(Toronto) La campagne électorale fédérale aurait été jusqu’ici « relativement propre » sur Facebook, mais une chercheuse prévient que des informations erronées pourraient surgir au cours de la dernière semaine.

Le « Projet démocratie numérique », un partenariat de trois ans entre le Forum des politiques publiques et la Max Bell School of Public Policy de l’Université McGill, a aussi mis à contribution le Centre de cybersécurité de l’Université de New York pour examiner les publicités sur Facebook au cours des premières semaines de la campagne canadienne.

Laura Edelson, chercheuse au Projet de transparence politique en ligne, de l’Université de New York, conclut qu’il n’y a eu jusqu’à présent aucune preuve d’« activité étrangère » dans les publicités électorales sur Facebook.

« De manière générale, nous avons assisté à une élection largement propre, avec beaucoup moins de désinformation ou d’annonceurs sous de fausses identités que ce que nous avions vu aux États-Unis et au Royaume-Uni, a-t-elle déclaré. Si des publicités contenant de la désinformation sont publiées, je pense qu’elles le seront au cours de la dernière semaine. »

Le rapport du Projet démocratie numérique indique que le scandale Cambridge Analytica — dans lequel la société a utilisé les données des utilisateurs de Facebook pour tenter d’influencer les élections présidentielles américaines de 2016 — a permis de mieux saisir quels rôles les médias sociaux peuvent jouer pour influencer une campagne électorale.

« Avec la publicité traditionnelle, les campagnes ne peuvent toucher que de larges auditoires — comme les abonnés à des journaux ou les téléspectateurs d’une certaine émission de télévision — et ces dépenses sont strictement réglementées, souligne le rapport. Mais avec les publicités sur les réseaux sociaux, les partis politiques et leurs militants peuvent adapter leurs messages à des publics très ciblés, sans que le reste du pays ne sache quelles informations reçoivent leurs amis et leurs voisins. »

« Vérification des faits », vraiment ?

Le Projet démocratie numérique a tout de même débusqué ce que les chercheurs appellent des exemples troublants de publicités partisanes diffusées par deux groupes très campés qui se présentent pourtant comme des « vérificateurs de faits », à la manière des « médias traditionnels ».

Entre le 11 septembre et le 4 octobre, les chercheurs ont trouvé 60 annonces de « vérification de faits erronés » provenant de deux pages Facebook différentes. La première s’appelle « Election Fact Check », payée par le Parti conservateur et clairement identifiée comme telle ; l’autre s’en prend aux conservateurs et soutient qu’elle est payée par « Canada Fact Check », qui renvoie à un site internet de gauche.

Le rapport de Projet démocratie numérique indique également que le groupe de gauche « North99 » a publié 30 annonces sollicitant des dons pour le site internet « conservativeplan.ca », qui « semble être un site partisan conçu pour diffuser des messages politiques négatifs », en déboulonnant la plateforme conservatrice.

« Ces dernières années, les organes de presse ont investi davantage de ressources dans la vérification des faits afin de lutter contre la désinformation politique et se positionner comme une source fiable d’informations, indique le rapport. Les organisations partisanes qui présentent des messages politiques comme des “vérifications de faits” pourraient créer encore plus de confusion à ce chapitre. »

Les groupes tiers

Le rapport a également examiné la manière dont les partis politiques et les groupes tiers font de la publicité sur Facebook. Entre le début de la campagne électorale, le 11 septembre, et le 4 octobre dernier, les libéraux ont dépensé plus que leurs adversaires, injectant environ 1 million de dollars dans les publicités sur Facebook, contre 640 000 $ dépensés par les conservateurs et 230 000 $ par les néo-démocrates.

Les conservateurs dépensent plus par annonce, avec une moyenne de 695 $, mais en diffusent moins, alors que les libéraux diffusent plus d’annonces, mais plus petites et plus ciblées, selon le rapport. La stratégie libérale pour les publicités sur Facebook semble axée sur les candidats individuels. Les femmes de 18 à 24 ans constituent le groupe le plus ciblé par les libéraux, tandis que les hommes de 25 à 34 ans sont la cible principale des publicités conservatrices sur Facebook.

Puisque les néo-démocrates ont dépensé peu dans les publicités sur Facebook, il est difficile de dégager des comparaisons directes, indiquent les chercheurs.

Pour ce qui est des groupes tiers, « Canada Proud », une organisation antilibéraux, dépasse de loin tous les autres, avec des dépenses estimées à 123 000 $ ; « North99 », à gauche, a dépensé environ 29 000 $.