Le Pacte pour la transition a sauté dans la campagne électorale en appelant à voter contre le Parti conservateur, dans un courriel envoyé jeudi matin à certains de ses signataires.

Le message, envoyé à quelque 57 000 signataires du Pacte habitant dans 16 circonscriptions électorales où les sondages prévoient une lutte serrée, invite à y voter « pour le parti qui a le plus de chances de vaincre le Parti conservateur ».

Les responsables du Pacte ont ainsi voulu cibler des « comtés pivots qui pourraient faire une différence le 21 octobre », a expliqué à La Presse l’écosociologue Laure Waridel, co-porte-parole de cette initiative citoyenne.

« Ce n’est pas un geste qu’on aurait posé au début de la campagne électorale », précise-t-elle, mais la « possibilité réelle de l’élection d’un parti anti-climat, en l’occurrence le parti conservateur », les a convaincus.

On sent qu’on a l’obligation, à quelques jours des élections, d’informer les signataires du Pacte de l’importance de voter pour l’environnement.

Laure Waridel, Pacte pour la transition

Initiative « non partisane »

Le Pacte estime que son intervention n’est pas partisane, puisqu’il prend position « en faveur d’une transition énergétique de la société » et non pas d’une formation politique, affirme Laure Waridel.

Elle ajoute que ce sont les réponses du Parti conservateur lui-même aux questions d’une coalition de groupes environnementaux qui démontre que la formation d’Andrew Scheer prévoit « clairement mettre en place des politiques publiques qui vont nuire à l’environnement ».

« Ce n’est pas nécessairement un appel à voter libéral », dit-elle, expliquant que dans certaines circonscriptions, les sondages démontrent que ce sont des candidats bloquistes ou néo-démocrates qui ont le plus de chances de défaire le candidat conservateur.

Le Pacte n’a pas consulté Élections Canada avant d’envoyer son appel à voter contre les conservateurs, mais dit avoir obtenu un avis juridique statuant que la démarche ne contrevient pas à la loi électorale.

Chez Élections Canada, on n’a pas voulu se prononcer spécifiquement sur l’initiative du Pacte.

« On ne commente pas sur la légalité des cas particuliers "sur le tas". C’est le mandat du Commissaire aux élections fédérales de faire enquête et de prendre les mesures d’application de la loi appropriées, basée sur les plaintes qu’il reçoit », a écrit à La Presse Natasha Gauthier, porte-parole de l’organisme.

Elle signale toutefois qu’une opération ne comportant aucune dépense n’enfreint pas les règles qui encadrent les activités de ce que l’on appelle les « tiers partis » pendant la campagne électorale.

« Si leurs activités ne comportent aucune dépense (messages affichés sans coûts sur les médias sociaux, courriels d’un compte gratuit) ou si leurs dépenses n’atteignent pas le seuil des 500 $, les règlements ne s’appliquent pas », a-t-elle expliqué.

Blanchet perplexe

Le chef du Bloc québécois, signataire du Pacte, s’est toutefois dit perplexe devant cette initiative.

« Je l’interprète comme quelqu’un qui a signé le pacte. On est combien parmi les signataires à se dire : "une minute, je n’ai pas signé en voulant être utilisé pour la promotion d’un parti politique" », a réagi Yves-François Blanchet, interrogé par les journalistes sur la question.

De passage jeudi matin dans Hochelaga, M. Blanchet a par ailleurs indiqué qu’il s’expliquait mal la position de Dominic Champagne, à quelques jours du scrutin général du 21 octobre.

« Son appel m’est apparu, tout en étant totalement légitime, comme un peu isolé. Je ne lui ai pas parlé, je le connais très peu, mais je reste un peu étonné qu’on puisse se dire environnementaliste et soutenir une formation politique dont le programme dit qu’on va augmenter l’extraction, le transport et la transformation de carburant fossile », a-t-il aussi indiqué.

« Je ne porterai aucun jugement sur M. Champagne ni sur aucun militant environnemental, mais je peux assurer que notre programme à nous ne va pas dans le sens de l’augmentation du pétrole », a ajouté M. Blanchet qui fait campagne jeudi dans la métropole.

Pour sa part, le Nouveau parti démocratique (NPD) invite les électeurs à « voter avec leur coeur » et à prendre les projections électorales avec un grain de sel. Le chef adjoint Alexandre Boulerice assure d'ailleurs ne pas avoir interprété le geste des auteurs du pacte comme un appel au vote libéral. « On le voit comme un appel au vote pour l’environnement et le NPD est une des meilleures options sur la table à ce sujet », a-t-il affirmé à La Presse.

Au Parti conservateur, la réaction à cette offensive a été plutôt laconique.

« Nous nous concentrons sur la campagne sur le terrain en demandant un gouvernement conservateur majoritaire et nous ne nous laissons pas distraire », a déclaré à La Presse un porte-parole de la formation, Rudy Husny.