Le vent diminue en force, mais les vagues demeurent hautes sur le Vendée Globe alors que Michel Desjoyeaux (Foncia) sera le premier des marins à contourner le légendaire cap Horn vers 20h, heure de l'Est.

Desjoyeaux (Foncia) et son rival rapproché Roland Jourdain (Veolia) diront au revoir à l'océan Pacifique qui aura imité l'océan Indien avec ses mers croisées difficiles pour les skippers et leurs embarcations.

C'est en compagnie de l'odeur distincte du continent qui se rapproche que Desjoyeaux se prépare à passer le Horn sous 45 noeuds de vents soutenus, mais dans une mer plutôt clémente pour de telles conditions de vent. Parti des Sables-d'Olonne avec 40 heures de retard en début de course à la suite d'ennuis électriques et de ballast, le marin le plus titré de l'histoire des courses en solitaire ne peut que conclure ce premier 2/3 de course avec la satisfaction au coeur.

Lorsque joint ce matin pour la conférence de presse quotidienne, Desjoyeaux n'était pas peu fier de lui. Équipé depuis le virage du cap de Bonne-Espérance d'une arme « secrète », le marin n'a jamais levé le pied sur plus de 9000 km de mer. Questionné sur sa fameuse arme, le secret de polichinelle est sorti du sac de la bouche même du marin :

«J'ai remplacé ma trinquette régulière (voile avant ou foc) par une trinquette beaucoup plus lourde faite de Spectra qui est un tissu pratiquement indestructible et qui a la merveilleuse propriété de se déformer sous la forte pression du vent. J'ai pu la garder très haute dans les grosses dépressions alors que ma trinquette régulière m'aurait forcé à réduire la vitesse. C'est ce qui m'aura servi à garder un rythme sur les mers du Sud et c'est de loin le meilleur 70 kilos de surpoids investi dans mon bateau. Pour moi, le passage du Horn c'est la fin d'un mois de gros stress à ne jamais être totalement certain de ses choix dans des conditions pas toujours évidentes. Pour le prochain Vendée Globe, il faudra peut-être demander aux Boliviens de creuser un canal jusqu'au Brésil parce qu'avec autant d'icebergs (qui augmentent en nombre depuis plus de 10 ans), il faut se demander si le passage du Horn va demeurer sécuritaire pour la navigation à voile.»

Roland Jourdain se retrouve quant à lui à environ quatre heures derrière Desjoyeaux.

«Je longe la côte de beaucoup plus près que Mich (Desjoyeaux) et l'effet miroir des vagues sur le continent rend la mer absolument tape bateau. Je n'ai pas le temps de faire de tourisme et ce n'est pas rigolo. On ne vient pas tous les jours dans ce coin du monde et si c'est gratifiant de passer le Horn, c'est aussi un énorme soulagement de quitter les mers du Sud. Vraiment cette année nous avons beaucoup donné et ça commence à suffire. Mon bateau est en bon état. Mich a un peu plus de vent et il faut bien avouer qu'il aime jouer mon copain et qu'il a très bien navigué depuis les 48 dernières heures.»

Dans un autre registre, Johny Malbon (Artemis) a dû déclarer forfait et il abandonne la course. De multiples problèmes de pilote automatique créent des ennuis au skipper depuis plusieurs jours mais le comble a été de voir sa grand-voile s'abimer dans les fortes tempêtes des derniers jours. À la suite d'une évaluation par son équipe technique, grâce aux photographies envoyées du bord, le verdict est tombé : ce n'est qu'une question de temps avant de voir le grand bout de tissu se déchirer dans son entier ce qui pourrait rendre la tâche bien difficile pour le marin. Il a donc dû rendre les armes et il est en direction de la Nouvelle-Zélande. Il s'agit du 16e abandon depuis le départ de la course.

Le bateau le plus rapide de la flotte sur les 24 dernières heures est celui de Samantha Davies (Roxy) qui navigue dans des conditions idéales depuis maintenant 3 jours. La sympathique Anglaise est en sixième position à plus de 2000 milles nautiques de Michel Desjoyeaux et fait une excellente course pour une première participation à l'épreuve.

La remontée de l'Atlantique qui se met en branle dès cette nuit pour le duo de tête ne semble pas facile au premier coup d'oeil. 7000 km à faire en direction nord dans des modèles météos qui selon les premiers commentaires recueillis semblent vouloir rejouer le coup de la descente en début de course. On se rappellera la frustration des marins à la suite du départ, quand plusieurs se sont rendus compte que les modèles ne tenaient pas leurs promesses une fois le routage choisi.

Si l'océan Indien est la mer la plus détestée par les régatiers à cause des vagues désordonnées, et que le Pacifique est le préféré quand il offre surfs et vitesse, l'Atlantique a quant à lui la réputation d'être le plus imprévisible. À certains moments, les vents qui descendent de la Cordillère des Andes (vents catabatiques) transforment parfois la remontée en vrai chemin de croix avec des vents de 50 noeuds alors qu'en d'autres occasions, la remonté se fait pratiquement sans vent, au grand dam des marins.

Qui vivra verra, qu'ils disent...

Les positions à 15:00hrs TU + retard sur le 1er (milles nautiques)

Suivez la position des skippers

1- Michel Desjoyeaux-FRA (Foncia),

2- Roland Jourdain-FRA (Veolia Environnement), 86

3- Jean Le Cam-FRA (VM Matériaux), 473

4- Vincent Riou-FRA (PRB), 705

5- Armel Le Cléac'h-FRA (Brit Air), 734

6- Samantha Davies-GB (Roxy), 2069 (provisoire, suite à un détournement d'urgence)

7- Marc Guillemot-FRA (Safran), 2404 (provisoire, suite à un détournement d'urgence)

8- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 2731

9- Dee Caffari-GB (Aviva), 2920

10- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 2958

11- Steve White-GB (Toe in Water), 3690

12- Rich Wilson-USA (Great American), 4797

13- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport), 5818

14- Raphaël Dinelli-FRA (Océan Vital), 5945

15- Jonny Malbon-GB (Artemis), Abandon, Problème de grand-voile

16- Jean-Pierre Dick-FRA (Paprec-Virbac), idem, safran bâbord arraché

17- Sébastien Josse -FRA (BT), idem, Safran cassé

18- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), Idem, Barres de flèche cassées

19- Yann Eliès-FRA (Generali), Idem, Fracture à la jambe

20-Jean-Baptiste Dejeantly-FRA (Maisonneuve), idem, multiples problèmes d'usure

21- Mike Golding-GB (Ecover), idem, Dématâge

22- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), idem, Échouage

23- Dominique Wavre-SUI (Temenos), idem Ennuis de quille

24- Loïc Peyron-FRA (Gitana Eighty), idem, Démâtage

25- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), idem, Bris au puits de safran tribord

26- Jérémie Beyou-FRA (Delta Dore), idem, Barres de flèches cassées

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), idem, Dommages structurels

28- Kito de Pavent-FRA (Groupe Bel), idem, Démâtage

29- Marc Thiercelin-FRA (DCNS), idem, Démâtage

30- Yannick Bestaven-FRA (Aquarelle.com), idem, Démâtage