(Hamilton) Au 13e jour de la campagne électorale fédérale, le chef libéral tente de recentrer son discours autour de Doug Ford et de l’épouvantail que l’impopulaire premier ministre ontarien peut représenter pour tous les Canadiens.

De passage à Hamilton, en Ontario, lundi matin, Justin Trudeau a promis, s’il est réélu, de dépenser six milliards en quatre ans pour mettre sur pied un régime national d’assurance-médicaments, améliorer l’accès aux médecins de famille et aux soins en santé mentale et en soins palliatifs. Il n’a pu toutefois prédire le coût annuel d’un régime national d’assurance-médicaments ou l’échéancier de sa mise en place.

Cette promesse libérale d’un régime d’assurance-médicaments fait suite à un engagement semblable du Nouveau Parti démocratique, qui propose de dépenser 10 milliards par année pour que tous les médicaments et matériels médicaux nécessaires soient gratuits sur le lieu des soins, à compter de 2020. Le NPD soutient que les Québécois, qui jouissent déjà d’un régime d’assurance-médicaments, pourraient ainsi bonifier leur « programme avant-gardiste ».

Cette promesse libérale suit aussi en grande partie les recommandations d’un groupe d’experts présidé par l’ancien ministre ontarien de la Santé Eric Hoskins, qui avait tracé la voie à suivre pour mettre en place un régime national d’assurance-médicaments au cours de la prochaine décennie. Le rapport Hoskins prédisait que le démarrage d’un tel programme coûterait 3,5 milliards en 2022, avant de passer à 15,3 milliards par année une fois que le programme serait pleinement opérationnel en 2027.

M. Trudeau n’a toutefois pas précisé ces coûts ni la façon dont il espérait parvenir à un accord avec les premiers ministres des provinces, avec qui il est souvent à couteaux tirés. La livraison des soins de santé n’est pas de compétence fédérale, mais Ottawa verse des transferts aux provinces en matière de santé.

« Pour avancer sur l’assurance-médicaments de façon nationale, il va falloir qu’on continue les négociations avec les provinces, a-t-il convenu lundi. Alors, la question devient : qui voulez-vous voir négocier avec Doug Ford sur votre santé ? », a lancé le chef libéral, sentant le besoin de nommer le premier ministre conservateur ontarien plus d’une dizaine de fois en 30 minutes.

Doug Ford a multiplié les coupes dans les services depuis son arrivée au pouvoir en juin 2018, ce qui lui a valu une dégringolade spectaculaire dans les mesures de satisfaction des électeurs de sa province.

Négocier avec Doug Ford

Les négociations sur les soins de santé entre Ottawa et les provinces ont toujours été extrêmement difficiles et on a demandé à M. Trudeau lundi matin pourquoi M. Ford voudrait soudainement travailler avec lui, compte tenu de ses attaques frontales contre le premier ministre ontarien. M. Trudeau a souligné qu’Ottawa avait négocié un nouvel accord sur la santé en 2016 et 2017, preuve selon lui qu’un nouveau gouvernement libéral serait en mesure de mener une autre série de négociations de ce type.

Par contre, M. Ford n’était pas encore élu à l’époque et il y avait sept premiers ministres libéraux à la tête des provinces ; aujourd’hui, ils ne sont plus que deux, les autres ayant été remplacés par des conservateurs.

Par ailleurs, les provinces et territoires étaient remontés, il y a trois ans, lorsque les libéraux ont fait passer de 6 à 3 % l’augmentation annuelle des transferts fédéraux en matière de santé. Ottawa a plutôt ajouté davantage d’argent pour les soins à domicile et les services en santé mentale. Lorsque les provinces ont rejeté en bloc cette offre, le gouvernement libéral a négocié une entente bilatérale avec chacune d’entre elles.

À la suite de l’annonce de M. Trudeau, le NPD a publié lundi un communiqué citant le chef libéral qui aurait déclaré, avant les élections, qu’il ne forcerait pas de programmes d’assurance-médicaments ou de garderies dans les provinces qui n’en voudraient pas. Les néo-démocrates soutiennent que M. Trudeau céderait ainsi devant la grande entreprise et Doug Ford.

Les conservateurs, de leur côté, soutiennent que M. Trudeau n’a pas exclu d’abolir les régimes collectifs d’assurance-médicaments au travail une fois que le programme national d’assurance-médicaments aurait été mis en place.

M. Trudeau a été brièvement chahuté pendant son étape matinale à Hamilton par quelques jeunes manifestants qui en avaient contre les oléoducs. Ils ont été escortés hors de la salle sans que le chef libéral ne leur réponde.

Justin Trudeau passe une deuxième journée consécutive à parcourir des circonscriptions clés dans un Ontario riche en électeurs, qui ont changé d’allégeance au fil des ans et qui sont essentiels aux espoirs de réélection du chef libéral. Après des escales à Brampton et à Hamilton, M. Trudeau devait faire un saut à Niagara Falls, une circonscription orpheline depuis le départ du vétéran député conservateur Rob Nicholson.