Pendant longtemps, Mathieu a connu des échecs amoureux, passant d'une femme à l'autre, sans arriver à bâtir une relation. Au fil des années, il s'est forgé un archétype de la partenaire idéale. Petite et délicate, elle serait sportive, jouerait du violon, et elle aurait un sens artistique développé. Idéalement, elle aurait des traits asiatiques.

Même sur les sites de rencontres, l'homme dans la jeune trentaine n'a jamais trouvé une femme telle qu'il l'imaginait. «J'ai trouvé mieux», dit-il. Après une courte pause, il ajoute: «J'ai trouvé Julie.»

Avant d'arriver jusqu'à elle, Mathieu a toutefois dû élargir ses horizons. Sur l'internet, là où les critères comme la beauté, la scolarité et l'aisance financière servent souvent de base à une première rencontre, «il est facile de ne pas aller plus loin que la fiche de présentation», explique-t-il. Il a donc envoyé entre 400 et 500 messages aux femmes sur le réseau. Sur le lot, une trentaine ont répondu. Il en a rencontré sept personnellement, et deux se sont montrées intéressées à le revoir. Il a craqué pour l'une d'elles, Julie.

Quand Mathieu est tombé sur sa fiche, elle ne correspondait pas au fantasme qu'il s'était bâti, mais elle avait un atout: son intérêt pour les films d'horreur. «C'est la petite chose qui a attiré mon attention, raconte-t-il. C'est original. J'ai eu le goût d'aller voir plus loin.»

La rencontre a eu lieu en 2003, et ils se sont mariés l'an dernier.

«On pense être capable de rationaliser ce que l'on cherche. Mais dans les faits, ça échappe totalement à notre contrôle», dit Rose-Marie Charest, présidente de l'Ordre des psychologues du Québec et auteure du livre La dynamique amoureuse, entre désirs et peurs, qui sera publié à la mi-novembre. «Comment ça se fait que, pour une femme, parmi tous les grands bruns minces, il n'y en a qu'un qui va sortir de la masse?» illustre-t-elle.

«C'est le temps de la liste d'épicerie, ajoute Mariette Julien, docteure en communication et professeure à l'UQAM. Les critères sur les cheveux et les yeux peuvent varier parce que l'on puise son inspiration partout. Mais il y a une règle qui reste: la quête de la beauté.»

Critères... ou prétextes?

Dans sa pratique, Mme Charest constate que les célibataires dressent un portrait plutôt détaillé du partenaire idéal. Et fréquemment, des détails comme une coupe de cheveux et un style vestimentaire prennent une importance démesurée, allant jusqu'à ruiner une relation.

«Je vois des femmes à la veille de devoir faire le deuil de la maternité et qui rejettent un partenaire parce qu'il ne s'habille pas bien, explique-t-elle. Pourtant, c'est simple à régler comme problème! Je pense qu'il faut aller plus loin. Il y a aussi la peur du désir. Il faut bien trouver une excuse pour ne plus désirer... Alors on se met à parler de la coupe de cheveux et des vêtements.»