Rentrera, ne rentrera pas, rentrera quand? Même s'il continue d'entretenir le secret sur le rapatriement d'Omar Khadr au Canada, au grand dam de ses avocats, le gouvernement aurait déjà déterminé où il sera incarcéré à son arrivée, a appris La Presse: le pénitencier à sécurité maximale de Milhaven, en Ontario, dans l'aile surnommée le «Guantánamo du Nord» par ses détracteurs.

Cette petite unité de six cellules, unique au Canada, tire son surnom du fait qu'elle a été bâtie spécialement en 2006 pour des individus suspectés de terrorisme par le gouvernement et détenus par l'Agence des services frontaliers en vertu des controversés certificats de sécurité. Elle est aujourd'hui déserte.

Sa construction a coûté 3,2 millions de dollars, soit trois fois plus que prévu, et ses coûts d'exploitation ont grimpé à 2 millions par an.

Le Syrien Hassan Almrei, les Égyptiens Mahmoud Jaballah et Mohamed Mahjoub ainsi que l'Algérien Mohamed Harkat y ont passé plusieurs mois en isolement presque total, dans un uniforme orange, avant d'être libérés.

«Raisons de sécurité»

Selon une source bien au fait du dossier, c'est dans cette aile de Milhaven que les autorités canadiennes projettent d'incarcérer la figure emblématique des opposants au système Guantánamo. Les services correctionnels canadiens n'ont pas voulu commenter l'information «pour des raisons de sécurité», précise la porte-parole Véronique Rioux. Elle ajoute que les services correctionnels n'auraient «aucun plan précis pour le moment» quant à l'avenir de Milhaven.

À moins qu'un autre individu y soit incarcéré en vertu d'un nouveau certificat de sécurité, Omar Khadr va se sentir bien seul dans sa prison. En 2007, le gouvernement a indiqué au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes que le «fait qu'une seule personne soit en détention au CSIK [Centre de surveillance de l'immigration de Kingston] ne constitue pas de l'isolement cellulaire tel que défini dans les instruments internationaux».

«Les droits demeurent les mêmes, a-t-il ajouté, qu'il y ait une ou six personnes détenues au CSIK. Les personnes continuent d'avoir accès à des services téléphoniques et de vidéoconférence, notamment à des appels interurbains gratuits d'une heure par jour, et elles jouissent de la cantine et de périodes de visites et de loisirs généreuses.»

Les avocats de Khadr inquiets

Omar Khadr est emprisonné dans l'île de Guantánamo, à Cuba, depuis plus de neuf ans pour le meurtre à la grenade d'un soldat américain des Delta Forces, lors d'un assaut en Afghanistan en juillet 2002. Il n'avait que 15 ans à l'époque, ce qui en fait un enfant-soldat, selon l'ONU.

Khadr a été condamné à une peine de huit ans de prison après qu'il eut plaidé coupable à cinq accusations, dont une de crime de guerre.

En échange de son plaidoyer, et à la suite d'une entente signée en octobre 2010 entre le Canada et les États-Unis, Omar Khadr pouvait demander son rapatriement après un an d'emprisonnement, soit depuis octobre dernier.

Alors, quand Omar Kadhr rentrera-t-il? «Nous sommes inquiets et troublés de n'avoir aucune nouvelle», indique Me Brydie Bethel, chargée de la défense du Canadien avec Me John Norris.

Le gouvernement Harper est peu bavard. «Une décision sera rendue en temps voulu dans ce dossier, comme pour toute autre demande de transfert. Les décisions sur le transfèrement international des délinquants sont rendues par le ministre de la Sécurité publique, la sécurité des Canadiens étant, en tout temps, notre plus haute priorité», écrit Michael Patton, porte-parole du ministre de la Sécurité publique Vic Toews, dans un courriel adressé à La Presse.

Libération au tiers de la peine

En octobre dernier, il avait indiqué, en réponse à la même question, que le processus de transfert pourrait ne pas aboutir avant octobre 2012. C'est le ministre qui prend la décision. En cas de refus, le détenu doit attendre un an avant de déposer une nouvelle demande.

«Nous n'avons aucune raison de croire que son transfert pourrait durer un an, réplique Me Brydie Bethel. En fait, même moins compte tenu des circonstances particulières du dossier d'Omar.»

Les termes du courriel de Michael Patton ne laissent planer aucune ambiguïté sur les sentiments du gouvernement. «Monsieur Khadr a plaidé coupable à des accusations de crimes très graves portées contre lui, notamment le meurtre d'un médecin américain.» En fait, la victime, le sergent Christopher Speer, était membre des Delta Forces, les forces spéciales.

Une fois de retour au pays, Omar Khadr serait sous la juridiction canadienne et serait admissible à une libération conditionnelle au tiers de sa peine.

Me Bethel n'a aucune idée, en revanche, de l'endroit où son célèbre client sera détenu. «C'est une question à poser au ministre», répond-elle.

Plusieurs condamnés pour terrorisme au Canada sont détenus à Sainte-Anne-des-Plaines. L'un d'eux, Momin Khawaja, a été ébouillanté à la fin du mois de janvier par un autre détenu, ironiquement un membre du groupe terroriste qu'on surnomme les 17 de Toronto, incarcéré au même endroit.