(Saint-Mathias-Sur-Le-Richelieu) Le Bloc québécois estime que l’époque des tergiversations et des demi-mesures en matière de pesticides tueurs d’abeilles est terminée et que le temps est venu de passer à une interdiction complète, mais progressive.

De passage dans une ferme biologique de la Montérégie, mercredi, le chef bloquiste Yves-François Blanchet a fait part de son intention de présenter dès le retour à la Chambre des communes un plan de retrait d’ici quatre ans des pesticides néonicotinoïdes assorti d’un fonds de 300 millions pour la recherche et la transition pour les producteurs agricoles.

« Ce qu’il ne faut pas faire en matière environnementale, c’est de dire : c’est la totalité et c’est immédiat », a expliqué M. Blanchet, disant ne pas vouloir se « mettre en porte-à-faux avec l’ensemble des agriculteurs ».

« Si on prend une mesure trop radicale, on ne fait que braquer tout le monde et on ne progresse pas. Ça prend une mesure qui est progressive, mais qui commence immédiatement et on dit que ça finit dans quatre ans. […] À l’intérieur des premiers mois, on aboutirait avec un plan d’action avec, en parallèle, accompagnement, possiblement compensation (pour les producteurs) et assurément recherche. »

Tueurs d’abeilles

Lui-même ministre de l’Environnement dans le bref gouvernement péquiste de Pauline Marois, Yves-François Blanchet avait entrepris une démarche de retrait pour se heurter aux lobbys des producteurs agricoles et, surtout, des fabricants de pesticides.

Il fait valoir qu’il a été démontré que les néonicotinoïdes sont à l’origine d’une décimation des colonies d’abeilles. Il cite les évaluations des Nations unies selon lesquelles le taux d’extinction des insectes pollinisateurs est de 100 à 1000 fois plus élevé que la normale en raison de ces pesticides et des changements climatiques.

De plus, le ministère québécois de l’Environnement a détecté entre 2015 et 2017 des traces de ce pesticide au-delà des critères de la qualité requise pour la protection des espèces aquatiques dans 79 à 100 % des échantillons d’eau. L’Institut national de la recherche scientifique (INRS) a par ailleurs conclu qu’il a des effets négatifs sur le système endocrinien des humains.

Il dénonce le fait que, malgré les recherches scientifiques menées durant sept ans par Ottawa qui ont démontré les effets dévastateurs des néonicotinoïdes sur les insectes pollinisateurs et les invertébrés aquatiques, Santé Canada se soit contenté de simplement en restreindre l’usage à certaines étapes de la floraison.

Le Bloc dans un gouvernement minoritaire

Yves-François Blanchet ne va pas jusqu’à souhaiter l’élection d’un gouvernement minoritaire, mais il ne rechignerait pas à se voir octroyer un poids politique additionnel dans une telle éventualité, sachant fort bien que les propositions du Bloc seront toujours dépendantes des autres partis puisqu’il ne peut prendre le pouvoir.

Ainsi, gouvernement minoritaire oui, en autant qu’il soit prêt à inclure le Bloc dans l’équation du pouvoir.

« Je souhaite que ce soit un gouvernement minoritaire dans la mesure où ça donnerait une voix québécoise, une poignée importante sur les décisions du gouvernement », a dit M. Blanchet.

« Ça permettrait au Bloc québécois d’aller contre et peut-être même de bloquer des mesures nuisibles pour le Québec, des mesures nuisibles pour l’environnement et de faire passer, de forcer un peu la main et d’arracher des avantages pour le Québec et pour l’environnement. »

Toutefois, en aucun temps n’a-t-il utilisé l’expression « balance du pouvoir », préférant le vocabulaire du dialogue : « Ce qu’on va proposer va être discuté dans un esprit de collaboration avec un gouvernement… s’il y a une ouverture d’esprit à cet égard. »

Déficit : « imprudence électoraliste »

Réagissant à l’annonce, la veille, d’un déficit fédéral de 14 milliards, qui fait suite à deux déficits consécutifs de 19 milliards, Yves-François Blanchet a pointé du doigt la multiplication des annonces par le gouvernement Trudeau.

« Le gouvernement canadien est dans une spirale qui compromettra à terme sa position de “théoriquement plus performant” de l’OCDE, parce qu’il y a une imprudence électoraliste et il y a une imprudence dans l’ensemble des annonces. »

Il ne s’est pas gêné pour dire ce qui, selon lui, constitue une piètre gestion des finances publiques.

« Ça démontre beaucoup trop d’argent investi dans le pétrole de l’Ouest. Ça démontre de l’argent mal placé. […] Ça démontre une incapacité ou un manque total de volonté d’aller récupérer tout l’argent qui fuit dans les paradis fiscaux, tout l’argent de ces gens qui ne versent pas leur juste part au Trésor public canadien. »

L’investissement fédéral dans l’industrie pétrolière l’irrite particulièrement.

« Quand on investit comme gouvernement canadien 19 milliards dans l’industrie pétrolière qui, d’une part, n’en a pas besoin, d’autre part ne le mérite pas et d’autre part encore devrait commencer à réduire ses activités si on veut finir par sortir de là, c’est forcément de l’argent extrêmement mal placé et, malgré nous, de l’argent québécois. »