Au cours de l'année dernière, l'organisme sans but lucratif Allô prof a reçu près de 106 000 appels d'élèves de partout en province. Chaque appel est un nouveau défi, qu'il s'agisse d'histoire, de mathématiques, d'algèbre ou de grammaire. Et c'est parfois le coup de pouce qui redonnera du courage et assurera la réussite d'un enfant à l'école, qu'il soit au primaire ou au secondaire.

"Allô! Euh..." C'est souvent ainsi que s'établit le premier contact au bout du fil, puisque 65% des appels en direction d'Allô prof proviennent de jeunes dont la langue maternelle n'est pas le français. Le miracle de la communication a pourtant lieu. Le professeur qui répond a appris à décoder, à comprendre à demi-mot la difficulté que rencontre l'élève dans son devoir.

La mission d'Allô prof existe depuis 1995. Quatre ans plus tard, Sandrine Faust s'installait à la barre comme directrice générale, et l'organisme, grâce à son dynamisme et à son enthousiasme, a connu un essor considérable. Aujourd'hui, l'organisme sans but lucratif offre également de l'aide téléphonique, des cyberclasses, une bibliothèque virtuelle et des forums. L'UQAM lui remet son prix Reconnaissance 2008; La Presse et Radio-Canada emboîtent le pas en la nommant Personnalité de la semaine.

Les enfants d'abord

Le téléphone sonne au local de l'organisme, et les professeurs présents ont la même pensée: quelle sera la question de l'enfant? "Il n'y a pas une soirée qui se termine sans que l'on ait appris quelque chose", affirme Sandrine Faust, surnommée "la tornade". Et la constatation la plus étonnante est que "c'est avec les tout-petits qu'on a le plus de difficultés".

Il peut y avoir 20 professeurs en ligne simultanément: le local est une véritable ruche. Et à chaque fois, l'équipe installée aux ordinateurs et à l'écoute se sent utile, voire indispensable dans la vie de bien des élèves qui, autrement, décrocheraient. En effet, il n'y a rien de pire que les échecs répétés pour miner la confiance en soi. "Les parents se sentent coupables de ne pouvoir les aider alors qu'ils ne devraient pas. Tout a tellement changé. Leur rôle est de s'assurer que l'enfant a un endroit tranquille pour étudier, qu'on s'intéresse à ce qu'il fait."

Après des études en finances et en orthopédagogie, Sandrine Faust s'est dirigée vers l'enseignement au niveau collégial. Puis elle a commencé à répondre au téléphone d'Allô prof. Voilà comment le virus s'est installé. Son leadership naturel l'a naturellement amenée à en prendre la direction. "Allô prof, c'est mon bébé, mais c'est en équipe que cela réussit. On est les seuls au monde à offrir ce service."

La directrice de 38 ans, qui attend son deuxième enfant, avoue qu'elle est tombée dans une potion d'énergie à la naissance. "Les vacances, c'est trop long! Je suis heureuse le dimanche soir parce que j'ai hâte de revenir au bureau le lundi matin. Il y a tant de choses à faire, tant de projets à réaliser."

La chance d'être heureuse

Se sentir utile est un formidable moteur. "Faire une différence dans des milliers de familles du Québec! Je reçois des tonnes de courriels et pas un seul négatif. Est-ce que ce n'est pas extraordinaire? Ce travail est tellement gratifiant!"

L'atmosphère du bureau est unique. Détendue, conviviale, rafraîchissante. La directrice, qui se retient pour ne pas laisser exploser sa joie, n'aime pas les conflits, n'a pas la langue dans sa poche et sait s'entourer de collaborateurs chaleureux. Cette fille "de gang", comme elle aime se qualifier elle-même, privilégie le plaisir dans la tâche à accomplir.

C'est ainsi depuis sa jeunesse à Sept-Îles, où elle était la cadette d'une famille de trois enfants. Tous les membres de la famille sont plus ou moins reliés au monde de l'éducation. Ses parents, d'origine française, ont transmis la curiosité intellectuelle, l'importance des études et de la culture. "Je voudrais connaître tous les oiseaux. J'aimerais retourner à l'université. Être assise sur un banc d'école et apprendre... quel bonheur!"

Groupie de sport, leader, elle était et est encore la première au créneau, celle qui défend les faibles, secoue l'indifférence et dénonce les injustices. "Une bosseuse... sympathique", du moins elle l'espère, dit-elle en riant.

Avec son chien Chopin, à Saint-Bruno, les seules activités un peu zen sont les randonnées dans le bois pour aller à la rencontre des chevreuils ou nourrir les mésanges à la main. Sinon, elle attend la Coupe du monde de soccer, écoute le football américain à la télé, et prend parti en comptant les points, car elle aime la saine compétition.

Son énergie ne diminue jamais. Parfois, la nuit, elle allume la lampe, note sur un calepin une nouvelle idée qui pointe, une idée pour enrichir Allô prof, pour répondre aux besoins des enfants, pour aller plus loin dans l'entreprise qui sauve beaucoup d'écoliers du découragement et de l'échec.

En leur nom, elle ne baisse jamais les bras.