Entre pertes gigantesques, faillites et sauvetages en catastrophe, y compris par des nationalisations, l'année 2008 va marquer profondément les banques mondiales, replongées brutalement dans une situation qu'elles n'avaient plus connue depuis la Grande Dépression.

«Tout d'un coup la fête est finie. Vous vous enfuyez et vous avez très mal à la tête. Certains ont un accident et atterrissent en soins intensifs. Voilà comment ça c'est passé sur le marché financier», expliquait récemment à l'attention des enfants la ministre allemande de la Famille, Ursula von der Leyen.La crise au départ dite des «subprime» (prêts hypothécaires à risque) était née l'année précédente des excès des banques américaines, qui ont déstabilisé le système financier mondial dans son ensemble en y éparpillant leurs créances douteuses. Elle a fait perdre des centaines de milliards de dollars aux établissements financiers et fait fondre leur valeur.

Mais peu imaginaient à quel point elle allait bouleverser le paysage.

La plus petite banque d'affaire de Wall Street, Bear Stearns, fut la première à tomber, en mars. La Réserve fédérale lui évitera la faillite en offrant des conditions très avantageuses à sa concurrente JPMorgan Chase pour son rachat.

Ce n'était rien par rapport à un automne meurtrier.

La quatrième banque d'affaires américaine, Lehman Brothers, ne trouvant pas d'issue à ses problèmes, ni de repreneur, déposait le bilan le 15 septembre. Ce coup de tonnerre annonçait un ouragan d'une intensité jamais vue depuis les années 1930, avec un blocage total des marchés du crédit.

«Ce qui a été dramatique a été la décision (du secrétaire au Trésor) Henry Paulson de laisser tomber Lehman Brothers. (...) Lorsqu'on laisse tomber un domino, tous les autres tombent», allait critiquer la ministre française de l'Economie Christine Lagarde, trois semaines plus tard.

Merrill Lynch échappait au même sort en étant rachetée le même jour par la généraliste Bank of America. Il ne restait plus que deux banques d'affaires, Goldman Sachs et Morgan Stanley, et elles abandonnaient ce statut le 21 septembre pour pouvoir bénéficier des financements de l'Etat.

Pour renflouer un système à la dérive, le Trésor concevait un plan de sauvetage doté de 700 milliards de dollars, que le Congrès allait adopter le 3 octobre.

«Les grandes banques vont être sous perfusion pendant au moins 18 mois, si ce n'est 36 mois. (...) Le capital (injecté par l'Etat) comble des trous, il ne finance pas leur croissance», pronostiquait mercredi l'analyste vedette de Wall Street pour les valeurs financières, Meredith Whitney, d'Oppenheimer & Co.

Venue des Etats-Unis, la crise ne s'est pas limitée à ce pays.

En Europe, la britannique Northern Rock, spécialisée dans les prêts immobiliers, avait dû être nationalisée dès février.

La belgo-néerlandaise Fortis, menacée de faillite aussi, était sauvée par les fonds publics le 28 septembre. Puis la banque britannique Bradford & Bringley le lendemain. Et enfin la franco-belge Dexia, qui finance les collectivités locales, deux jours plus tard.

L'Union européenne se chamaillera sur les mesures prises par les uns et les autres pour protéger ses épargnants des faillites, avant de promettre des plans de sauvetage des banques. Ils s'inspireront largement de celui du Premier ministre britannique Gordon Brown, annoncé le 8 octobre et doté de 50 milliards de livres.

Pays au monde le plus dépendant de ses banques, l'Islande a pour sa part dû nationaliser ses trois principaux établissement financiers (Kaupthing, Glitnir et Landsbanki), fin septembre et début octobre, avant de demander un prêt au Fonds monétaire international.

La liste est longue des banques avalées en urgence par des concurrents: Dresdner Bank par Commerzbank, HBOS par Lloyds TSB, Alliance & Leicester par Santander... Tout comme aux Etats-Unis: Countrywide par Bank of America, Wachovia par Wells Fargo, Washington Mutual par JPMorgan Chase ou encore National City par PNC.

La liste des faillites aux Etats-Unis cette année (25 à ce jour) compte la plus grande de l'histoire américaine, Washington Mutual (188 milliards de dollars de dépôts) le 25 septembre.

Et d'autres grands noms sont tombés de haut.

L'ancien numéro un mondial de la finance, l'américain Citigroup, menaçait de s'effondrer sans une nouvelle intervention des pouvoirs publics le 23 novembre. Même chose pour UBS, ex-fleuron du secteur en Suisse, généreusement renfloué par l'Etat, et qui a eu sa réputation durablement ternie par une gestion désastreuse, en plus de divers scandales. Quand à l'assureur AIG, l'Etat américain a du fournir 152 milliards de dollars pour empêcher sa faillite.

En janvier, la banque française Société Générale enregistrait une perte historique de 4,9 milliards d'euros, découlant des malversations d'un seul trader, Jérôme Kerviel. Mais ce record risque de ne pas tenir très longtemps, après l'éclatement d'un nouveau scandale - le scandale de trop, peut-être: la fraude de 50 milliards de dollars du gestionnaire vedette Bernard Madoff.