«Tu avais le choix. Et tu es resté. Mes enfants n'ont jamais eu le choix. Ils ne méritaient pas que quelqu'un comme toi leur prenne leur père.» Émotive, en colère, la veuve du soldat Christopher Speer, Tabitha, s'est adressée jeudi directement à Omar Khadr, qui a reconnu sa culpabilité, plus tôt cette semaine, pour la mort de son mari, en Afghanistan, en 2002.

Fixant le détenu canadien, à cinq mètres devant elle, Mme Speer est venue témoigner de la perte son mari, au troisième jour des audiences pour établir la peine de prison à imposer à Omar Khadr.

«J'entends partout qu'il est une victime, qu'il était un enfant. Je ne vois pas ça. Les victimes, ce sont mes enfants. Pas toi. Ce sont eux qui souffrent», a-t-elle lancé, s'adressant d'abord aux sept membres qui composent le jury de la commission militaire, puis à Omar Khadr, qui lui se tenait la tête baissée.

Dans la salle bondée du tribunal d'exception, à Guantanamo, l'émotion était à son comble. À plusieurs reprises, le silence a envahi la pièce, lorsque Tabitha Speer retenait ses larmes, racontant à quel point son mari était un bon père, et comment son absence pèse lourd dans la vie de leurs enfants, Taryn, 11 ans, et Tanner, 8 ans.

Pendant 45 minutes, elle a relaté sa rencontre avec son mari, leur vie avant son déploiement en Afghanistan, à l'été 2002, et les circonstances tragiques dans lesquelles elle a du revenir de l'hôpital militaire où Christopher Speer est mort des suites de ses blessures, en Allemagne, et expliquer à sa fille de 3 ans que son père ne reviendrait jamais.

«Il y a une partie de ma fille qui est morte avec mon mari, a dit la veuve éplorée. Ma fille, à 11 ans, a connu une souffrance qu'aucun enfant de son âge devrait connaître.»

Mme Speer a ensuite lu des lettres, écrites par Taryn et Tanner, à l'attention d'Omar Khadr, dans lesquelles ils racontent, avec des mots d'enfants, pourquoi ils sont fâchés contre lui. «À cause de toi, mon père ne m'a jamais vu jouer au soccer, et ça me rend très triste», raconte Taryn, qui adore ce sport parce que son père en était un fervent amateur.

«Je pense qu'il devrait aller en prison, pour le trou qu'il a causé dans ma famille, écrit Tanner, qui aura 9 ans en novembre. À cause d'Omar Khadr, je n'ai aucun souvenir de mon père.»

La défense n'a pas voulu contre-interroger la veuve du soldat Speer, mort à 28 ans. Après une saga judiciaire de plus de huit ans, le jeune détenu canadien, aujourd'hui âgé de 24 ans, a plaidé coupable lundi à des cinq chefs d'accusations pour crimes de guerre : meurtre, tentative de meurtre, complot, espionnage et soutien matériel au terrorisme. L'entente à l'amiable signée entre ses avocats et les procureurs du gouvernement américain prévoit qu'après une année supplémentaire de détention à la prison de Guantanamo, il pourrait demander à être transféré dans un pénitencier canadien.

Plus tôt en matinée, un capitaine de la marine américaine, Patrick McCarthy, a affirmé au jury qu'Omar Khadr pouvait, selon lui, «être réhabilité», compte tenu de l'âge qu'il avait et des circonstances entourant sa capture en Afghanistan. Le capitaine McCarthy a côtoyé le détenu de 2006 à 2008, alors qu'il était en poste à la prison de Guantanamo.

Aujourd'hui basé à Kaboul, en Afghanistan, il a souligné qu'Omar Khadr était respectueux, amical et qu'il représentait une influence positive pour ses codétenus. Le jeune prisonnier, natif de Scarborough, n'est pas un radical, selon le capitaine, et offre un bon potentiel de réhabilitation dans la société.