En plus du Bloc, trois des quatre principaux partis présentent un candidat issu de la famille souverainiste dans Longueuil–Saint-Hubert. Ce n’est pas un hasard, constatent les experts.

Décidément, il se passe quelque chose dans Longueuil–Saint-Hubert.

Parmi les cinq principaux candidats dans cette circonscription de la Montérégie, trois ont déjà représenté une autre formation et possèdent en plus un lien actuel ou passé avec le mouvement souverainiste – sans parler du Bloc !

Le dernier aspirant en lice est le néo-démocrate Éric Ferland, militant environnementaliste et chef du Parti vert du Québec de 1994 à 1996. Présenté aux médias hier matin, il s’est décrit comme fédéraliste « pour le moment », mais n’exclut pas de renouer avec ses racines souverainistes.

Pressé par les journalistes de clarifier sa position, il a affirmé que les changements climatiques et les inégalités sociales étaient ses priorités. « La souveraineté, pour le moment, ce n’est pas une question importante pour moi, a-t-il dit. Dans 10, 15, 20 ans, je ne sais pas, c’est encore loin. »

Son chef, Jagmeet Singh, ne s’est pas formalisé de cette posture, affirmant que « le nationalisme québécois a sa place au NPD ».

Dans la campagne actuelle, M. Ferland se mesure au libéral Réjean Hébert, ex-ministre péquiste qui assure avoir tourné la page sur sa ferveur séparatiste, de même qu’au député sortant Pierre Nantel, transfuge passé du NPD au Parti vert, qui a causé bien des maux de tête à sa cheffe la semaine dernière en professant sa foi souverainiste à la radio. Le bloquiste Denis Trudel et le conservateur Patrick Clune complètent le portrait.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le candidat vert, Pierre Nantel, avec sa cheffe, Elizabeth May, le 19 août dernier

Pour Éric Montigny, professeur adjoint au département de science politique de l’Université Laval, cette situation se veut le reflet d’un phénomène déjà en vigueur au Québec : la fin des étiquettes politiques.

Selon lui, les élections qui ont porté la CAQ au pouvoir en 2018 au Québec ont confirmé l’usure du clivage entre souverainistes et fédéralistes. 

Ce n’est pas banal. C’est le ciment politique du Québec pendant 50 ans qui s’est érodé.

Éric Montigny, professeur de science politique de l’Université Laval

À ses yeux, nous entrons dans une « nouvelle époque politique où l’électorat ne structure plus son vote sur l’axe Oui/Non ». Cette tendance s’appliquera donc naturellement aux futurs élus.

La présence de candidats au profil souverainiste est d’autant plus facile à expliquer dans cette circonscription, explique pour sa part Alain-G. Gagnon, professeur au département de science politique de l’UQAM.

Longueuil–Saint-Hubert, dit-il, « est considérée comme progressiste, autonomiste, souverainiste, mais aussi de plus en plus environnementaliste ». Les partis cherchent donc à dénicher des candidats dans les forces progressistes qui, dans la province, ont traditionnellement « été identifiées au Bloc et au Parti québécois ».

Transfuges

Réputés peu populaires, les transferts d’un parti politique à l’autre sont moins risqués qu’on pourrait le croire, constatent nos deux experts – les études démontrent que la grande majorité des électeurs votent pour le chef ou le parti avant le candidat.

Cela n’empêche pas que les transfuges doivent fournir une explication crédible à leur changement d’allégeance.

Les deux professeurs donnent l’exemple de Réjean Hébert. Ministre péquiste sous Pauline Marois de 2012 à 2014, le gériatre de carrière s’affiche maintenant comme fédéraliste convaincu. Selon Alain-G. Gagnon, le Parti libéral a fait un bon coup en recrutant ce candidat « ministrable ». « Ça donne l’impression que le parti est rassembleur », analyse-t-il. En outre, l’enjeu de la souveraineté n’est un facteur de vote déterminant que pour une proportion très marginale d’électeurs, signale Éric Montigny.

Par contre, le changement de cap de M. Hébert sur la question de la laïcité pourrait lui coûter plus cher, constatent nos deux chercheurs. La Presse rapportait vendredi dernier qu’entre 2013 et 2019, le politicien avait diamétralement changé sa position sur le port de signes religieux pour les employés de l’État.

« Avec l’éclatement de la dynamique Oui/Non, la laïcité fait partie des nouveaux axes qui structurent la vie politique, explique Éric Montigny. Le changement de position [de M. Hébert] à ce sujet pourrait être plus difficile à expliquer. »

Enthousiasme

Éric Ferland a été présenté avec un grand enthousiasme par Jagmeet Singh, qui s’est dit impressionné par le CV de son candidat en matière d’environnement – il est notamment à la tête de la Foire ÉCOSPHÈRE, qui organise des rassemblements environnementaux d’envergure dans la province.

M. Ferland a pour sa part dit apprécier le programme « complet et cohérent » du NPD, particulièrement en ce qui a trait aux luttes contre les changements climatiques et les inégalités sociales.

Après avoir plus d’une fois répété que le NPD avait le « meilleur plan » en matière d’environnement, M. Ferland a toutefois peiné à expliquer en quoi celui du NPD se démarquait de celui du Parti vert. 

Le nouveau candidat a insisté sur les engagements néo-démocrates à investir dans les énergies vertes, contrer l’évasion fiscale, rapatrier les revenus dissimulés dans des paradis fiscaux et taxer les géants du web… autant d’éléments qui figurent dans le programme des verts.

« Je ne sais pas si [le Parti vert] va aussi loin » sur le plan social, a-t-il dit, ajoutant qu’il croyait que le programme du NPD pouvait encore être bonifié. « Travaillons ensemble à l’améliorer, avec de nouvelles idées. Il sera encore meilleur. »

En 2015, Pierre Nantel avait remporté l’élection dans Longueuil–Saint-Hubert en coiffant le libéral Michael O’Grady d’à peine 700 voix. Denis Trudel, du Bloc, avait terminé troisième.