Comment un policier soupçonné d'homicide comme Jean-Loup Lapointe a-t-il pu obtenir la permission extraordinaire de porter son arme à feu 24 heures sur 24 alors qu'il était l'objet d'une enquête?

Le coroner André Perreault s'est montré très intéressé par cette question, posée par l'avocat de Dany Villanueva, Me Gunar Dubé, jeudi, à l'enquête publique qu'il préside au palais de justice de Montréal. La question mérite d'être soulevée, a dit le coroner, puisqu'il a le mandat d'assurer une meilleure protection de la vie humaine.

D'autant plus que le policier qui a fait feu sur Fredy Villanueva a obtenu la permission de son employeur, le Service de police de la Ville de Montréal, alors qu'il faisait l'objet d'une enquête de la Sûreté du Québec.

À son retour au travail, un mois après l'intervention policière qui a coûté la vie à Fredy Villanueva, l'agent Lapointe a fait une demande écrite à son employeur pour ravoir son arme, accompagnée d'un billet de son médecin. Le SPVM lui a presque aussitôt fourni une nouvelle arme, le 17 septembre 2008.

Le policier n'avait pourtant pas besoin de son arme dans le cadre de ses fonctions puisqu'il était relégué à des tâches administratives jusqu'à ce que l'enquête criminelle dont il était l'objet prenne fin, ce qui s'est produit le 1er décembre 2008, a souligné Me Dubé en contre-interrogatoire.

Pourquoi voulait-il une arme? Le policier a répondu qu'il s'était senti menacé parce que deux témoins de la mort de Fredy Villanueva avaient été arrêtés en possession d'une arme de style militaire dans un logement de Montréal-Nord et que l'un d'eux avait demandé de ses nouvelles aux agents qui l'arrêtaient.

Or, cet incident est survenu au mois d'octobre 2008, soit au moins deux semaines après que le policier eut obtenu sa nouvelle arme à feu, a fait valoir Me Dubé. L'agent Lapointe a tout de même maintenu sa réponse.

Le policier a également dit qu'il craignait pour sa vie parce qu'une émeute avait éclaté au lendemain de son intervention. «Sur la place publique, on m'a condamné tout de suite», a-t-il expliqué au coroner Perreault.

L'agent Lapointe a mentionné que Jonathan Senatus et Anthony Yerwood Clavasquin -témoins de l'intervention policière du 9 août 2008- avaient été arrêtés pour possession d'arme prohibée. Mais le policier ne s'est pas étendu davantage sur les suites de cette histoire.

Aucune accusation de menace envers un agent de la paix n'a été portée dans cette affaire, selon des recherches menées par La Presse. Clavasquin a été libéré des deux chefs d'accusation qui pesaient contre lui. Quant à Jonathan Senatus, c'est lui-même qui avait appelé la police ce soir-là en raison d'une bagarre dans son logement. C'est en répondant à cet appel que les policiers ont trouvé l'arme dans un sac rangé dans un placard. Senatus a plaidé coupable. La juge Louise Villemure lui a accordé une absolution conditionnelle de 12 mois avec l'obligation de suivre une thérapie. Senatus avait accepté de cacher l'arme pour un ami, selon la version retenue par la juge.

L'agent Lapointe reviendra à la barre des témoins vendredi pour la dixième journée.