À quelques heures du début du sommet de Toronto, la belle unité qu'ont affichée les leaders du G20 durant la crise économique, l'an dernier, cède rapidement le pas à la discorde.

En tant qu'hôte du sommet, le premier ministre Stephen Harper devra multiplier les appels aux compromis pour éviter que les dirigeants des principales économies de la planète ne se déchirent sur les mesures à prendre pour soutenir la relance et consolider le système financier international.

Les pays du G20 sont profondément divisés sur la question de l'imposition d'une taxe bancaire mondiale, sur la justesse d'adopter maintenant des mesures d'austérité budgétaire alors que la reprise demeure fragile et sur l'ampleur des mesures à prendre pour rétablir l'équilibre dans les finances publiques.

Avant d'accueillir ses homologues du G20, demain soir et dimanche à Toronto, Stephen Harper présidera le sommet du G8 (Canada, France, États-Unis, Allemagne, Italie, Japon, Grande-Bretagne et Russie) aujourd'hui et demain. Mais l'ordre du jour de ce sommet (aide au développement, sécurité, paix, santé maternelle et infantile dans les pays pauvres) provoque nettement moins de tiraillements que celui du G20.

Les divisions sont telles que l'ancien premier ministre Paul Martin, considéré comme le père du G20, a lancé un appel à la raison dans un long texte publié dans le magazine officiel des deux sommets. «La question que l'on doit se poser n'est pas de savoir comment satisfaire les banquiers de New York, de Londres ou de l'Allemagne, mais comment maintenir l'économie de la planète en santé. (...) Si le G20 veut réussir, il doit s'assurer que les pourparlers ne portent pas uniquement sur les droits souverains de ses membres, mais aussi sur les obligations de tous», a écrit M. Martin.

Le Canada, la Chine, l'Inde et l'Australie, notamment, s'opposent farouchement à l'imposition d'une taxe mondiale aux banques, alors que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France et l'Union européenne y tiennent mordicus.

La Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne ont d'ailleurs annoncé il y a quelques jours le lancement coordonné d'une telle taxe. Hier à Toronto, le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, a déclaré qu'elle ne verrait jamais le jour: «C'est franchement une source de distraction et cette idée obtient plus d'attention qu'elle n'en mérite. Est-ce qu'il y aura une taxe bancaire mondiale? Non! Pourquoi? Parce que la majorité des pays du G20 s'y oppose.»

M. Flaherty a affirmé que les pays qui iront de l'avant avec cette taxe en subiront les conséquences.

La semaine dernière, Barack Obama a envoyé à ses homologues une lettre dans laquelle il les implore de ne pas réduire trop vite leurs dépenses au motif que cela pourrait faire dérailler la reprise.

Certains pays d'Europe, ébranlés par la crise de la dette grecque, n'ont pas voulu entendre cet appel. La Grande-Bretagne et l'Allemagne ont présenté cette semaine des budgets qui prévoient des compressions importantes et des hausses de taxes.

Le premier ministre Stephen Harper a proposé dans une lettre rendue publique la semaine dernière une solution mitoyenne qui encourage les pays du G20 à suivre jusqu'au bout leur plan de relance et à adopter des plans pour réduire de moitié les déficits d'ici à 2013.

«Nous devons montrer notre engagement à réduire les déficits à long terme, mais pas au prix de la croissance à court terme», ont affirmé cette semaine le secrétaire américain au Trésor, Tim Geithner, et le conseiller économique de la Maison-Blanche, Lawrence Summers, dans une lettre publiée dans le Wall Street Journal.

Avant de quitter l'Allemagne, la chancelière Angela Merkel a affirmé que les frictions risquent d'être nombreuses durant le sommet. «Je ne m'attends pas à des accords sur tous les sujets. Mais je suis heureuse que nous ayons trouvé une position commune en Europe au sujet d'une taxe bancaire», a-t-elle dit. Elle a aussi promis de défendre bec et ongles le plan d'austérité de son gouvernement.

À Washington, des responsables de l'administration démocrate interrogés par l'Associated Press ont tenté de minimiser les divergences entre Barack Obama et ses homologues du G20. Selon eux, le président américain estime qu'il est nécessaire de fixer des objectifs de réduction des déficits, mais que la mise en oeuvre de plans d'austérité cette année serait prématurée.