(Montréal) Cible de toutes les attaques en raison de sa montée dans les sondages, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, est déçu du ton de la campagne électorale et de l’espace qu’occupent maintenant les distractions stratégiques au détriment des idées.

De passage dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, jeudi matin, pour réclamer des investissements massifs d’Ottawa dans le logement social et le transfert inconditionnel au Québec de sommes pouvant atteindre 3 milliards à cette fin, le chef bloquiste a déploré le virage qu’a pris la campagne avec le scénario possible d’un gouvernement minoritaire.

«On est les seuls à encore faire des propositions chaque jour avec, d’ailleurs, un peu de misère à les faire passer. Pourquoi? Parce que, justement, l’anecdotique mange l’essence de la campagne électorale qui devrait encore être une campagne d’idées et de propositions», a noté M. Blanchet.

«Dans les derniers jours on a continué et on a eu très peu de réactions à nos propositions parce qu’il y a comme une pensée qui est davantage comme une pensée de stratégie qu’une pensée d’idées, de convictions et de propositions qui anime cette fin de campagne, ce qui à mon avis est déplorable.»

Campagne négative : «Les Québécois n’aiment pas ça»

Le chef bloquiste n’a pas manqué de noter, également, un certain glissement vers les attaques de plus en plus dures et s’est interrogé sur un possible effet boomerang de la publicité négative.

«Dans les derniers jours, il y a un espèce de mélange entre des attaques plus ou moins insidieuses et de foisonnantes déclarations d’amour à l’endroit du Québec», a-t-il d’abord noté, ajoutant que cela lui faisait «penser, à un million de personnes près, au love-in de 1995», une référence à la manifestation monstre organisée à Montréal par le camp du Non au référendum où des milliers de Canadiens de l’extérieur du Québec étaient venus exprimer leur attachement au Québec.

Il a ensuite dénoncé des publicités où le premier ministre Justin Trudeau et lui-même étaient présentés avec des photos peu flatteuses et il ne s’est pas gêné pour pointer le parti d’Andrew Scheer du doigt.

«La tradition des campagnes négatives, je pense qu’on doit aller voir du côté des conservateurs qui ont commencé ça il y a plusieurs campagnes déjà. Ce n’était pas dans les mœurs politiques ni québécoises, ni canadiennes. C’est arrivé ultérieurement. Je suis sous l’impression optimiste, peut-être candide, que les Québécois n’aiment pas ça.»

Et le tout a dégénéré au point où même le parti de Jagmeet Singh — un homme qu’il a qualifié de «particulièrement brillant et attachant» — est tombé dans le panneau : «Qu’est-il advenu de la campagne positive du NPD? Le NPD est en train d’adopter des stratégies de campagne qui font davantage penser à celles des conservateurs qu’à celles de M. Layton dont il se revendique.»

Balance du pouvoir «à la pièce»

Yves-François Blanchet a du même coup cherché à juguler les spéculations voulant qu’il soit prêt à soutenir un gouvernement conservateur minoritaire.

«Je n’ai jamais dit que j’allais œuvrer dans un gouvernement conservateur minoritaire. Je n’œuvrerai pas dans un gouvernement; je n’œuvrerai pas dans une coalition; je n’aiderai pas un parti politique.»

Il a ainsi répété que sa politique, dans l’éventualité d’un gouvernement minoritaire où le Bloc détiendrait la balance du pouvoir, sera de voter dans toutes les situations «à la pièce».

«Si ce qui est proposé est bon, on va être pour. Si ce qui est proposé n’est pas bon pour le Québec, on va être contre. Et entre-temps, entre les deux, on va négocier des affaires.»

Il n’a pas, non plus, l’intention de faire tomber un gouvernement quel qu’il soit et il précise qu’il souhaite un mandat de quatre ans, mais que si un vote amène le Bloc à s’opposer et ainsi provoquer sa chute, ce gouvernement n’aura que lui-même à blâmer pour son absence de compromis.

«Ce n’est pas vrai que quelqu’un peut être élu dans un gouvernement minoritaire et dire : "Ah, si je tombe, c’est de la faute des méchants." Non. T’es élu comme gouvernement, t’as le devoir d’aller chercher un consensus et une majorité de votes dans un parlement.»

Logement social : plus d’argent, moins de conditions

En procédant à sa demande de transfert des sommes pour le logement social, M. Blanchet a rappelé que l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, le 9 octobre dernier, une motion réitérant que le Québec a compétence exclusive en telle matière et dénonçant l’ingérence du gouvernement fédéral dans son champ de compétence exclusif. La motion demandait également ce transfert sans condition des sommes prévues à la Stratégie nationale sur le logement vers les programmes québécois.

La somme de 3 milliards réclamée par le Bloc correspond à 1% du budget. Le caractère inconditionnel du transfert est incontournable, selon Yves-François Blanchet, pour éviter de retomber dans la «vieille pratique déplorable qui, encore une fois, vient avec des coûts, vient avec des délais et vient avec une complexité administrative pour des organisations qui ne sont pas capables d’absorber, de traiter cette lourdeur supplémentaire».

Il a fait valoir que «le gouvernement du Québec ne demande pas d’intervenir dans le militaire canadien ; le gouvernement du Québec ne demande pas d’intervenir dans la Société canadienne des postes. Lorsque c’est la juridiction d’un palier de gouvernement, ôtez vos pattes de là», a-t-il conclu.

Soulignant qu’au Québec, près de 460 000 ménages locataires consacrent plus de 30% de leurs revenus pour se loger, le Bloc s’est engagé à travailler au maintien des subventions actuelles destinées aux conventions, tout en bonifiant le budget alloué à la construction, la rénovation et la transformation de logement social et abordable.