Les jours se suivent et se ressemblent pour Derek Hatfield, seul skipper canadien en lice dans le Vendée Globe, exigeante et légendaire course de voiliers en solitaire autour du globe. L'ancien policier de la Gendarmerie royale du Canada va de pépin en pépin. Sans pour autant perdre le moral.

«Je gagne du terrain sur ceux qui sont devant moi. Je ne devrais pas avoir de problème à les rejoindre», a déclaré lundi l'homme de 56 ans, joint par La Presse sur son téléphone satellite au large des cotes brésiliennes, à plus de 20000 milles de la ligne d'arrivée.

Le navigateur d'origine ontarienne avait dû affaler les voiles en matinée après avoir constaté des dommages au mât du Spirit of Canada qui l'ont paralysé pendant trois longues heures. Le concurrent suivant, qui le pourchassait depuis plusieurs jours, en a profité pour le dépasser, reléguant le coureur canadien au dernier rang des 24 participants toujours en mer.

Une demi-douzaine de voiliers ont été mis hors compétition peu après le départ il y a trois semaines des Sables d'Olonne, en Vendée, après avoir été frappés de plein fouet par la tempête dans le golfe de Gascogne.

M. Hatfield a lui-même dû revenir au port de départ après avoir perdu une éolienne essentielle à l'alimentation électrique de son bateau. «J'étais confronté à des vents de 45, 50 noeuds et des bordées d'eau. Je tentais de prendre un autre ris sur la grande voile (pour réduire la voilure) lorsque le bateau a soudainement été couché», relate-t-il.

Le Canadien a repris la mer quatre jours plus tard, concédant une avance considérable aux meneurs de la course, qui s'apprêtent à contourner le cap de Bonne-Espérance, environ 1500 milles devant lui. Un seuil qu'il devrait franchir d'ici une dizaine de jours.

Le navigateur affirme ne pas s'inquiéter en mer. Et il ne pense pas outre mesure aux mésaventures de Gerry Roufs, un Canadien qui a perdu la vie dans l'avant-dernière présentation de la course. Les restes de son voilier, probablement fracassé sur un iceberg, ont été retrouvés au large du Chili, plusieurs mois après sa disparition en janvier 1997.

«Je ne prends pas de risques inutiles sur le bateau. J'ai une famille qui m'attend à la maison», souligne M. Hatfield.

L'avancée du concurrent canadien est suivie de près par son épouse, Patianne Verbergh, et leurs deux enfants en bas âge, qui ont trouvé refuge dans une maison en Nouvelle-Écosse durant les trois mois que dure la course. «On regarde ensemble chaque soir sur le globe pour voir où il est rendu», explique-t-elle.

Le couple a vendu sa propre maison et s'est endetté pour financer l'épopée de M. Hatfield, qui aura coûté plus de 3 millions, une somme modeste comparativement aux 11 ou 12 millions dépensés pour les skippers les plus cotés.

«On a fait ce qu'on a pu avec ce qu'on avait... On ne peut pas s'investir à moitié dans ce type d'entreprise. C'est tout ou rien», souligne Mme Verbergh, elle-même une navigatrice expérimentée.

En plus des commanditaires officiels, plus de 6000 personnes ont contribué financièrement à la préparation du Spirit of Canada. Plusieurs d'entre elles suivent la course avec passion par l'entremise du site web du Vendée Globe et transmettent au navigateur des mots d'encouragement.

«Les messages sont tout simplement fantastiques. Ils me motivent vraiment. Lors de mon retour aux Sables d'Olonne, je me questionnais beaucoup sur l'opportunité de repartir. Mais je recevais tellement de mots d'appui que je ne pouvais tout simplement pas abandonner», relate M. Hatfield.

Le navigateur inspire à son tour les personnes qui le suivent, indique son épouse, qui aimerait bien voir la course obtenir un plus large écho médiatique au Canada.

«Chaque personne qui entreprend le Vendée Globe est un héros... Ils nous motivent à faire plus dans nos vies», conclut-elle.

Choc de titan au milieu de l'océan

Jonny Malbon a eu toute une frousse mardi quand son voilier, Artemis, est entré en collision avec une baleine au beau milieu de l'océan. Le marin britannique raconte, sur le site officiel du Vendée Globe: «Nous sommes passés de 14-15 noeuds à l'arrêt total en une seconde. J'étais en train de prendre des photos pour mon blogue. Il faisait beau avec du soleil et une mer calme avec une brise de 15 à 18 noeuds. Je n'ai rien vu. C'est simplement que nous nous sommes arrêtés net. L'étrave a plongé. En regardant derrière moi, il y avait un animal gris-vert se tortillant sur la surface. Il souffrait et c'était affreux... (Le choc) a provoqué des dégâts importants à la dérive. Je crois qu'il ne me reste que 30 à 40cm qui me servent à quelque chose.»