À cinq kilomètres du centre-ville, à l'extrémité de la rue Pape, un imposant portail de métal indique qu'on fait face aux Toronto Film Studios. Mais le cortège de policiers casqués qui le protège et, surtout, le va-et-vient constant de fourgons cellulaires ne laissent planer aucun doute: le complexe cinématographique a été transformé en un immense centre de détention provisoire.

Durant tout le week-end, mais surtout hier, des manifestants y sont allés par centaines pour dénoncer ce qu'ils considèrent être des arrestations arbitraires. Nerveux, et presque aussi nombreux que les manifestants, les policiers ont protégé l'endroit en tirant de multiples munitions de gaz lacrymogène sur la foule hier matin. En après-midi, ils ont menacé à trois reprises les protestataires d'arrestation imminente s'ils n'évacuaient pas le devant du centre de détention, mais ils ne sont jamais intervenus.

 

À l'intérieur du complexe, loué par les policiers expressément pour le sommet du G20, les personnes arrêtées sont détenues dans des cages de métal qui ont été érigées dans les anciens studios de cinéma. «Il n'y a qu'un banc étroit pour s'asseoir et, avec le bruit et les néons, l'endroit est très agressant, raconte Camille, manifestante montréalaise libérée dans la nuit de samedi à hier, sans la moindre accusation, après y avoir été détenue pendant plus de six heures.

«Quand je suis arrivée, ils m'ont enlevé mes chaussures. Avec le plancher de ciment, il faisait froid», ajoute la militante, qui a été arrêtée par les policiers après la grande manifestation de samedi, alors qu'elle se trouvait à l'intérieur de l'appartement d'un ami. «Je prenais une douche. Quand ils ont crié: «Police, ouvrez», je n'y croyais pas, c'était invraisemblable.»

Au total, plus de 500 manifestants comme elle, dont au moins 70 Québécois affiliés à la CLAC (Convergence des luttes anticapitalistes), ont été incarcérés au centre de détention provisoire. Selon Samantha Nulle, porte-parole de la police de Toronto, plusieurs de ces manifestants auraient caché des «armes d'opportunité» ou des vêtements noirs.

»Inquiétant»

L'Association canadienne des libertés civiles (ACLC) songe à poursuivre la police de Toronto au nom de certaines personnes qui ont été détenues dans les anciens studios de cinéma. «C'est très inquiétant, ce qui se déroule à l'intérieur. Nous avons nous-mêmes deux observateurs qui ont été arrêtés par les policiers et nous n'avons toujours pas pu entrer en contact avec eux. Ils n'ont même pas pu parler à leur avocat», dénonce Nathalie Desrosiers, avocate de l'organisme.

Selon l'ACLC, la vaste majorité des personnes détenues ont été arrêtées sous le motif d'«avoir troublé la paix». «C'est une façon de faire de la détention préventive sans vrai motif. C'est une attaque aux libertés civiles des gens, c'est une attaque au principe de présomption d'innocence. C'est tout simplement inapproprié», déplore Me Desrosiers.

Vers 18h hier, une fois le sommet du G20 terminé, les policiers responsables du centre de détention provisoire ont accéléré la cadence des libérations. Plusieurs centaines de suspects restaient cependant toujours incarcérés.