Si l'opposition s'inquiétait déjà, depuis le printemps, du coût des sommets du G8 et du G20, qui se sont tenus en Ontario en juin, voilà que des détails quant à la facture de plus d'un milliard de dollars confirment les craintes, ont argué vendredi libéraux, bloquistes et néo-démocrates.

Mais du côté du gouvernement, on a refusé de s'excuser, en faisant plutôt valoir que les dépenses étaient nécessaires pour assurer la sécurité des quelque 20 000 policiers dépêchés sur place, ainsi que celle des dignitaires et des résidants des régions accueillant les sommets.

«Nous avons eu un nombre de dépenses considérable, mais nous sommes fiers des résultats des sommets. Évidemment, vous savez, la sécurité ça coûte de l'argent. Il n'y a pas de doutes là-dessus», a répliqué à l'endroit des journalistes le leader du gouvernement en Chambre, John Baird, à sa sortie des Communes.

Une heure plus tôt, M. Baird avait été bombardé de questions de l'opposition, aux Communes. Car au lendemain du dévoilement de certains coûts engendrés par les réunions de Muskoka et Toronto, les trois partis ont dénoncé en bloc les frais déboursés par les conservateurs.

Gaspillage, orgie d'excès, mauvaise gestion; l'opposition ne manquait pas de mots pour s'en pendre au gouvernement de Stephen Harper, dont les priorités en matière de dépenses sont «ridicules», selon la néo-démocrate Jean Crowder.

«Cette opération a été un bar ouvert de dépenses inutiles, farfelues et exagérées», a quant à lui déploré le bloquiste Pierre Paquette, en reprochant du même souffle aux conservateurs de ne pas prêcher par l'exemple en dépensant tant d'argent tout en demandant aux citoyens de se serrer la ceinture.

«C'est beaucoup, beaucoup d'argent pour 72 heures de sommet. C'est absolument scandaleux», s'est pour sa part indigné le député libéral Marc Garneau.

Les documents, déposés en Chambre jeudi à la suite d'une demande des libéraux, détaillent pour la première fois de façon exacte comment le gouvernement Harper a dépensé une partie du 1,2 milliard $ qu'il a déboursé dans le cadre des sommets du G8 et du G20.

Les détails des dépenses, qui ne concernent qu'environ 200 millions $ de la somme totale, dénotent notamment des frais de 10 millions $ pour des chambres d'hôtel, 5 millions $ pour la location de véhicules pour la Gendarmerie royale du Canada (GRC), 4,4 millions $ pour une clôture de sécurité et 439 000 $ pour des toilettes portatives.

Un autre 14 000 $ a été alloué pour des bâtons luminescents, 85 000 $ pour des à-côtés et des grignotines à l'hôtel Hyatt Regency de Toronto, 14 000 $ pour des vestes contre les insectes, 26 000 $ pour des pièges à moustiques et 334 000 $ pour des «kits extérieurs personnels» contenant de l'écran solaire, de l'insectifuge et du désinfectant pour les mains.

Les contribuables ont également déboursé 60 000 $ pour des jumelles et plus de 600 000 $ en matériel informatique.

Si les conservateurs plaident depuis des mois que la facture est attribuable aux besoins de sécurité de tels événements, il n'a pas été possible de préciser la part des 200 millions $ énumérés par les ministères de la Sécurité publique et des Travaux publics qui a été expressément allouée à la sécurité.

Le gouvernement maintient, depuis le printemps, qu'il prévoyait un budget de 930 millions $ pour la sécurité des sommets.

«C'est ce qu'ils ont prétendu, que la majorité était pour la sécurité, mais dans les 200 millions $ il y a un bon nombre de dépenses qui sont liées à la sécurité. Alors on peut assumer qu'au moins une partie des chiffres qui restent à venir n'auront absolument rien à voir avec la sécurité», a estimé le chef adjoint du Parti libéral, Ralph Goodale.

L'opposition exige donc maintenant des explications de la part des conservateurs, quant aux dépenses détaillées, et celles qui demeurent inconnues.

Et les partis ont prévenu qu'ils auront recours à toutes les méthodes disponibles pour y arriver. Il faudra d'abord attendre le rapport de la vérificatrice générale, qui se penche justement sur les coûts de la sécurité aux rencontres de juin dernier, mais M. Goodale a suggéré que son mandat soit élargi, pour qu'elle étudie toutes les dépenses.

Des comités parlementaires pourraient aussi être appelés à étudier la question. Et l'opposition n'exclut pas le recours à une commission d'enquête, si le gouvernement refuse de collaborer.

Car selon les documents, plusieurs contrats n'auraient pas été soumis à un appel d'offres mais attribués à un seul soumissionnaire.

La ministre des Travaux publics, Rona Ambrose, a cependant assuré, en point de presse à Toronto, que les règles gouvernementales avaient été respectées.

«Toutes ces dépenses peuvent être décortiquées, une à une, mais à la fin ce sont toutes des dépenses qui ont suivi les lignes directrices d'attribution de contrat du gouvernement du Canada, les directives du Conseil du trésor, et quand les organisateurs de ces événements s'y préparaient, ils se préparaient à toutes sortes d'éventualités», a expliqué la ministre.