Depuis le début de son enquête sur la mort de Fredy Villanueva, le coroner André Perreault a maintes fois répété que l'étude de la question du profilage racial ne faisait pas partie de son mandat. Or, le coroner ne semble plus aussi fermé à l'idée depuis qu'il a appris en lisant La Presse que la police de Montréal a passé sous silence les conclusions d'une étude interne sur le profilage racial commandée à la suite de l'émeute de Montréal-Nord.

À la reprise des audiences, ce matin, au palais de justice de Montréal, le coroner a questionné l'avocate de la Ville de Montréal sur les raisons pour lesquelles ce rapport ne lui avait pas encore été transmis. C'est que le coroner, par le biais de son avocat, Me François Daviault, en a fait la demande à la Ville après que La Presse eut révélé l'existence d'un tel document le mois dernier.

«La Ville de Montréal n'est pas en mesure de vous donner une position claire ce matin. Nous faisons le nécessaire pour obtenir une réponse le plus rapidement possible», a indiqué l'avocate de la Ville, Me Isabelle Massé. Le coroner André Perreault ne semblait pas satisfait de cette réponse. Il lui a demandé de préciser le moment où la Ville annoncera si elle transmet ou non ce rapport. «D'ici la fin de la semaine», s'est alors engagée la représentante de la Ville.

La Presse a révélé l'existence d'un rapport qui dresse un portrait «alarmant» du profilage des personnes noires à Montréal. L'étude, qui porte la mention «brouillon», a été réalisée par un criminologue à l'embauche du SPVM. La police de Montréal n'a jamais autorisé sa publication, invoquant le fait qu'elle comporte «d'importants biais méthodologiques».

Le rapport révèle que, de 2001 à 2007, les contrôles d'identité des Noirs ont augmenté de 126% à Montréal-Nord et de 91% à Saint-Michel, alors que ceux des Blancs sont restés stables. Le but de l'étude était de mieux cerner les «causes probables» de l'émeute survenue au lendemain de la mort de Fredy Villanueva.

Par ailleurs, le vice-président de la Fraternité des policiers de Montréal, Robert Boulé, a débuté son témoignage ce matin. Ce délégué syndical a recueilli la version de l'agent Jean-Loup Lapointe le soir du 9 août 2008, bien avant que la Sûreté du Québec ne l'interroge. L'agent Lapointe est celui qui a fait feu sur le groupe de jeunes qui jouaient aux dés ce soir-là, atteignant mortellement Fredy Villanueva et blessant par balle Jeffrey Sagor-Metellus et Denis Meas. Sa coéquipière, Stéphanie Pilotte, a également participé à l'intervention.

Robert Boulé a accompagné les policiers à l'hôpital après le drame. «À l'hôpital, je ne suis pas là pour prendre leur version. Je suis là pour les sécuriser, les rassurer. Je n'agis pas à titre d'enquêteur», a-t-il insisté, interrogé par l'avocat du coroner, Me François Daviault. Ce soir-là, lorsque les policiers Pilotte et Lapointe sont retournés à leur poste de quartier après avoir obtenu leur congé de l'hôpital, le représentant syndical a tout de même recueilli leur version dans le bureau du commandant du poste, derrière des portes closes.  Seulement pour «faire un suivi administratif, particulièrement pour la CSST», a expliqué le policier d'expérience. Cela n'est pas une pratique «inhabituelle», a-t-il ajouté.

Rappelons que les avocats des jeunes témoins ont critiqué plus tôt dans l'enquête le fait que leurs clients se soient sentis forcés de donner leur version quelques heures à peine après le drame, alors que l'agent Lapointe n'a remis sa version écrite à la Sûreté du Québec qu'un mois après les événements.