Des dizaines de milliers de personnes convergent en ce moment vers Les Sables d'Olonne où Michel Desjoyeaux (Foncia) est attendu dimanche matin alors qu'il deviendra le premier marin de l'histoire du Vendée Globe à gagner deux fois l'«Everest des mers».

À moins d'un sérieux coup de malchance, plus rien ne peut empêcher Michel Desjoyeaux de passer à l'histoire. À 615 milles de la côte, le navigateur déjà gagnant de l'épreuve en 2005 écoule les dernières heures en mer sur un bateau en santé, tout étant relatif après 82 jours de mer!. Il file à une moyenne de 16 noeuds en ligne droite vers la ligne d'arrivée.Joint ce matin pour son avant-dernière conférence de presse via la radio satellite, Desjoyeaux avoue avoir à se pincer afin de réaliser complètement ce qui vient de se passer depuis un peu plus de quatre-vingts jours.

« Je navigue à vive allure et la mer est beaucoup plus longue qu'hier. Ça rend les conditions de mer vraiment agréables pour terminer. Je ne croyais plus à la victoire à la suite de mon retour aux Sables d'Olonne en début de course. Au mieux, j'espérais virer le cap Horn dans les cinq premiers en me disant advienne que pourra pour la remontée de l'Atlantique. Mais voilà, je me suis retrouvé aux commandes de la machine dès l'Australie et je ne comprends pas encore tout à fait pourquoi. Mon état d'esprit est serein. Je me prépare à une après-midi de congé, seul entre la mer et moi demain, avant le bain de foule de dimanche. Un retour aux sources me fera grand bien avant l'arrivée et je me prépare à bien dormir puisque je crois que dimanche je vais me coucher pas mal tard. Comment vais-je faire? C'est simple, je débranche le téléphone! »

Lorsque le skipper coupera la ligne d'arrivée, il viendra tout simplement d'écrire une des pages d'histoire les plus remarquables de tous les temps, tout sport confondu. Quitter avec 40 heures de retard, remonter les positions une à une et terminer devant avec 80 heures d'avance après 45 000 km des mers les plus difficiles à naviguer au monde? Absolument remarquable. C'est comme si le Canadien de Montréal remontait un déficit de 0-3 en finale de la coupe Stanley ou comme si Lance Armstrong gagnait le tour de France malgré un retard de 10 heures sur le peloton.

Comme si ce n'était pas assez, il deviendra le seul double vainqueur du Vendée Globe. Depuis la première édition en 1989 et son ancêtre le BOC challenge, aucun expert n'aurait pu imaginer qu'un skipper, aussi bon soit-il, puisse remporter deux fois, en deux participations, la plus grande épreuve en solitaire de l'histoire.

Pourquoi?

Trois mois de mer, des tempêtes de la force d'ouragans, des vagues parfois hautes comme des immeubles, du sommeil à raison de 2 ou 3 heures par 24 heures, un froid et une humidité constante, un bruit incessant digne du tonnerre pendant pratiquement tout le voyage, des manoeuvres tant de jour que de nuit qui n'en finissent plus sur le pont, un cerveau souvent ralenti par la fatigue, tout ça à l'intérieur de 60 pieds de fibre de carbone qui donnent l'impression de vouloir fendre à tous les instants tellement les chocs sont puissants. Et encore plus difficile, lutter contre 29 des meilleurs navigateurs en solitaire de la planète qui ont le même but que vous : gagner.

À plus de 1000 milles derrière, le plus proche poursuivant du « Professeur », en l'occurrence son copain de toujours Roland Jourdain (Veolia), poursuit sa route vers les Açores et réfléchit actuellement à la possibilité de terminer son tour du monde malgré la perte confirmée de son bulbe de quille. Du moins, c'est la version officielle. La lecture qu'on peut faire de la situation est que Jourdain, reconnu comme un marin prudent, est à avaler la pilule de déception qu'il a coincée dans la gorge. Forcé à l'abandon alors qu'il reste moins de quatre jours de navigation, c'est très, mais très difficile à prendre pour un marin comme Jourdain qui tentait de remporter la course à sa troisième participation.

Pariez sur le fait de le revoir au départ en 2012, le bonhomme étant d'une résilience à toute épreuve.

Les positions à 11h TU + retard sur le 1er (milles nautiques)

Suivez la position des skippers

1- Michel Desjoyeaux-FRA (Foncia),

2- Roland Jourdain-FRA (Veolia Environnement), 1042

3- Armel Le Cléac'h-FRA (Brit Air), 1411 (11 heures seront à retrancher de son parcours)

4- Samantha Davies-GB (Roxy), 2469 (32 heures seront à retrancher de son parcours)

5- Marc Guillemot-FRA (Safran), 2572 (82 heures seront à retrancher de son parcours)

6- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 2705

7- Dee Caffari-GB (Aviva), 2795

8- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 3515

9- Steve White-GB (Toe in Water), 4368

10- Rich Wilson-USA (Great American), 5603

11- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport), 7173

12- Raphaël Dinelli-FRA (Océan Vital), 7294

13- Vincent Riou-FRA (PRB), Abandon, Démâtage, (Classé 3e par le Jury International)

14- Jean Le Cam-FRA (VM Matériaux), idem, chavirage au sud du Cap Horn

15- Jonny Malbon-GB (Artemis), idem, Problème de grand-voile

16- Jean-Pierre Dick-FRA (Paprec-Virbac), idem, safran bâbord arraché

17- Sébastien Josse -FRA (BT), idem, Safran cassé

18- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), Idem, Barres de flèche cassées

19- Yann Eliès-FRA (Generali), Idem, Fracture à la jambe

20-Jean-Baptiste Dejeantly-FRA (Maisonneuve), idem, multiples problèmes d'usure

21- Mike Golding-GB (Ecover), idem, Dématâge

22- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), idem, Échouage

23- Dominique Wavre-SUI (Temenos), idem Ennuis de quille

24- Loïc Peyron-FRA (Gitana Eighty), idem, Démâtage

25- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), idem, Bris au puits de safran tribord

26- Jérémie Beyou-FRA (Delta Dore), idem, Barres de flèches cassées

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), idem, Dommages structurels

28- Kito de Pavent-FRA (Groupe Bel), idem, Démâtage

29- Marc Thiercelin-FRA (DCNS), idem, Démâtage

30- Yannick Bestaven-FRA (Aquarelle.com), idem, Démâtage