Contre toute attente, Omar Khadr a brièvement comparu jeudi, exprimant des regrets pour les gestes faits et de l'espoir pour une vie future, devant le jury qui doit déterminer sa peine de prison, après avoir plaidé coupable lundi aux accusations de crimes de guerre qui pesaient sur lui.

Pour la première fois en public, il s'est excusé pour les dommages qu'il a causés à la famille du soldat Christopher Speer, mort des suites de ses blessures après le combat du 27 juillet 2002 où a été capturé Omar Khadr, à l'âge de 15 ans.

«Je suis vraiment, vraiment désolé pour le tort que j'ai causé à vous et votre famille. J'aimerais pouvoir faire quelque chose qui vous soulagerait de cette souffrance», a-t-il déclaré, debout, vêtu en complet gris foncé et cravate bleu marine, s'adressant directement à Tabitha Speer, assise à quelques mètres de là.

Éplorée, la mère de deux enfants a péniblement retenu ses larmes, secouant la tête, le visage crispé, pendant que le détenu canadien, natif de Scarborough, lui adressait ses excuses.

«J'ai décidé de plaider coupable pour prendre la responsabilité des actions que j'ai commises», a déclaré Omar Khadr, répondant aux questions de son avocat militaire, Jon Jackson.

«Je m'appelle Omar Khadr. J'ai 24 ans. J'aime les sports et la lecture», a-t-il dit en se présentant aux jurés, dans un témoignage qui n'était pas sous serment, ce qui implique qu'il ne sera pas contre-interrogé par les procureurs du gouvernement américain.

«J'ai terminé ma huitième année», a-t-il ajouté, faisant la moue, visiblement gêné.

Il dit ne pas ressentir de colère, affirmant que tout ce temps passé en prison lui a permis de réfléchir et de conclure que l'amour et le pardon sont des sentiments beaucoup plus constructifs.

Quitter Guantánamo

Omar Khadr a paru réfléchi et son propos, structuré. Il a cité Nelson Mandela et a affirmé que son rêve le plus cher était de quitter la prison de Guantánamo. Si quelqu'un lui en donne la chance, il aimerait aller à l'université pour devenir médecin. «De par mes blessures, j'ai expérimenté la douleur, physique et mentale. Je sais ce qu'est la souffrance. J'aimerais vraiment pouvoir soulager les gens de leur souffrance», a-t-il souligné, dans un anglais parfait.

Lourdement blessé dans le combat qui a opposé l'armée américaine à une cellule d'insurgés, en Afghanistan, il a expliqué avoir toujours des problèmes avec son oeil droit, le seul qui fonctionne.

Détenu à Guantánamo depuis huit ans, Omar Khadr a plaidé coupable à des accusations de meurtre, tentative de meurtre, complot, espionnage et soutien matériel au terrorisme, dans le cadre d'une entente à l'amiable qui devrait prévoir une peine de prison réduite, avec la possibilité d'être transféré au Canada après une année supplémentaire à Guantánamo.

«Les victimes, ce sont mes enfants»

En matinée, Tabitha Speer a rendu un témoignage émouvant. Elle a raconté à quel point son mari était un conjoint attentionné et un père formidable, et comment son absence pèse lourd dans la vie de leurs deux enfants, Taryn, 11 ans, et Tanner, 8 ans.

Émotive, très en colère, elle s'est aussi adressée directement à Omar Khadr, le fixant du regard.

«Tu as fait un choix. Mes enfants n'ont jamais eu le choix. Tu seras pour toujours un meurtrier à mes yeux. Mes enfants ne méritaient pas que quelqu'un comme toi leur prenne leur père», a-t-elle lancé.

«J'entends partout qu'il est une victime, qu'il était un enfant. Je ne vois pas ça. Les victimes, ce sont mes enfants. Pas toi. Ce sont eux qui souffrent», a-t-elle ajouté, s'adressant aux membres du jury de la commission militaire, puis à Omar Khadr qui, lui, avait la tête baissée.

À plusieurs reprises, le silence a envahi la petite salle d'audience du Camp Justice, à Guantánamo, le temps que Mme Speer lutte contre les larmes.

En plus d'Omar Khadr, les avocats de la défense ont appelé à la barre deux témoins en faveur de la réhabilitation du jeune détenu.

Le capitaine Patrick McCarthy, qui a côtoyé l'accusé de 2006 à 2008, alors qu'il était en poste à Guantánamo, a décrit un jeune homme respectueux, aimable, loin d'être radical, et qui selon lui représente une influence positive pour ses codétenus.

En après-midi, Arlette Zinck, doyenne de la faculté des arts de la très catholique Université King's, à Edmonton, est venue affirmer qu'Omar Khadr aurait «de très bonnes chances» d'être admis à son établissement d'enseignement s'il sollicitait une inscription à sa sortie de prison.

Professeure d'anglais, la Dre Zinck a correspondu à quelques reprises avec le détenu, qui, à sa demande, a réalisé un compte rendu du livre Le chemin parcouru: mémoires d'un enfant soldat, d'Ishmael Beah.