, une mesure bien charmante en apparence, mais qui profitait aux familles plus riches de façon disproportionnée.

Les conservateurs veulent aussi remettre sur les rails le crédit pour le transport en commun vert, une autre mesure abolie par les libéraux parce que les études avaient démontré qu’elle ne permettait pas d’augmenter l’utilisation des transports en commun, ou si peu.

Sans compter que le crédit était sous-utilisé, probablement parce qu’il fallait conserver ses reçus tous les mois, mais aussi parce que le crédit n’avait aucune valeur pour les contribuables qui ne paient pas d’impôt.

Sur la liste des mesurettes fiscales sur-mesure, on peut aussi mentionner l’intention des conservateurs d’élargir les critères d’admissibilité du crédit pour les pompiers volontaires et du crédit pour les volontaires en recherche et sauvetage, eux aussi hérités de l’ère Harper.

Les changements annoncés permettront à environ 4000 bénévoles de plus d’être admissibles, selon le Directeur parlementaire du budget. C’est relativement peu par rapport aux 46 000 personnes qui touchent ce mini-crédit coûtant à peine 22 millions au fédéral, et encore moins quand on compare aux quelque 135 000 bénévoles qui s’activent partout au Canada.

Je ne veux surtout pas froisser ces gens qui risquent leur vie pour sauver celle des autres. Je sais qu’ils paient souvent de leurs poches les vêtements et le matériel nécessaire à leurs activités.

Mais un crédit d’impôt est-il la meilleure façon de les aider ?

N’y aurait-il pas une manière plus directe d’encourager les bénévoles à s’impliquer ?

De leur côté, les libéraux préfèrent miser sur l’amélioration de programmes déjà très connus et largement utilisés, ce qui assure une plus grande efficacité. Par exemple, l’Allocation canadienne pour enfant deviendrait plus payante pour les enfants handicapés et les jeunes de moins d’un an. Aussi, la Pension de la sécurité de la vieillesse serait majorée de 10 % pour les personnes de 75 ans et plus.

Mais les libéraux n’ont pas pu résister eux non plus à lancer quelques promesses attendrissantes.

Vos enfants aiment le camping ? Justin Trudeau a ce qu’il faut pour vous ! Un forfait un 2000 $ comprenant l’équipement et une bourse de voyage pour visiter les parcs nationaux les plus éloignés, comme ceux de Banff ou Forillon. Cette aide permettra à 75 000 jeunes défavorisés et à leur famille de dormir à la belle étoile pendant quatre nuits. Comme c’est mignon !

Il y a aussi du neuf pour les rénovations écoresponsables, les véhicules zéro-émission, alouette !

Les partis politiques aiment bien multiplier les mini-promesses qui ont un maximum d’impact politique, mais un minimum d’impact sur les coffres de l’État. Cela fait le bonheur des comptables et des fonctionnaires qui ont du pain sur la planche.

Mais pour les contribuables, les crédits d’impôt ne sont souvent qu’un diachylon qu’on met sur le bobo. Loin de remplacer les services publics qui font cruellement défaut, ils sont généralement insuffisants pour régler le problème qu’ils ciblent.

Pour les électeurs, cette profusion de mesures à la carte masque les véritables enjeux de la campagne électorale. Ils évitent aux chefs de répondre aux vraies questions.

Comment aborder sérieusement le problème du réchauffement climatique qui divise l’Alberta du reste du Canada ?

Devrait-on résorber le déficit fédéral rapidement, quitte à couper dans les services et à nuire à la croissance économique du Canada, ou bien laisser augmenter la dette même si une récession risque de survenir tôt ou tard ?

Comment s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre, au vieillissement de la population ? De quelle façon stimuler l’innovation et la productivité ?

Il ne manque pourtant pas de matière à débat.