Un tribunal militaire américain fait obstacle à une tentative d'Omar Khadr, cet ancien prisonnier canadien de la base militaire de Guantanamo, de faire appel de ses condamnations pour crimes de guerre, a appris La Presse Canadienne.

Dans une ordonnance que l'avocat du jeune homme qualifie de sans précédent, la Cour de révision des commissions militaires, qui est en quelque sorte la cour d'appel des commissions militaires de Guantanamo, a demandé aux deux parties de déposer des arguments ne concernant que son autorité à entendre l'appel en question.

Selon Sam Morison, l'avocat d'Omar Khadr qui travaille pour la Défense américaine, cette décision est injuste envers son client.

Me Morison soutient que la cour doit être neutre, et que ce geste est «troublant».

Normalement, les cours d'appel entendent des plaidoiries sur toutes les questions en jeu - y compris le bien-fondé de la cause -, ce qui permet de prendre une décision sur l'ensemble du dossier.

La décision de la Cour de révision des commissions militaires, cependant, pourrait traîner indéfiniment si celle-ci décide qu'elle ne dispose pas de l'autorité pour entre la demande d'appel, et ce malgré les éventuels mérites de celle-ci.

Si une telle situation se produisait, Omar Khadr, âgé de 27 ans, devra tout d'abord demander à un tribunal civil de forcer la cour militaire à se saisir du dossier, puis, s'il réussit, il devra tout reprendre du début pour débattre du bien-fondé de l'affaire.

Apparence de préjugé

Ce processus pourrait prendre des années.

«L'effet direct de l'ordonnance de la cour est donc de repousser indéfiniment tout examen judiciaire du bien-fondé de l'appel du plaignant, permettant ainsi de s'assurer qu'il demeurera en prison jusqu'à ce que sa peine soit écoulée», a plaidé Me Morison dans une objection à la directive du tribunal.

«Si le gouvernement ne peut défendre, aujourd'hui, les accusations qu'il a portées contre l'appelant, il n'y a aucune raison de croire qu'il présentera ses arguments avant plusieurs années.»

La formulation de la directive «crée l'apparence que la cour a un préjugé quant au résultat de cet appel», a poursuivi l'avocat.

Omar Khadr a plaidé coupable à cinq accusations de crimes de guerre, en octobre 2010, devant une commission militaire américaine lui étant largement opposée. Il a été condamné à passer huit années supplémentaires derrière les barreaux.

Ses avocats maintiennent que le plaidoyer de culpabilité était sa seule porte de sortie de Guantanamo, puisqu'il y risquait une détention indéfinie même s'il était acquitté.

Omar Khadr, né à Toronto, a fait appel de ses condamnations le 8 novembre, arguant que les faits survenus en Afghanistan alors qu'il était âgé de 15 ans ne sont pas un crime de guerre en vertu du droit américain ou international.

Quelques jours plus tôt, un autre ex-prisonnier de Guantanamo, l'Australien David Hicks, accusé d'avoir offert un soutien matériel au terrorisme, a lui aussi interjeté appel de sa condamnation.

Dans ce dossier, un comité de la cour d'appel militaire a demandé aux parties de déposer en même temps leurs arguments sur les questions de juridiction et sur le fond de la cause.

Si Omar Khadr semble avoir renoncé à son droit de contester sa condamnation en vertu des termes de son plaidoyer de culpabilité, Me Morison affirme que les autorités de la commission militaire n'ont pas respecté la loi appropriée dans ce cas.

Les différents arguments de la défense sont similaires à ceux présentés par deux associés du chef terroriste Oussama Ben Laden. Dans les deux cas, une cour civile a annulé leur condamnation militaire.

La plus importante accusation contre Omar Khadr, soit un meurtre en violation du droit de la guerre, découle de la mort d'un soldat des forces spéciales américaines lors d'une bataille dans des installations afghanes, en juillet 2002.

Le jeune homme purge désormais sa peine dans une prison à sécurité maximale d'Edmonton.

Ses avocats canadiens poursuivent le gouvernement fédéral pour violation de ses droits. Les avocats veulent également que leur client soit reconnu comme un criminel mineur au moment des faits, et qu'il soit donc transféré dans une prison provinciale.

Le gouvernement fédéral, qui décrit Omar Khadr comme un dangereux terroriste, a manifesté son intention de le garder là où il est.