Polisena Delle Donne a piqué une crise parce que son mari, Giuseppe Torre, lui donnait une BMW M3, plutôt qu'une Porsche 911. Cette dispute conjugale, captée par la police, en dit long sur la mentalité d'une nouvelle génération de mafieux. Signe des temps, ils n'ont aucune gêne à étaler leurs richesses. Au point où les vieux loups, habitués à plus de sobriété, s'en inquiètent ouvertement.

Le 29 mai dernier, Delle Donne téléphone à son mari. Celui-ci lui dit que quelqu'un viendra lui livrer sa nouvelle voiture. Manifestement heureux, il dit lui donner «ce qu'elle veut», c'est-à-dire le modèle sport de la BMW. «Tu me donnes une M3, ce n'est pas ce que je voulais, je voulais une 911», lui répond sa femme, une ancienne hôtesse de l'air d'Air Canada. Le lendemain, elle appelle une amie et lui dit qu'elle a reçu sa voiture : «Je lui ai donné de la merde (en parlant de son mari). Je voulais un intérieur rouge, et il est gris.». De son côté, Torre attend la livraison d'un véhicule utilitaire de marque Hummer. Depuis 1998, le couple a eu une bonne vingtaine d'autos, de la Ferrari à la Land Rover en passant par la Mercedes, l'Infiniti et la Jeep Grand Cherokee. En 2005, il a vertement semoncé son vendeur parce que le démarreur de la Land Rover était défectueux. «Écoute ben, ton citron à 100 000 $, y marche pas», a-t-il lancé, tout en lui signifiant son embarras d'avoir «une maison à un million avec une maudite Land Rover en panne devant la porte».

Dans ses conversations, la femme de Torre dit qu'elle a une bague à diamants de 3,3 carats qui vaut 60 000 $, un bracelet avec 33 diamants valant 56 000 $ et deux diamants de taille princesse d'une valeur de 12 000 $ chacun. Le bracelet lui a été offert l'an dernier, «à la Saint-Valentin et pour sa fête». Il n'y a pas si longtemps encore, elle se vantait que sa fille de 8 ans avait déjà fait une cinquantaine de voyages en famille. Ses trois enfants sont habillés à la dernière mode, cependant qu'elle-même se paie des vêtements griffés et les accessoires les plus dispendieux. L'été dernier, elle a acheté le même jour deux paires de bottes et des chaussures. La facture s'élevait à 3000 $.

«C'est vrai qu'ils ont beaucoup d'argent et qu'ils ne savent pas où le mettre, mais on voit ce qui arrive aujourd'hui. C'est le prix à payer pour de l'argent gagné comme ça», déplore le père de Francesco Del Balso, quelques jours après l'assassinat par balles de Domenico Macri, le 30 août dernier, dans l'est de Montréal. Selon le vieil homme, Macri, 35 ans, était «comme un frère» pour son fils. C'est Del Balso qui s'est occupé des funérailles.

Si ce meurtre encore non résolu a mis tout le clan Rizzuto sur le qui-vive, il a aussi jeté la consternation parmi les proches des mafieux. «Ça fait 13 ans que je lui dis de rester à la maison avec les enfants. Il doit penser que je suis vache, mais qu'est-ce que tu veux que je fasse?», demande Marisa D'Ambrosio, en parlant au téléphone avec la femme de Guiseppe Torre. «On est des adultes, on savait ce que l'on faisait, c'est comme un choix, il faut vivre avec maintenant», de rétorquer son interlocutrice, au fil de la conversation.