Au moment où l'on souligne la Journée mondiale de lutte contre le sida, lundi, certains experts commencent à dire ouvertement que le sida accapare des fonds qui devraient plutôt être consacrés à d'autres besoins plus pressants.

Selon eux, le monde serait entré dans une ère post-sida, la propagation de la maladie étant jugulée presque partout sur la planète, sauf en Afrique. «Le sida est une terrible tragédie humanitaire, mais il n'est que l'une des nombreuses terribles tragédies humanitaires», a soutenu Jeremy Shiffman, qui étudie les dépenses en santé à l'Université de Syracuse, aux États-Unis.

Un autre expert va plus loin. Roger England, membre du groupe Health Systems Workshop, de la Grenade, avance qu'ONUSIDA, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA, ne sert plus à rien et devrait être démantelé. Dans le British Medical Journal, ce printemps, il écrivait qu'il y a une «industrie» mondiale du sida, qui compte trop de gens bien payés, et trop de vedettes rock pour qui la lutte au sida est devenu un accessoire à la mode.

Mettre la clé dans la porte d'ONUSIDA dégagerait 200 millions $ - le budget annuel de l'organisme - pour lutter contre d'autres problèmes de santé comme la pneumonie, qui tue plus d'enfants chaque année que le sida, le paludisme et la rougeole réunis.

Ce point de vue est contesté par un membre d'ONUSIDA. Selon Paul de Lay, il est tout à fait légitime de s'interroger sur la place du sida dans les priorités mondiales en santé, mais le virage dans la lutte contre la maladie est très récent et on aurait tort de croire que l'épidémie est sous contrôle. «L'épidémie a causé entre 55 millions et 60 millions d'infections. Abolir subitement le financement serait désastreux», dit-il.

Les défenseurs des programmes visant à contrer le sida soutiennent que leurs projets font plus que combattre le virus: ils renforcent les autres programmes de santé en assurant des services sanitaires de base.

L'ONU estime à environ 33 millions dans le monde le nombre de personnes porteuses du VIH, le virus qui cause le sida. Des scientifiques disent que l'infection a atteint un sommet à la fin des années 1990, et qu'il est peu probable qu'elle déclenche d'importantes épidémies ailleurs qu'en Afrique.

Dans les pays développés, l'avènement des médicaments anti-sida ont fait en sorte que la maladie n'est plus nécessairement fatale.

Mais en Afrique, on manque encore d'environ 1,5 million de médecins et d'infirmières, et les hôpitaux manquent régulièrement des médicalements les plus élémentaires.