« Je veux amener du bonheur à la population. »

En entrevue avec La Presse, assise sur la pelouse du parc des Compagnons de Saint-Laurent, Nimâ Machouf n’incarne pas exactement la rectitude politique si souvent reprochée aux élus.

Volubile, la candidate du Nouveau Parti démocratique (NPD) dans Laurier–Sainte-Marie décrit de long en large les fondements de son implication dans la vie publique, qu’elle souhaite poursuivre à la Chambre des communes si elle est élue le 21 octobre prochain.

« Le bonheur, ça vient avec des biens, mais ce n’est pas que ça, poursuit-elle sans prendre de pause. C’est s’assurer que chaque individu ait sa place dans la société, lui donner plus de services, lutter contre la pauvreté. Je pense qu’on est capables de faire ça. »

Il faut dire que les inégalités ne manquent pas dans cette circonscription regroupant l’essentiel du Plateau Mont-Royal en plus de la moitié est de l’arrondissement de Ville-Marie. Autrement dit, l’emblème du Montréal francophone embourgeoisé au nord, et au sud, la portion la plus délabrée du centre-ville et le secteur moins favorisé du Centre-Sud.

Ancien château fort bloquiste représenté par Gilles Duceppe pendant 18 ans, Laurier–Sainte-Marie a été au cœur de la vague orange de 2011 et a donné deux majorités nettes à la députée néo-démocrate Hélène Laverdière. Celle-ci a toutefois annoncé il y a plus d’un an qu’elle ne briguerait pas les suffrages une troisième fois.

Choix logique

Militante du NPD depuis une dizaine d’années, Nimâ Machouf est apparue comme un choix logique dans ce secteur fidèle à Québec solidaire depuis 2008 à l’Assemblée nationale.

Née en France, elle a passé une partie de son enfance au Québec avant que ses parents ne décident de rentrer en Iran, leur pays d’origine.

La révolution islamique de 1979 a toutefois frappé sa famille en plein cœur. Militant opposé à la « dictature religieuse » imposée par le régime, son père a été emprisonné à quelques reprises. Adolescente, Nimâ a dû quitter l’école, et à 18 ans, elle a résolu de fuir vers le Canada avec sa sœur.

Arrivée au Québec, elle a embrassé le mouvement étudiant – « à l’époque, on se battait pour les prêts et bourses et, ironiquement, on se bat encore pour ça », fait-elle remarquer. Elle découvre à Montréal une gauche décomplexée qui la prend sous son aile.

« Je me rappelle une soirée politique à laquelle j’étais allée. Je ne connaissais personne. Quand ç’a été fini, les gens ont ramassé leurs papiers et ont sorti la bière ; ils ont mis de la musique et ont commencé à danser. Je ne comprenais pas ce qui se passait », raconte-t-elle.

En Iran, le milieu politique était très sérieux. Et pour cause, car on affrontait un gouvernement qui ne rigolait pas non plus. Ici, j’ai appris qu’on peut faire de la politique et trouver du bonheur.

Nimâ Machouf, candidate du Nouveau Parti démocratique dans Laurier–Sainte-Marie

Inégalités

Élue comme conseillère municipale pour Projet Montréal en 2005, cette infectiologue n’a jamais siégé à l’hôtel de ville : comme elle était la colistière du chef de la formation Richard Bergeron, battu dans la course à la mairie, elle lui a cédé sa place.

Mme Machouf affirme que Québec solidaire lui a offert l’année dernière de se porter candidate dans Mercier en remplacement de son mari, Amir Khadir, mais elle a décliné, craignant l’impression de favoritisme que cela aurait pu envoyer.

La voilà donc candidate du NPD, d’abord et avant tout pour porter à Ottawa le projet environnemental. À ses yeux, le Parti vert « ne va pas assez loin » sur cette question, et le NPD a davantage à offrir dans la lutte contre les inégalités.

Devant l’urgence climatique, « on ne peut plus se permettre la complaisance », dit Nimâ Machouf. Le développement des énergies renouvelables et la création de quelque 300 000 emplois dans ce secteur sont pour elle des priorités.

Dans sa circonscription, c’est pour venir en aide aux plus démunis qu’elle souhaite se faire élire. 

Le gouvernement a la responsabilité de prendre soin de son monde.

Nimâ Machouf, candidate du Nouveau Parti démocratique dans Laurier–Sainte-Marie

Laïcité

Malgré tout l’enthousiasme de Nimâ Machouf, le NPD continue de piétiner dans les sondages au Québec, province qui l’avait pourtant catapulté dans l’opposition officielle en 2011.

La candidate estime que son chef doit être « mieux connu » de la population ; en revanche, les électeurs doivent franchir la « barrière » du turban de Jagmeet Singh, dit-elle. Tout cela en trois semaines.

Établie ici depuis 35 ans, elle n’a aucun doute que « les Québécoises et les Québécois ne sont pas racistes ». Ce qui n’empêche pas, selon elle, la présence d’un « racisme systémique » et d’une conception confuse de la laïcité de l’État.

Andrew Scheer, rappelle-t-elle, ne porte aucun signe religieux, mais il n’empêcherait pourtant pas un député d’arrière-ban de déposer un projet de loi pour restreindre le droit des femmes à l’avortement. À ses yeux, le chef conservateur « est beaucoup plus dangereux » ainsi.

Le temps commence à presser pour Nimâ Machouf si elle veut convaincre les sceptiques.

À plus forte raison encore, sachant que son adversaire libéral, et actuel meneur de la course selon les sondages, s’appelle Steven Guilbeault, visage médiatique du mouvement environnemental au Québec.

Les autres principaux candidats dans Laurier–Sainte-Marie

Steven Guilbeault, Parti libéral
Lise des Greniers, Parti conservateur
Michel Duchesne, Bloc québécois
Jamil Azzaoui, Parti vert
Christine Bui, Parti populaire du Canada

Résultats en 2015

Hélène Laverdière, NPD, 38,3 %
Gilles Duceppe, Bloc québécois, 28,7 %
Christine Poirier, Parti libéral, 23,7 %
Daniel Gaudreau, Parti conservateur, 4,1 %
Cyrille Giraud, Parti vert, 3,5 %