(Montréal) Jagmeet Singh aime bien se décrire comme un battant. Mais au Québec, le chef néo-démocrate a toute une pente à remonter.

Selon des sondages récents, le NPD a dégringolé au cinquième rang dans les intentions de vote dans la Belle Province, derrière les libéraux, les bloquistes, les conservateurs et les verts.

Dans une publicité diffusée uniquement au Québec, on peut voir M. Singh placer son turban et envelopper ses mains avant de cogner sur un sac de boxe et de lutter au sol contre un adversaire. Le chef néo-démocrate semble vouloir faire écho des goûts de Justin Trudeau pour le ring, mais son message va beaucoup plus loin.

«J’ai assez connu les injustices pour savoir me battre et maintenant, je suis prêt à me battre pour vous», lance-t-il en français.

Mais au-delà de cette image de combattant que veut projeter M. Singh, pourquoi se bat-il au juste? Pour la victoire ou sa simple survie politique?

M. Singh a l’occasion de démontrer ses convictions à l’électorat francophone lorsqu’il passera dimanche soir à Tout le monde en parle. C’est au cours de cette émission que Jack Layton avait amorcé sa lune de miel avec les Québécois qui avait propulsé le NPD vers une éclatante victoire au Québec en 2011.

Pour M. Singh, cette entrevue qui a été enregistrée jeudi ne pouvait arriver à un meilleur moment, au lendemain de la publication de la première photo montrant Justin Trudeau le visage barbouillé de noir.

Un vote instable

Selon Éric Montigny, un professeur de sciences politiques de l’Université Laval, à Québec, les jeux ne sont pas encore faits.

«Il y a une très grande instabilité au sein de l’électorat. La campagne électorale a une influence», dit-il.

M. Montigny soutient que les campagnes ont plus d’importance au Québec qu’ailleurs au Canada. L’attachement des Québécois envers un parti est plus faible que les autres électeurs canadiens. Ils observent plus la scène politique provinciale, ne s’intéressant qu’au fédéral que pendant une campagne électorale. Puisque le clivage souverainiste-fédéraliste s’est estompé, les préférences des électeurs de la province ont fluctué au cours des derniers scrutins.

Le NPD a profité de la vague orange de 2011 lorsqu’il a réussi à enlever 59 sièges au Québec. Mais quatre ans plus tard, il n’a pu sauver que 14 sièges.

De passage à Sherbrooke, la semaine dernière, M. Singh a promis des pouvoirs accrus au Québec en matière d’environnement, de langue et de culture et de taxer les géants de l’internet comme Netflix qui sont perçus comme des menaces au secteur culturel québécois.

Il envisage même d’intégrer le Québec dans la Constitution selon les conditions de la province.

Laïcité

M. Singh a choisi de parler de l’importance de ses racines religieuses, même s’il a affirmé qu’il ne contestera pas la Loi sur la laïcité.

Dans les premières secondes de la publicité présentée au Québec, M. Singh apparaît sans son turban, un geste d’ouverture, selon lui.

Au cours d’une assemblée publique, plus tôt ce mois-ci, il a répondu aux questions s’intéressant à la façon dont il choisit la couleur du turban qu’il portera (en général, c’est sa femme qui décide) et ce que signifie pour lui être un sikh.

«Et je le répète, nous n’avons pas de concept de prosélytisme», avait-il dit.

Certains veulent laisser croire que la mauvaise fortune de M. Singh au Québec est liée à son identité religieuse visible, mais M. Montigny ne croit pas que ce soit le cas. Il rappelle que le NPD a chuté partout au Canada.

Jack Layton à Tout le monde en parle en 2008.

M. Singh doit faire face à un obstacle plus important : l’histoire. La dernière fois qu’un parti fédéral dirigé par un chef qui n’était pas né au Québec a remporté une majorité de sièges dans la province remonte à 1965. M. Layton, même s’il a été élu dans une circonscription de Toronto, est né à Montréal et avait des liens profonds avec la province, ce que n’a pas M. Singh, même si celui-ci parle un très bon français.

Le chef néo-démocrate a peut-être un déficit de notoriété au Québec.

Au cours de l’élection partielle qui s’est déroulée dans Outremont au début de l’année, il a attiré peu d’attention.

M. Singh se présente comme un allié du Québec, même s’il s’oppose à la Loi sur la laïcité et n’a que peu de choses en commun avec le premier ministre François Legault. Il se dit convaincu que les valeurs progressistes du NPD attirent l’électorat.

Il a cité son soutien à l’avortement et au mariage entre personnes du même sexe, son engagement à lutter contre les changements climatiques et son désir de copier le modèle québécois en éducation et en garderie dans tout le Canada. Il dit qu’il n’a pas peur de s’opposer aux gros pollueurs, aux entreprises puissantes et aux géants de l’internet.

«Je ne suis pas quelqu’un qui recule devant quelque chose simplement parce que celle-ci est difficile à réaliser», a-t-il déclaré devant ses partisans, à Sherbrooke.