(Ottawa) Les verts ont attendu tout l’été avant de clarifier leur position sur la possible utilisation des sables bitumineux de l’Ouest pour rendre le Canada autosuffisant sur le plan énergétique. La réponse est non.

En entrevue avec La Presse canadienne, le chef adjoint du Parti vert du Canada (PVC), Daniel Green, admet que cet aspect du plan d’action climatique du parti n’a « pas été bien communiqué » dans les derniers mois et « portait à confusion ».

« Ça démontre que le Parti vert évolue, rigole-t-il à l’autre bout du fil. On a beaucoup de gens autour de nous — on a un cabinet fantôme, on a des membres — qui sont intervenus pour qu’on clarifie notre position. »

Le PVC prône une réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, soit deux fois plus que l’objectif actuel de 30 %.

Cet objectif ambitieux d’ici dix ans obligerait une « réduction massive » de la production d’essence, et donc du transport de pétrole et l’« abandon de tout pétrole étranger, incluant le pétrole américain », selon M. Green.

Pourtant, la plateforme électorale dévoilée plus tôt cette semaine mentionne l’interdiction de l’importation de pétrole d’Arabie saoudite, mais ne fait pas de mention explicite des autres pays.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Elizabeth May et Daniel Green.

En mai dernier, la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, dévoilait son plan d’action climatique intitulé « Mission possible » qui demandait, entre autres, que les Canadiens consomment du pétrole produit au Canada en attendant de s’affranchir totalement des énergies fossiles.

Le pétrole canadien provient essentiellement des sables bitumineux et est réputé pour être beaucoup plus polluant.

Cette position avait fait réagir le chef du Parti vert du Québec, Alex Tyrrell, entre autres, qui dénonçait la position « controversée et incohérente » de Mme May. Il a fait campagne pour récolter des appuis tout l’été afin de forcer ses homologues fédéraux à changer de position.

Le programme du PVC dévoilé plus tôt cette semaine ne fait plus aucune mention de la nécessité d’utiliser du pétrole canadien, ce qui fait dire à M. Tyrrell qu’il avait raison de maintenir la pression.

« Mon point était légitime et ils ont changé le programme en réponse à ça. Alors de dire que c’est un problème de communication, que j’ai mal compris, je trouve que c’est dommage parce qu’en réalité, la position a changé. Ça démontre justement qu’il y avait un problème auparavant », affirme M. Tyrrell en entrevue téléphonique.

Le programme du PVC précise qu’« aucun nouveau projet lié à un pipeline, à l’extraction ou à la production de charbon, à l’extraction de pétrole ou de gaz, incluant le forage de puits en mer, ne sera approuvé ». Pas question, donc, de toucher au pétrole des sables bitumineux de l’Ouest canadien. Resterait-il donc dans le sol ? « Oui », a répondu M. Green sans hésiter.

Les producteurs de pétrole canadien en pompent déjà suffisamment pour répondre à la demande intérieure, mais il n’y a pas de pipeline reliant l’ouest, riche en pétrole, aux raffineries de l’est.

M. Green soutient qu’il n’est pas question de transporter du pétrole de l’ouest vers l’est.

Idéalement, dit-il, les raffineries de l’Est canadien — comme Suncor à Montréal, Valero à Lévis et Irving à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick — s’approvisionneraient grâce au gisement pétrolier d’Hibernia, dans les eaux de Terre-Neuve.

Pour les provinces de l’Ouest canadien, la formation politique les invite à utiliser plutôt le pétrole dit « conventionnel ».

Dans sa plateforme, le parti reconnaît que, « inévitablement », les emplois dans le secteur des combustibles fossiles vont disparaître. Le Parti vert s’engage donc « à offrir une transition équitable aux travailleurs de ce secteur vers les nouvelles industries ».

En matinée à Montréal, vendredi, le PVC a dévoilé un « sous-slogan » pour le Québec : « L’urgence d’agir ». Il s’agit d’un tout autre slogan que celui qui était mis de l’avant jusqu’à maintenant : « Ni à droite ni à gauche. Vers l’avant ensemble ».

Quelques candidats verts du Québec, dont la nouvelle recrue Pierre Nantel, ont pris la parole tour à tour pour expliquer leurs priorités en vue de la prochaine élection.

En plus de la crise climatique, les candidats promettent de « révolutionner » le secteur des transports en commun et de les rendre plus accessibles à tous. Les verts souhaitent aussi instaurer le revenu minimum garanti pour lutter contre la pauvreté et d’abroger la Loi sur les Indiens jugée « désuète » afin d’aider à la réconciliation avec les peuples autochtones.

À une semaine de la grande manifestation pour le climat prévue à Montréal, la chef du Parti vert participait quant à elle à une marche pour le climat à Calgary.

« Ici, cette ville, c’est une grande partie de l’industrie fossile et c’est nécessaire de parler avec tout le monde d’une façon gentille et ouverte », a déclaré Mme May, entourée de manifestants.