(Ottawa) La toute première tâche qui attendra le premier ministre désigné, au lendemain des élections, sera de former le Cabinet fédéral. Voici les scénarios plausibles.

Le cabinet libéral

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Après avoir osé en formant le premier Cabinet fédéral paritaire de l’histoire du pays lorsqu’il a pris le pouvoir en novembre 2015, le chef libéral Justin Trudeau devrait s’en remettre à plusieurs des élus qu’il avait autour de lui avant de déclencher les élections pour former son prochain Conseil des ministres. 

La grande inconnue est de savoir qui, parmi ses ministres, sera réélu lundi.

Les cinq piliers de son cabinet — Marc Garneau aux Transports, Chrystia Freeland aux Affaires étrangères, Bill Morneau aux Finances, Ralph Goodale à la Sécurité publique et Jim Carr au Commerce international — devraient être reconduits dans leurs fonctions, s’ils sont réélus, afin d’assurer une continuité dans leur ministère respectif. D’autant plus qu’ils ont des responsabilités qui ont une portée internationale et que ces ministres ont établi de solides relations de travail avec leurs principaux homologues étrangers au cours des dernières années.

Le Québec

Avant la dissolution du Parlement, le Québec comptait six ministres à la table du Cabinet, en plus du premier ministre lui-même. Outre Marc Garneau, M. Trudeau a fait appel aux services de Mélanie Joly (Tourisme et Langues officielles), François-Philippe Champagne (Infrastructure et Collectivités), Jean-Yves Duclos (Développement social, Famille et Enfants), Marie-Claude Bibeau (Agriculture), Pablo Rodriguez (Patrimoine) et Diane Lebouthillier (Revenu national). 

M. Duclos et Mme Lebouthillier sont engagés dans une rude bataille pour conserver leur siège en raison de la montée du Bloc québécois dans les intentions de vote. Justin Trudeau pourrait brasser les cartes de sa représentation québécoise en faisant appel à des recrues telles que Valérie Renaud-Martin, candidate dans Trois-Rivières, ou encore Chantal Pilon, qui brigue les suffrages dans Rimouski-Neigette–Témiscouata–Les Basques. Le jeune député de Louis-Hébert, Joël Lightbound, est aussi ministrable.

L’Ontario

En Ontario, Navdeep Bains (Industrie, Science et Développement économique), Karina Gould (Institutions démocratiques), Catherine McKenna (Environnement) et Bill Blair (Sécurité frontalière et Réduction du crime organisé) demeurent des incontournables dans la formation d’un cabinet libéral. 

M. Trudeau pourrait toutefois être tenté de faire appel à du sang neuf pour remplacer certains ministres qui n’ont pas été à la hauteur, notamment le ministre de l’Immigration, Ahmed Hussen, et la ministre de la Condition féminine, Maryam Monsef.

L’Est et l’Ouest

Dans les provinces atlantiques, d’aucuns s’attendent à ce que le Terre-Neuvien Seamus O’Regan soit de retour à la table du Cabinet. Il pourrait obtenir d’autres responsabilités que les Services aux Autochtones. Au Nouveau-Brunswick, Dominic LeBlanc devrait aussi être de retour, même s’il a été contraint de rester à l’écart de la campagne électorale en raison de ses ennuis de santé.

La tâche pourrait être plus difficile quant à une représentation adéquate des provinces de l’Ouest à la table d’un cabinet libéral. En effet, les libéraux risquent d’être rayés de la carte électorale en Alberta et pourraient perdre plusieurs sièges en Colombie-Britannique.

Un gouvernement de coalition ?

Il est fort probable que les Canadiens élisent un gouvernement minoritaire lundi. Tous les sondages menés durant la campagne ont confirmé que la lutte était très serrée entre le Parti libéral et le Parti conservateur. 

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Alexandre Boulerice et Jagmeet Singh

Cette lutte serrée a donné lieu à des conjectures au sujet de la formation d’un gouvernement de coalition entre le Parti libéral et le NPD. Dans un tel cas, le NPD pourrait exiger qu’on lui accorde des sièges au Cabinet en échange d’un engagement formel à soutenir un gouvernement de coalition.

Qui pourrait être appelé au Cabinet ? Le chef du NPD, Jagmeet Singh, ferait certainement partie du nombre, tout comme le député Alexandre Boulerice, qui pourrait être l’un des rares néo-démocrates à conserver son siège au Québec. Les députés de l’Ontario Charlie Angus et Tracey Ramsey et le député de la Colombie-Britannique Peter Julian sont considérés comme des piliers du parti.

Le cabinet conservateur

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Le chef du Parti conservateur Andrew Scheer pourra compter sur plusieurs anciens ministres du gouvernement Harper pour former son cabinet s’il remporte la victoire aux élections fédérales de lundi. 

Évidemment, la formation d’un cabinet conservateur dépendra des gains que réussiront à faire les troupes d’Andrew Scheer dans les provinces atlantiques, où ils n’ont aucun siège, et au Québec. M. Scheer ne s’est pas engagé à former un cabinet paritaire.

M. Scheer n’a lui-même jamais été ministre dans l’ancien gouvernement conservateur. Toutefois, il a été président de la Chambre des communes pendant quatre ans et il avait la responsabilité de gérer un budget annuel de 300 millions de dollars.

L’Ontario 

M. Scheer devrait faire appel à des piliers tels que l’Ontarienne Lisa Raitt, qui a tour à tour dirigé les ministères des Ressources naturelles, du Travail et des Transports entre 2008 et 2015. Mme Raitt, qui a aussi été candidate dans la course à la direction du Parti conservateur remportée par Andrew Scheer, pourrait être sur les rangs pour obtenir le ministère des Finances ou le poste de vice-première ministre.

Considéré comme un pitbull dans les rangs conservateurs, Pierre Poilievre, qui est de nouveau candidat dans la région d’Ottawa, est assuré d’obtenir un poste au sein du Cabinet. Maîtrisant les dossiers économiques à la perfection, M. Poilievre pourrait devenir le prochain grand argentier du pays si Lisa Raitt se voyait confier le poste de vice-première ministre — une fonction qui n’existait pas au sein du gouvernement Trudeau, mais qui était bien en vue dans les gouvernements Chrétien et Martin. 

L’ex-ministre des Anciens Combattants Erin O’Toole, qui est aussi de l’Ontario et qui a été candidat dans la course à la direction du Parti conservateur, est également considéré comme un incontournable dans les rangs conservateurs.

Le Québec

Au Québec, Alain Rayes, qui est le lieutenant politique d’Andrew Scheer dans la province depuis deux ans et qui a recruté des candidats dans les 78 circonscriptions du Québec, devrait voir son travail récompensé en obtenant un poste au Cabinet.

Des candidats vedettes tels qu’Yves Lévesque, à Trois-Rivières, Jessica Ebacher, dans Drummond, et Sylvie Fréchette, dans Rivière-du-Nord, pourraient également se voir confier des responsabilités ministérielles dans un éventuel gouvernement Scheer s’ils réussissent à se faire élire lundi. Communicateur hors pair, Gérard Deltell aurait aussi de très bonnes chances d’obtenir un poste au Cabinet pour assurer une représentation de la région de Québec.

L’Ouest et l’Est

Au Manitoba, Candice Bergen, qui a été ministre d’État au Développement social pendant deux ans, est celle qui aurait les meilleures chances de représenter à nouveau les intérêts de sa province à la table du Cabinet. Ayant appuyé Andrew Scheer dès le premier jour de la course au leadership, l’Albertain Chris Warkentin pourrait faire son entrée au Conseil des ministres, tout comme le volubile Mark Strahl, de la Colombie-Britannique. Compte tenu que la province va envoyer encore une fois un fort contingent de conservateurs à Ottawa, les Michelle Rempel de Calgary et Matt Jeneroux d’Edmonton pourraient aussi se retrouver à la table du cabinet.

Si les libéraux risquent d’avoir peu de représentants de l’Ouest, les conservateurs font face à un problème similaire dans les provinces atlantiques. Les troupes d’Andrew Scheer ont bon espoir de faire des gains au Nouveau-Brunswick, notamment dans la circonscription de Fundy Royal, où le conservateur Rob Moore tente un retour en politique.

Alliances ponctuelles avec le Bloc ?

Le Bloc québécois pourrait jouer un rôle influent au Parlement dans l’éventualité d’un gouvernement minoritaire conservateur. Si le chef bloquiste Yves-François Blanchet écarte catégoriquement l’idée de faire partie d’un gouvernement de coalition, sa formation politique pourrait appuyer certaines mesures soumises par un gouvernement Scheer, notamment l’instauration d’une déclaration d’impôts unique pour les contribuables québécois et l’octroi de pouvoirs accrus au Québec en matière d’immigration. Mais la ligne de conduite d’Yves-François Blanchet est limpide : ce sera du cas par cas, si cela est dans l’intérêt du Québec.