Au lendemain du dénouement du Projet Colisée, Nick Rizzuto et ses acolytes sont toujours détenus et subissent déjà les conséquences de leur arrestation. Avant même qu'ils ne soient jugés, le fisc a mis la main sur leurs avoirs. La GRC compte bien s'y mettre également. Adieu, dollars, maisons et voitures de luxe.

Une histoire d'extorsion commencée à Toronto a ouvert la voie à la retentissante opération antimafia qui a fait tomber le parrain Nick Rizzuto, ses principaux lieutenants et une soixantaine de leurs associés.

En réalité, dans le langage policier, on affirme que c'est le projet Cicéron, du nom d'un célèbre orateur romain au temps de César, qui a donné lieu à l'enquête Colisée, en 2002.

C'est sans doute ce qui explique que la GRC ait projeté à répétition sur un large écran, hier, en conférence de presse, la structure abîmée du fameux Colisée qui trône encore au coeur des ruines restantes de la Ville éternelle. Comme si les relationnistes de la police voulaient montrer que la mafia montréalaise était également amochée par ce coup de force de l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé (UMECO).

Créée dans la foulée de l'escouade Carcajou, qui a mis fin à la guerre des motards en arrêtant Maurice Boucher et ses sbires, l'UMECO avait comme mission de pourchasser la pègre italienne. Il va sans dire que les cibles principales étaient Vito Rizzuto et le clan des Siciliens, quasi intouchables, même s'ils en menaient large depuis plus de 25 ans, à Montréal, Toronto, New York et Caracas, au Venezuela.

À l'automne 2001, les limiers montréalais ont vu une occasion en or de passer à l'action en apprenant de la police de York, en Ontario, que Vito Rizzuto et quelques-uns de ses fidèles collaborateurs avaient entrepris d'obtenir à tout prix le remboursement d'une dette de 500 000 $ qu'un homme d'affaires de la Ville reine avait contractée auprès du mafioso Frank Martorana, bien connu depuis le brutal enlèvement en plein jour dont il a été victime l'an dernier dans un salon de barbier de Saint-Léonard.

Pour sa part, Rizzuto avait été appelé à la rescousse par un concessionnaire de voitures de luxe qui avait prêté 500 000 $ à Martorana. Après une rencontre avec le chef mafieux et trois autres personnes, l'homme de Toronto a accepté de payer les 500 000 $. Il a remis l'argent à un avocat montréalais. Dégoûté par la tournure des événements, il a toutefois menacé de se plaindre au Barreau de Montréal. L'argent lui a été renvoyé, et il n'a plus réentendu parler de Rizzuto, ni de l'avocat.

C'est à contrecoeur, en mai 2002, que les policiers ont fermé le dossier. La montagne d'informations glanées à filer Rizzuto et son gang à la trace pendant sept mois se sont toutefois révélées si précieuses que l'UMECO a ouvert un autre dossier appelé cette fois le projet Colisée. Avec le résultat, quatre ans plus tard, que le clan sicilien a été étêté : Vito Rizzuto est en prison aux États-Unis, alors que les Nick Rizzuto, Paolo Renda, Rocco Sollecito et Frank Arcadi ont été arrêtés, mercredi.

En faisant le bilan de l'opération hier, la GRC a annoncé qu'elle mettrait dorénavant tous ses efforts, avec Revenu Canada, à mettre la main sur les biens des criminels. Jusqu'à maintenant, les procédures en cours pourraient permettre d'en saisir pour environ 6 millions. On parle notamment d'une somme de 3,1 millions en espèces, ainsi que 10 résidences à Montréal et Laval. Des équipes d'enquêteurs passent également à la loupe les documents relatifs à des perquisitions effectués dans quatre établissements d'une petite chaîne d'épiceries de Montréal et Laval. À eux seuls, les inspecteurs de Revenu Canada ont procédé à l'exécution de 24 mandats. Durant l'enquête, ils affirment avoir retracé 4,4 millions $ en revenus non déclarés. Ils ont par ailleurs «cotisé et saisi» 2,5 millions $.

Pendant ce temps, au palais de justice de Montréal, l'interminable défilé de prévenus s'est poursuivi devant le juge Jean-Pierre Bonin. Bilan de ces comparutions à Montréal et Laval : la majorité des 73 accusés, incluant le doyen Nick Rizzuto, 82 ans, demeurent détenus, la Couronne s'étant opposée à leur remise en liberté. On fixera lundi la date de l'enquête sur cautionnement.

Hier, 17 personnes restaient introuvables, dont Lorenzo Giordano, 43 ans, de Laval, accusé d'une tentative de meurtre au bar Globe, boulevard Saint-Laurent.