(Ottawa) L’économie est une préoccupation majeure pour les électeurs canadiens et la Banque du Canada, une autorité en la matière, restera en grande partie silencieuse pendant la campagne électorale fédérale.

Cette discrétion est délibérée. La banque centrale affirme vouloir éviter toute incidence possible — ou toute apparence d’incidence — sur le débat politique.

« En tant qu’organisation neutre et politiquement indépendante, nous veillons à ce que nos messages ne soient ni mal interprétés ni utilisés lors d’une période de grande sensibilité politique », a écrit dans un courriel le porte-parole de la Banque du Canada, Nicholas Galletti.

« Pour cette raison, notre pratique de longue date consiste à ne pas accepter de nouveaux événements publics et à limiter nos activités dans les médias en période électorale. Ce n’est pas nouveau. »

La campagne électorale se déroule dans une période de pression politique croissante sur certaines banques centrales. Par exemple, le président américain Donald Trump a critiqué publiquement à plusieurs reprises le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, pour ses positions en matière de politique monétaire.

La toile de fond de la campagne canadienne comprend également les conflits commerciaux mondiaux, qui pèsent sur l’économie mondiale. Les banques centrales y ont répondu en signalant ou en prenant des mesures, y compris des baisses de taux d’intérêt.

Jusqu’à présent, l’économie nationale a bien résisté et la Banque du Canada n’a pas modifié ses taux, mais tout ralentissement économique mondial poserait un risque majeur. De nombreux analystes prévoient que la Banque du Canada réduira son taux directeur lors de la prochaine annonce de sa politique, le 30 octobre — une réunion qui aura lieu un peu plus d’une semaine après le vote du 21 octobre.

L’annonce du 30 octobre sera accompagnée de la publication des projections trimestrielles de la banque centrale et d’une conférence de presse avec le gouverneur, Stephen Poloz, et la première sous-gouverneure, Carolyn Wilkins.

Leur conférence de presse surviendra près de huit semaines après la dernière audience publique de l’un des hauts responsables de la banque. Le sous-gouverneur Lawrence Schembri a prononcé un discours et répondu à des questions, le 5 septembre, soit au lendemain de la plus récente annonce de la banque sur sa politique monétaire.

M. Galletti a indiqué que les dirigeants de la banque peuvent sortir de leur réserve à tout moment pour communiquer avec le public et les marchés sur la politique à suivre, s’ils déterminent que les conditions l’exigent.

« L’indépendance opérationnelle de la banque en matière de politique monétaire signifie que nous mènerons une politique monétaire adaptée aux conditions économiques qui prévalent, y compris en période électorale », a-t-il expliqué.

« Cela inclut toute communication sur la politique ou les perspectives que le conseil de direction juge nécessaires. »

Pour l’instant, le calendrier public de la banque centrale est vide jusqu’au 22 octobre, soit le lendemain des élections. Elle publiera cette journée-là son enquête trimestrielle réalisée auprès des dirigeants d’entreprise.

Le plus neutre possible

Dans les semaines menant aux élections fédérales de 2015, M. Poloz avait prononcé trois discours en septembre et en octobre. Une sous-gouverneure à cette époque, Agathe Côté, avait prononcé un discours à la fin du mois de septembre de la même année.

La Banque du Canada a expliqué qu’en campagne électorale, son approche consistait à aller de l’avant avec les « événements publics déjà planifiés », notamment les décisions sur les taux, la publication des rapports et des recherches du personnel, ainsi que les discours publics des membres de son conseil de direction.

M. Galletti a ajouté qu’il n’y avait, cette année, rien de fondamentalement différent qu’en 2015, si ce n’est que la banque centrale révise désormais son calendrier de discours tous les six mois plutôt qu’une année complète en avance.

« Nos projets pour le second semestre de 2019 se sont appuyés sur la certitude concernant la date des élections », a-t-il précisé.

Le porte-parole a ajouté qu’un autre développement ayant joué un rôle dans la planification de la banque pour 2019 était l’introduction, l’année dernière, de ses « discours sur le progrès économique ». Ces discours sont prononcés par les sous-gouverneurs le lendemain des annonces sur les taux qui ne sont pas accompagnées d’une conférence de presse.

Douglas Porter, économiste en chef de la Banque de Montréal, a indiqué qu’il avait toujours tenu pour acquis que la Banque du Canada voulait rester aussi éloignée que possible des campagnes électorales.

« Structurellement, ils veulent être aussi neutres que possible et c’est donc compréhensible dans cette situation. Il est très peu probable que des gens comme moi-même leur reprochent de vouloir faire profil bas pendant la campagne électorale », a indiqué M. Porter lors d’une entrevue.

Il a bien noté que la date du scrutin et l’annonce du taux d’intérêt du 30 octobre étaient rapprochées, ce qui laissera très peu de temps à la banque après le vote pour organiser un événement public, si nécessaire. Mais M. Porter a ajouté que la Banque du Canada avait eu tendance ces dernières années à éviter de fournir trop d’indications aux marchés avant la décision de taux.

La banque centrale, bien sûr, devrait réagir à un événement économique important, a-t-il ajouté, et elle a déjà procédé à des changements de taux d’intérêt en pleine campagne électorale.

M. Porter a rappelé une situation extraordinaire survenue lors de la campagne fédérale de 2008, lorsque la banque avait procédé à une réduction de taux coordonnée avec d’autres banques centrales, en pleine crise financière.