Quelles seront les relations entre les Premières Nations et le prochain gouvernement fédéral ?

Malgré le processus de réconciliation enclenché par Justin Trudeau, les relations entre les Premières Nations et le gouvernement libéral n’ont pas toujours été au beau fixe. Les progrès sont lents.

Certaines Premières Nations ont intenté des poursuites contre Ottawa pour contrer le projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. Le gouvernement a interjeté appel d’une décision d’un tribunal lui ordonnant de verser des indemnités aux enfants autochtones séparés de leur famille.

Perry Bellegarde, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, souhaite que chacun des partis fédéraux s’emploie à améliorer la qualité de vie des communautés autochtones du pays.

« Il y a un mouvement — c’est sans précédent — mais, encore une fois, progrès ne signifie pas parité. Il y a toujours des lacunes. Il est essentiel de maintenir l’élan. Tous les partis doivent aider à maintenir cet élan », soutient-il.

Selon M. Bellegarde, le gouvernement libéral a fait plus pour les communautés autochtones que tous ses prédécesseurs. M. Trudeau mise sur l’appui de ces électeurs. Au chapitre des réconciliations, les libéraux s’engagent à respecter les promesses formulées en 2015, comme la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui n’a pas été adoptée par le Parlement ce printemps à cause des sénateurs conservateurs qui ont fait traîner les débats.

Le NPD et le Parti vert ont pris des engagements semblables au sujet de la Déclaration. Ils promettent aussi de mettre en œuvre les 94 recommandations formulées par la commission Vérité et réconciliation.

Les néo-démocrates souhaitent aussi déposer une stratégie nationale pour le logement, l’eau potable, la sécurité alimentaire et les soins de santé pour les Autochtones.

Les conservateurs proposent un rapprochement plus étroit, de faciliter les relations entre les communautés autochtones et les entreprises du secteur énergétique, de nommer un ministre dont le mandat sera de « consulter les détenteurs de droits autochtones », et de diminuer les avis d’ébullition de l’eau.

M. Bellegarde se dit encouragé par les données publiques par l’APN indiquant que 62 candidats sont issus des communautés des Premières Nations.

L’APN a aussi examiné le nombre d’électeurs autochtones. Selon lui, cet électorat pourrait faire basculer les résultats dans environ une circonscription sur cinq, dont celle du chef conservateur Andrew Scheer, Regina-Qu’Appelle.

« Il est essentiel que des membres de nos peuples se retrouvent autour des tables de décision pour apporter des changements politiques et législatifs au Canada », dit-il.

Tous ne sont pas aussi optimistes. Beaucoup déplorent que les priorités vraiment importantes pour les Premières Nations, comme la souveraineté et la reconnaissance des droits fonciers, ne fassent pas partie du débat au cours de ces élections.

Sheila North, ancienne grande chef des Keewatinowi Okimakanak, dit avoir entendu de nombreux électeurs autochtones lui faire part de leur intention de modifier leur vote ou même de s’abstenir.

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L'ancienne grande chef des Keewatinowi Okimakanak, Sheila North

Khelsilem, du conseil de la nation Squamish, constate que de nombreuses promesses concernent les droits de la personne fondamentaux, comme l’accès à l’eau potable, à un meilleur logement, à l’éducation. Les vrais débats qui se déroulent au sein des communautés autochtones sont absents des discours électoraux.

Le conseil de la nation n’encourage pas activement ses membres à aller voter, mais M. Khelsilem a prononcé une allocution pour soutenir Jody Wilson-Raybould, la première procureure générale autochtone du pays, qui se présente à titre d’indépendante dans la circonscription de Vancouver-Granville après avoir été expulsée du caucus libéral.

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Dustin Rivers, alias Khelsilem, du conseil de la nation Squamish

Selon lui, cette candidature, comme celle du chef du NPD, Jagmeet Singh, peut soulever l’intérêt des électeurs autochtones.

« Il se passe quelque chose dans les communautés racialisées, dit M. Khelsilem. Honnêtement, je pense que Jagmeet a un impact. »

D’autres adoptent des idées plus radicales. Russ Diabo, un expert des politiques autochtones, ne croit pas en la réconciliation possible au sein de la structure de pouvoir existante. Selon lui, ce terme avait été utilisé de manière rhétorique pour contenir les communautés autochtones.

M. Diabo était un membre fondateur de la commission des peuples autochtones du parti libéral en 1990. Il a quitté le parti en 1996, accusant Jean Chrétien, alors premier ministre, d’enterrer la plateforme autochtone et de poursuivre ce qu’il a décrit comme un « un vieil objectif fédéral de mettre fin aux droits des peuples autochtones ».

Le vrai changement et la réconciliation ne peuvent pas venir du haut vers le bas, fait valoir M. Diabo.

« Je vais examiner une stratégie postélectorale pour déterminer comment nous allons engager le prochain gouvernement de quel que parti il soit, afin de faire progresser notre droit à l’autodétermination et nos droits fonciers », prévient-il.