(Tsawwassen) Andrew Scheer a été le dernier des chefs fédéraux à présenter sa plateforme électorale chiffrée, alors que s’amorce la longue fin de semaine de l’Action de grâce.

De passage à Tsawwassen, en Colombie-Britannique, M. Scheer a confirmé vendredi que son plan, qu’il qualifie de « prudent et responsable », prévoit le retour à l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans.

Pour ce faire, un gouvernement conservateur repousserait des milliards de dépenses en infrastructures, imposerait les géants du web, forcerait les compagnies de tabac à payer pour des campagnes antitabac et sabrerait dans une foule d’autres dépenses.

Les économies permettront de financer 6,2 milliards en nouvelles dépenses l’an prochain qui prendront la forme surtout de baisses de taxes et des crédits d’impôt, mais qui serviront aussi à propulser des entreprises vertes à l’international pour lutter contre les changements climatiques de façon globale.

Sous un gouvernement conservateur, les dépenses augmenteraient de 11,4 milliards en 2024-2025, surtout en raison de la « baisse d’impôt pour tous » qui diminuerait de 15 à 13,75 % le taux du premier palier d’imposition.

Le parti estime être capable de payer pour ces mesures en prolongeant de trois ans les investissements de 187 milliards dans le plan libéral d’infrastructures. L’enveloppe prévue resterait la même, mais elle serait dépensée en 15 ans au lieu de 12.

« On va garantir tous les projets qui sont déjà commencés, qui ont déjà une entente entre les différents niveaux de gouvernements et on va dépenser le même montant d’argent de manière plus responsable », a décrit M. Scheer.

Le chef conservateur a déjà annoncé qu’il promet d’accorder la priorité aux projets d’infrastructures qui réduiront le temps passé dans le trafic. Selon ce seul critère, un gouvernement conservateur irait de l’avant avec des projets de transport en commun, mais aussi des projets moins écologiques — comme le troisième lien à Québec.

Netflix et fonction publique

Les conservateurs comptent aussi prélever des impôts de 3 % sur les revenus des géants du web, ce qui engendrerait des revenus additionnels de 5,2 milliards sur cinq ans. Mais pas question pour ces entreprises de collecter la TPS, comme toutes les plateformes canadiennes.

Les conservateurs comptent du même coup donner des avantages fiscaux à ces géants du web s’ils installent un siège social au Canada.

Un gouvernement conservateur mettrait aussi fin au « gaspillage » dans la fonction publique. Il compte maintenir le nombre équivalent d’employés à temps plein aux niveaux de 2020-2021, et ce, jusqu’à ce que le budget soit équilibré. Les économies les plus importantes auront lieu au niveau des dépenses de fonctionnement. La plateforme prévoit économiser pas moins de 14 milliards en cinq ans à ce niveau.

Un gouvernement conservateur va aussi adopter une Loi sur l’équilibre budgétaire afin d’exiger que le gouvernement fédéral maintienne un budget équilibré une fois le déficit éliminé. Il exigera que toute nouvelle proposition de dépense soit « neutre pour le budget », c’est-à-dire qu’elle permette des économies ou de nouvelles recettes pour le gouvernement.

De nouvelles promesses

Le document de 107 pages présenté vendredi est surtout composé de promesses que le parti avait déjà détaillées dans les premières semaines de la campagne ou dans des discours de M. Scheer.

Parmi les nouvelles mesures dans la plateforme, on retrouve des pouvoirs accrus pour le Service canadien du renseignement de sécurité, de nouvelles lois pour accuser les Canadiens qui s’engagent dans des activités terroristes à l’étranger, mais aussi un élargissement des prestations parentales de l’assurance-emploi suivant la mort d’un nourrisson.

Un gouvernement conservateur promet aussi de faire revivre le projet de loi de Rona Ambrose, l’ancienne chef par intérim du parti, afin de s’assurer que tous les nouveaux juges reçoivent une formation de sensibilisation pour les victimes d’agressions sexuelles. La législation était morte au feuilleton au dernier Parlement en raison d’un blocus des sénateurs conservateurs.

La plateforme coulée

Les conservateurs ont été attaqués à répétition par les libéraux pour avoir attendu après les débats avant de dévoiler leur plateforme chiffrée. Et même lorsque c’était fait, les attaques ont continué de plus belle.

Au lendemain du dernier débat en français, vendredi matin, le chef libéral Justin Trudeau a tourné au ridicule l’idée de présenter une plateforme à la veille d’un long congé.

« La réalité, c’est que, et on le sait tous, on ne sort pas son meilleur travail à 18 hle vendredi d’un long week-end », a-t-il dit, provoquant rires et applaudissements pendant une rencontre avec ses militants à Ottawa.

Les libéraux ont par la suite dévoilé des éléments de la plateforme conservatrice environ une heure avant l’annonce de M. Scheer. Ils ont décrié les 53 milliards de compressions prévues par le chef conservateur, en lui demandant où il allait couper.

« Des projets d’infrastructures ? », « De vos prestations de l’Allocation canadienne pour enfants ? », « Du soutien à nos aînés ? », « Des bourses d’études ? » a demandé M. Trudeau par le biais des réseaux sociaux.

Le Nouveau Parti démocratique a lui aussi présenté son cadre financier vendredi matin, mais les libéraux l’ont ignoré.