Michel Desjoyeaux (Foncia) mène la course pour le 25e jour de suite tandis qu'une collision avec un cétacé termine brusquement la pause sommeil de Roland Jourdain (Veolia). Les conditions météo clémentes des derniers jours cessent pour faire place au gros temps, tant dans le Pacifique que dans l'Atlantique.

Bien que ce soit rare, tous les marins de haut niveau ont à un moment donné ou à un autre eu la mauvaise surprise de croiser la route d'une baleine avec comme conséquence des dommages proportionnels à la taille du mammifère marin.  

Parlez-en à Roland Jourdain. Le skipper, qui sommeillait dans son cockpit, a vécu un réveil assez brutal. Le bateau parti à l'abattée, Jourdain sort en pleine vitesse, choque les voiles et en reprenant le contrôle du bateau s'aperçoit de la couleur anormalement rouge de l'eau. Conséquence : multiples fissures autour du puits de quille ainsi qu'au niveau de la cloison de pied de mât. En contact avec le constructeur du bateau CDK ainsi qu'avec le bureau d'architectes Marc Lombard, Jourdain est à renforcer avec du carbone tout ce qui est possible d'être solidifié. Lorsque joint à la radio satellite, hier en après-midi, Jourdain se faisait quelque peu philosophe :

 

«Je me reposais quand le bateau est parti au lof. Il n'y a pas eu de « crac « mais un arrêt brutal. J'ai rencontré un cétacé, je ne sais pas de quelle espèce exactement, mais quand je suis sorti pour remettre le bateau en marche, j'ai vu un morceau de l'animal et l'eau teintée de rouge. La cloison de pied de mât est suffisamment fissurée pour que, si on ne fait rien, le mât passe à travers la coque. Avec l'équipe technique, on essaye de répartir l'effort du mât et ce que je peux réparer, je le répare. Cette nuit, j'ai stratifié le panneau de survie à la cloison de pied de mât et quelques plaques de carbone. Il me reste encore du gros oeuvre.

 

«Je n'ai jamais vu un bateau dans cet état, ce n'est plus un bateau de course, c'est un chantier naval! Il vaut mieux en rire qu'en pleurer, même si les particules de carbone, ce n'est pas de la rigolade (pire que la laine minérale isolante pour les démangeaisons). Je suis confiant, et j'ai de la chance dans mon malheur : une mer plate, la température qui remonte... Ça aide. Quand tout sera sec, on repartira oreille bien à l'écoute. Quant à la baleine, c'est moi qui suis venu sur son terrain de jeu, je ne vais pas me plaindre. » 

 

En 2000, Jourdain tout juste derrière Desjoyeaux avait eu un problème de rail de grand-voile qui l'avait obligé au mouillage et lui avait coûté toutes chances de victoires. En 2004, alors très bien positionné au classement, son bateau avait connu des avaries de quille le forçant à l'abandon près de la Nouvelle-Zélande. Pour l'ami Jourdain, le Vendée globe n'est qu'une suite de malchances.

 

Tout le contraire pour Desjoyeaux, le « Schumacher » de la voile. Il est béni des dieux. En 2000, le démarreur de son moteur diésel flanche. Moins de 12 heures plus tard, le voilà reparti, démarrant le tout en utilisant l'énergie de sa bôme et finalement gagner l'épreuve. Au départ de cette année, après quelques heures en mer, il s'aperçoit de problèmes de ballast et de nature électrique. Il fait demi-tour vers la ligne de départ, effectue les réparations, et reprend la course avec 40 heures de retard sur le dernier au classement. Nombreux sont ceux qui dans la mère patrie française condamnent l'ami Mich et pouffent de rire lorsque l'on parle du potentiel de remontée du skipper. Il n'en fait qu'à sa tête et remontera les positions au classement une à une et le voilà maintenant meneur de l'épreuve depuis 25 jours. Et vlan!

 

Pour les compatriotes, ils s'étouffent littéralement avec leurs prédictions. Desjoyeaux fait partie d'une classe à part. Pour lui, participer au Vendée Globe n'est pas une grande aventure, mais une régate de vitesse pure. Il n'est que performance et ne jure que par ses résultats. À preuve, il est le marin le plus titré de l'histoire de la course en solitaire et avoue clairement qu'il est là « pour gagner ».

 

Alain Gauthier, partenaire de Desjoyeaux chez Team Foncia, vainqueur du Vendée Globe 92-93 et amateur invétéré de Formule un aura transféré de la course automobile vers la voile le surnom de « professeur » donné à une époque à Alain Prost. Le « prof » Desjoyeaux nous prouve encore que le surnom n'est pas surfait. L'auteur de ces lignes écrivait le 13 novembre dernier (4 jours après le départ) que de croire Desjoyeaux hors course serait mal connaître le bonhomme. Merci à l'ami Mich qui me fait bien paraître!

 

Avec les ennuis de Jourdain et de son retard qui s'allonge (238 milles), à moins d'une casse terrible, je ne vois pas comment Desjoyeaux pourrait faire un choix météo si catastrophique qu'il se verrait relégué à la deuxième place alors qu'il est reconnu comme étant maître dans l'art de trouver le vent. De plus, tout au long de la journée, le duo sera soumis à des vents moyens de 40 noeuds dans une allure au près (vent pratiquement de face) et sur une mer carrément casse bateau. Il est fort probable d'observer Desjoyeaux prendre une sérieuse option sur la victoire et d'enfoncer le clou de manière crève-coeur pour Jourdain, qui lui navigue sur un pur sang très handicapé. 

 

Alors que Bilou risque de se faire donner le coup de grâce, à l'arrière, par Samantha Davies (Roxy), en ce moment 4e, et jusqu'au bon dernier Raphaël Dinelli (Océan Vital), tous goûteront aux rigueurs des mers du sud. Davies naviguera dans 40 à 45 noeuds de vents soutenus (80 km/h) vers son virage du cap Horn qui rendra le passage du célèbre endroit tel que dans les livres d'aventure tandis que ses plus proches poursuivants seront soumis au même régime.

 

Les deux derniers en course, Dinelli et Sedlacek (Nauticsport) n'en finissent tout simplement plus avec les tempêtes alors qu'ils amorcent la navigation du Pacifique, 6000 milles derrière. Au menu pour eux : 40 à 45 noeuds soutenus, rafales à 60, voire 65 noeuds, 8 à 10 mètres de creux de vagues pour un petit trois à quatre jours consécutifs.

 

Sedlacek et Dinelli doivent se demander ce qu'ils ont fait pour avoir droit à un tel chemin de croix...

 

Suivez la position des skippers

 

1- Michel Desjoyeaux-FRÀ (Foncia), 

2- Roland Jourdain-FRÀ (Veolia Environnement), 238

3- Armel Le Cléac'h-FRÀ (Brit Air), 722 (Provisoire suite à un détournement d'urgence)

4- Samantha Davies-GB (Roxy), 1774 (32 heures seront à retrancher de son parcours)

5- Marc Guillemot-FRÀ (Safran),  2116 (82 heures seront à retrancher de son parcours)

6- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 2862

7- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 3006

8- Dee Caffari-GB (Aviva), 3048

9- Steve White-GB (Toe in Water), 4221

10- Rich Wilson-USÀ (Great American), 4287

11- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport),  5059

12- Raphaël Dinelli-FRÀ (Océan Vital), 6341

13- Vincent Riou-FRÀ (PRB), Abandon, Démâtage, (Attente de classement final par le Jury international)

14- Jean Le Cam-FRÀ (VM Matériaux), idem, chavirage au sud du Cap Horn

15- Jonny Malbon-GB (Artemis), idem,  Problème de grand-voile

16-  Jean-Pierre Dick-FRÀ (Paprec-Virbac), idem, safran bâbord arraché

17- Sébastien Josse -FRÀ (BT), idem, Safran cassé

18- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), Idem, Barres de flèche cassées

19- Yann Eliès-FRÀ (Generali), Idem, Fracture à la jambe

20-Jean-Baptiste Dejeantly-FRÀ (Maisonneuve), idem, multiples problèmes d'usure

21- Mike Golding-GB (Ecover), idem, Dématâge

22- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), idem, Échouage

23- Dominique Wavre-SUI (Temenos),  idem Ennuis de quille

24- Loïc Peyron-FRÀ (Gitana Eighty), idem, Démâtage

25- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), idem, Bris au puits de safran tribord

26- Jérémie Beyou-FRÀ (Delta Dore), idem, Barres de flèches cassées

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), idem, Dommages structurels

28- Kito de Pavent-FRÀ (Groupe Bel), idem, Démâtage  

29- Marc Thiercelin-FRÀ (DCNS), idem, Démâtage

30- Yannick Bestaven-FRÀ (Aquarelle.com), idem, Démâtage