Pour Montréal, c'était une 367e. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que 2008 n'aura pas été une année comme les autres. Bilan de 12 mois où rien ne s'est passé comme prévu.
Doux Jésus. Ça ne devait pas se passer comme ça, n'est-ce pas? Lorsque Montréal s'est réveillé, le 1er janvier dernier, les choses semblaient encore normales: on parlait de réchauffement climatique et du miracle chinois, et le Canadien avait moins de points au classement que les Sénateurs. Personne n'aurait pu imaginer que, à peine 12 mois plus tard, le Tricolore aspirerait à la Coupe Stanley, le Canada aurait la stabilité politique de la république de Weimar et les parallèles avec la Grande Dépression seraient aussi nombreux qu'inquiétants.
Ce qu'on annonçait pour 2008, selon le programme officiel: l'Année internationale de la pomme de terre, l'Année internationale des langues, l'Année internationale de l'assainissement et, de façon particulièrement intrigante, l'Année internationale de la grenouille. Certains Montréalais plus malicieux, quant à eux, espéraient aussi l'Année où l'on se moquerait de la ville de Québec et de son 400e foireux. Ce qu'on a eu, à la place: l'Année où rien ne s'est passé comme prévu.
En début d'année, pourtant, l'optimisme était encore de rigueur. La prospérité semblait assez solide pour que des promoteurs aient envie de transformer Griffintown en gros quartier Dix 30, et l'ancienne carrière Miron en un autre centre commercial avec les mêmes magasins qu'ailleurs. Nos entreprises se demandaient si elles devaient fabriquer leurs produits en Chine, et dans combien de temps les marchés financiers se remettraient de la minicrise du papier commercial. Tout ça semble bien loin, maintenant.
Avec le recul, on peut probablement voir des signes annonciateurs dans l'invraisemblable hiver 2008. On nous avait prédit une saison avec peu de neige; on a eu droit à des bancs de neige hauts comme des maisons, une pénurie de sel déglaçant, une avalanche de blessures et de réclamations, des écoles menaçant de s'écrouler. Toutes sortes de records datant du bon vieux temps ont été battus. Pâques s'est déroulé sous la neige, et pendant un moment on a cru qu'il en serait de même pour la Saint-Jean.
Malgré tout, aux alentours de la fête de la Reine, la neige a fondu et le printemps est arrivé. Les Montréalais avaient survécu à l'hiver, comme ils ont survécu à l'accumulation de mauvaises nouvelles sur la situation financière de l'UQAM, à l'étirement de la saga du CHUM (rendue encore plus complexe, comme si c'était possible, par des détails aussi extravagants que les dernières volontés de Louis-Joseph Papineau), au très friable échangeur Turcot et aux interminables travaux sur le boulevard Saint-Laurent. Dans l'adversité, malgré le prix des aliments et de l'essence qui grimpait en flèche, ils ont gardé le sourire et ont continué à procréer, engorgeant les trottoirs du Plateau de centaines de nouvelles poussettes chères.
La fièvre des séries éliminatoires de la LNH a été particulièrement contagieuse cette année, couvrant les voitures de fanions et la rue Sainte-Catherine de vitre brisée. On a même eu droit à quelques voitures incendiées, comme dans Grand Theft Auto IV. Mais les joueurs du Canadien ont piètrement contribué à la fête, s'aplatissant en deuxième ronde contre les Flyers de Philadelphie.
Le printemps a aussi été marqué par le dépôt du rapport de la commission Bouchard-Taylor, et les Montréalais ont alors appris que la solution à leurs prétendus problèmes se trouvait dans quelque chose qu'ils avaient toujours pratiqué sans savoir que ça avait un nom: l'interculturalisme. D'ailleurs, à l'occasion d'élections complémentaires dans deux circonscriptions de l'est de la ville, ils ont bien exprimé leur opinion sur la question en ne votant pas pour les candidats de l'ADQ, qui avaient utilisé des slogans anti-immigration durant la campagne. Mario Dumont n'aura pas su y voir un message.
Même dans une année de bouleversements, cependant, il y a des choses qui ne changent pas. Encore cette année, par exemple, Montréal a eu droit à son traditionnel débat linguistique. Cette fois, il a porté sur l'utilisation du français dans les commerces du centre-ville. L'Office de la langue française a même menacé de sévir contre les affiches folkloriques d'un pub irlandais, et c'était apparemment sérieux.
À l'approche de son centenaire, le Club de hockey Canadien a lui aussi joué la carte de la tradition, rendant hommage à ses héros passés, retirant quelques numéros de plus et inaugurant la Place du centenaire. Malgré la grisaille économique, 2008 a été une très bonne année pour les concepteurs de cérémonies lyrico-sportives.
Montréal a aussi eu droit à la célébration la moins éco-amicale de l'année lorsque, pour marquer le 60e anniversaire de la proclamation du fleurdelisé comme drapeau officiel du Québec, la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) a organisé un défilé de voitures dans la ville. Le président de la SSJB a alors rappelé comment cela avait été un grand pas dans l'histoire du peuple québécois, l'ironie de célébrer un grand pas en voiture lui échappant visiblement.
Malgré ce respect des traditions, cependant, 2008 n'était décidément pas une bonne année pour la prévisibilité. Le 10 mai, La Presse annonçait un été chaud et ensoleillé. Ha. Ha.
Durant les quatre jours de chaleur entre le printemps et l'automne, on a eu droit à des épisodes de smog, une angoisse nationale au sujet de notre récolte de médailles à Pékin, une émeute à Montréal-Nord et un 400e réussi à Québec. Un «été» à oublier, donc.
D'ailleurs, on n'a pas eu d'automne non plus, mais plutôt une saison des élections. Dans la première, les conservateurs fédéraux ont repris minoritairement le pouvoir, malgré la vidéo la plus virale de l'année (Culture en péril) et la téléréalité la plus désolante (Stéphane en péril). Encore une fois, cependant, les Montréalais sont restés sourds au chant de Stephen. Dans la deuxième, tout Montréal a semblé appuyer Barack Obama et se désoler de ne pas pouvoir voter pour un politicien qui ferait naître un minimum d'espoir. Dans la troisième élection, on a beaucoup parlé des pancartes du PQ.
Il faut dire que, rendu là, le ciel nous était tombé sur la tête. La belle croissance économique des années 2000 s'était arrêtée net, et les Bourses s'étaient effondrées. Et c'est donc ainsi que nous nous retrouvons, en cette fin décembre, face à ce qui ressemble non pas à l'aube d'une nouvelle année, mais carrément d'une nouvelle décennie. Les années 30 prise deux, ou quelque chose comme ça. Verrons-nous des files de chômeurs devant les usines, comme pendant la Grande Dépression? Les soupes populaires remplaceront-elles tous ces restaurants terroir-chic apparus au cours des dernières années? Des tempêtes de poussière souffleront-elles sur le parc La Fontaine? Et qui sera notre Bolduc contemporaine? Actuel vote pour Coeur de pirate. Elle est peut-être moins drôle, mais elle fait de meilleures photos...
2008 EN SIX LISTES
Les apparitions de l'année
Les terrasses sur le Plateau
La carte Opus
Le Bixi
La piste cyclable sur de Maisonneuve
Les téléphones mains libres dans les voitures
La pensée récessioniste
Un début de remise en question de l'économie néolibérale
Les disparitions de l'année
Michael Fortier
Les étalages de cigarettes dans les dépanneurs
Mark Streit
Le Grand Prix de Formule Un
Le Spectrum de Montréal
L'édifice de Ben's
La salle des nouvelles de TQS
Les non-apparitions de l'année
Mats Sundin
L'été 2008
La percée montréalaise de l'ADQ et des conservateurs
La vente de BCE
Alfonso Gagliano, candidat à la mairie de Saint-Léonard
Le début des travaux dans la rue Notre-Dame
Les périls de l'année
La crise alimentaire mondiale
Le prix du pétrole
L'échangeur Turcot
L'affiche du Festival des films du monde
Le smog
Les publicités de Pogo autour des écoles
Le cours d'éthique et culture religieuse
Les retours de l'année
Patrick Roy
L'affaire Mulroney - Schreiber
La syphilis
L'émeute en tant que moyen d'expression
Les images de l'année
Julie Couillard et Maxime Bernier devant Rideau Hall
Une pancarte «À vendre» devant une monster house américaine
Un courtier désespéré, l'air abattu
Un courtier désespéré, soupirant de façon ostentatoire
Un courtier désespéré, transpirant
Un courtier désespéré, ne sachant plus trop quel air prendre devant la caméra