Colère, incompréhension, découragement. À la sortie de leur première comparution devant la Cour de justice de l'Ontario, hier, des dizaines de Québécois arrêtés pendant la fin de semaine du G20 à Toronto ont trouvé bien peu de réponses à leurs questions.

Pour la majorité d'entre eux, les accusations ont été maintenues, sans qu'on leur fournisse les détails de la preuve que les autorités ont contre eux.

«C'est un non-sens, s'est insurgé Karine Théorêt, 27 ans, devant la juge de paix Claudette Holmes. J'ai été arrêté arbitrairement, détenue sans savoir pourquoi pendant 60 heures. On arrive ici après deux mois et on ne sait toujours pas pourquoi on a été arrêté. Et on ne le saura pas pendant encore deux mois? Ce sont des délais déraisonnables.»

Dans un tribunal bondé de l'ouest de Toronto, 305 individus - dont le tiers étaient québécois - ont comparu à tour de rôle, en petits groupes de «coaccusés» (même si la plupart d'entre eux affirment ne pas connaître ceux avec qui on les accuse d'avoir conspiré).

Les accusations ont été retirées pour quelques douzaines de personnes, mais les dizaines de Québécois appréhendés le matin du dimanche 27 juin dans un gymnase de l'Université de Toronto ont vu l'accusation de «complot en vue de commettre une infraction» maintenue. Ils doivent revenir devant la Cour le 14 octobre et ont chacun reçu un document résumant la preuve contre eux.

«On est venu ici, à Toronto, pour rien. Il n'y a rien là-dedans (le document) qui parle de mon cas à moi», a déploré Maryse Poisson, 21 ans, membre du Regroupement des arrêtés du G20.

Pire, dans le cas de certains des accusés du gymnase, les motifs de leur arrestation décrits dans le document (en anglais seulement) semblent se contredire. C'est le cas d'Étienne Richard-Bacon. Les autorités policières soutiennent d'abord qu'il était vêtu de noir le samedi et qu'il aurait participé aux actes de vandalisme commis dans les rues de Toronto. Puis on soutient qu'il a plutôt été arrêté le lendemain matin pour avoir conspiré en prévision de la manifestation du dimanche. «C'est complètement ridicule, j'étais habillé en carnaval pour être facilement identifiable», soutient l'étudiant de 23 ans.

Manque de temps

Dans l'une des trois salles d'audience monopolisées pour cette comparution de masse, l'avocate de la poursuite, Karen Erlick, a expliqué que la police de Toronto n'avait pas eu le temps de remplir les dossiers de divulgation de preuve de tous les accusés en raison de leur nombre et parce que l'enquête se poursuit.

«La Couronne s'est engagée à fournir tous les documents pour le 14 octobre», a assuré la juge Holmes, alors que la procureure ouvrait la porte à ce que certaines accusations tombent en incitant les accusés à téléphoner à son bureau dans la semaine précédant leur audience.

Le Regroupement des arrêtés du G20 (RAG20), une organisation montréalaise, espérait l'abandon de plusieurs des accusations dès les comparutions d'hier.

À quelques-uns, la Couronne a offert un programme de déjudiciarisation - une entente dans laquelle les accusations sont retirées en échange d'un don à un organisme de charité torontois et d'un engagement à ne pas troubler l'ordre public pendant un an.

Marc Laramée, 27 ans, de Ville-Émard, a été arrêté dans une rue de Toronto le dimanche après-midi et accusé de possession d'armes - il avait dans son sac une pince, une clé à molette et des ciseaux en plastique. Hier, il a refusé de verser 25$ à un organisme caritatif. «Si j'acceptais (de faire cela), je donnais raison aux policiers de m'avoir arrêté, a dit M. Laramée. Je n'ai rien fait de mal.»

Dominic Palladini, délégué du RAG20, abonde dans son sens. «Si les accusés acceptent, ils s'incriminent eux-mêmes», soutient-il. De plus, il serait pratiquement impossible pour ceux qui acceptent une entente de participer par la suite à un éventuel recours collectif.

À ce sujet, la juge de paix Holmes a indiqué que les requêtes pour violation des droits pendant l'arrestation et la détention - que plusieurs voulaient formuler hier - devront être entendues aux procès seulement.

«Une guerre d'usure»

Pour l'avocat Denis Poitras, qui représente certains des Québécois arrêtés - plusieurs se défendent seuls -, la poursuite est tout simplement en train de faire «une guerre d'usure».

«On multiplie les audiences, les accusés doivent se déplacer, ils n'ont pas d'argent, ce sont des étudiants, déplore Me Poitras. Ils n'ont pas droit à l'aide juridique parce que la Couronne n'a pas encore décidé s'ils étaient passibles de peines de prison ou non. La divulgation de la preuve est incomplète. On tourne en rond.»

«Le problème des policiers et de la Couronne, c'est qu'il faut qu'ils justifient les arrestations, a-t-il ajouté. Ils ont arrêté 1000 personnes, 700 n'ont pas d'accusation, alors il en reste 300 pour qui il faut trouver quelque chose. Ça va finir avec beaucoup d'argent dépensé pour pas grand-chose. Ce ne sont pas des criminels, ce sont des manifestants.»