Enfant-soldat innocent pour les uns, terroriste meurtrier pour les autres: Omar Khadr a finalement été transféré en sol canadien, samedi, après avoir passé 10 ans derrière les barreaux de prisons militaires américaines.

Le sort du jeune homme a divisé les responsables politiques canadiens pendant toutes ces années. Samedi, le gouvernement canadien a confirmé l'information qui circulait depuis peu.

«M. Khadr va purger le reste de sa sentence au Canada», a annoncé le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, après une courte conférence de presse. «Je suis convaincu que Service correctionnel Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada sont en mesure de gérer la peine de M. Khadr de façon à reconnaître la nature sérieuse des crimes qu'il a commis.»

L'avion qui transportait le détenu a décollé de la base militaire de Guantanamo au petit matin, samedi, et a atterri quelques heures plus tard à la base de Trenton, en Ontario. De là, le jeune homme de 26 ans a été transféré jusqu'au pénitencier de Millhaven, près de Kingston.

Omar Khadr satisfait

Samedi après-midi, l'un des avocats d'Omar Kadhr a affirmé que son client était surpris, mais content d'être finalement de retour au Canada.

«Il trouve difficile de croire que c'est finalement arrivé», a expliqué John Norris à La Presse Canadienne, après avoir parlé au téléphone avec son client. «Son moral est bon. Il est très, très heureux d'être de retour à la maison.»

Il aurait rapidement demandé qu'on lui apporte du papier et des crayons afin qu'il puisse écrire, selon un autre de ses avocats.

«Au final, la justice a triomphé sur le politique», s'est réjoui M. Norris.

Ottawa divisé, Washington fâché

Si le gouvernement conservateur a toujours exprimé de vives réserves quant au rapatriement d'Omar Khadr, les partis d'opposition se sont réjouis de son retour au Canada.

«Le retour d'Omar Khadr au Canada s'est fait attendre longtemps. M. Khadr, un citoyen canadien, était un enfant-soldat», a fait valoir le chef libéral Bob Rae.

Le Nouveau Parti démocratique a aussi exprimé son soulagement.

Par ailleurs, le dossier d'Omar Khadr a fait naître des tensions entre Washington et Ottawa.

Hier, le ministre des Affaires étrangères du Canada, John Baird, a admis que l'homme était de retour au pays en raison de la pression exercée par les États-Unis. Une fuite d'information dans un magazine canadien a également déclenché la colère des Américains il y a quelques jours (voir autre texte).

Samedi, Vic Toews a montré du doigt les Américains pour expliquer les délais de rapatriement d'Omar Khadr.

«Je suis une victime depuis le début»

Le 15 juin 2010, Omar Khadr est assis, les pieds enchaînés, au sol d'une salle d'interrogatoire de la prison de Guantanamo. Devant lui, le psychiatre américain Michael Welner, spécialisé dans les dossiers criminels. Embauché par le gouvernement américain, il l'interroge pendant de longues heures en vue de son procès pour crime de guerre. Le magazine torontois Maclean's a publié des extraits de l'entrevue. En voici des extraits.

Omar Khadr sur le 11 septembre 2001: «Aucun individu innocent ne mérite de mourir ou d'être tué. C'est tout ce que je dirai. Américain, juif, mormon; peu importe. L'âme humaine est sacrée et tous doivent être protégés et ne pas subir d'abus. Pour moi, une âme est une âme, peu importe sa religion ou son pays d'appartenance.»

Omar Khadr à propos de la mort du soldat américain: «Je suis seulement accusé parce que je suis le seul survivant et il y avait un cadavre, et des choses regrettables sont arrivées [...]. Je suis une victime. Je suis une victime depuis le début.»

Omar Khadr sur une éventuelle libération au Canada: «C'est un pays que je peux qualifier de "chez-moi". [...] Je ne peux pas dire, par exemple, que l'Afghanistan, c'est "chez moi" ou que le Pakistan, c'est "chez moi". [Je vivrai] probablement à Toronto. Je veux vivre près de ma famille.»