Un frisson a traversé la foule quand le premier hélicoptère est apparu. Un deuxième s'est joint à lui, et ils se sont avancés lentement vers le parlement. L'un des deux volait tellement bas qu'il touchait presque aux tours de l'édifice.

Les cris de centaines de personnes mêlés au bruit des moteurs et des hélices et au «America the Beautiful» entamé par les 53 lourdes cloches du carillon de la tour de la Paix se sont élevés de la colline, jusqu'aux ombres noires des tireurs embusqués postés sur le toit d'une demi-douzaine d'immeubles de la rue Wellington.

 

C'est dans ce vacarme que «la bête», la limousine présidentielle, et son cortège ont fait leur entrée sur le terrain du parlement, vers 11h45 hier, roulant silencieusement, à quelques mètres des clôtures et des chaînes de métal qui empêchaient les curieux d'approcher.

La foule était moins nombreuse, mais aussi enthousiaste que prévu pour cette première visite au Canada du nouveau président américain, Barack Obama. Mille, selon les uns, 2500, selon les autres. Qu'importe: on était loin des 10 000 personnes qui étaient descendues dans les rues de la capitale pour manifester contre la venue de George W. Bush, en novembre 2004.

Cette fois-ci, c'était la fête. Un homme déguisé en Abraham Lincoln distribuait les entrevues avec les médias. «Pour la convention démocrate à Denver - où Obama a officiellement été désigné candidat de son parti -, je m'étais déguisé en Oncle Sam. Mais cette fois-ci, j'ai dû raser ma moustache!»

«C'est une nouvelle ère de changement et d'espoir! Débarrassez-vous de la peur!» criait un autre. Les pancartes «Yes We Can» étaient partout. Et des gens étaient arrivés dès 4h30 du matin pour être sûrs de ne pas manquer l'événement.

«Je suis un fan fini, a dit Thomas Gagné, trois macarons épinglés sur son manteau. Je suis allé à Chicago le 4 novembre et c'était extraordinaire de suivre la réaction des gens. Obama a tout un discours qui porte autant sur sa nation que sur le monde.»

La foule était clairsemée, mais l'émotion était intense. Elle a atteint son paroxysme lorsque, contre toute attente, Barack Obama a fait le tour de sa limousine pour saluer la foule, derrière une vitre pare-balles. Tous se sont levés sur la pointe des pieds pour voir ces deux silhouettes, le président et le premier ministre Stephen Harper, environ 200 m plus loin, agiter la main dans les airs avec un large sourire.

La foule s'est dispersée quand les deux chefs d'État sont entrés dans le parlement. Presque tout le monde souriait. Seuls ceux qui étaient à gauche de la tour de la Paix étaient un peu déçus: deux grosses ambulances de la suite du président sont venues se stationner directement devant eux, bloquant la vue à des centaines de personnes venues savourer précisément ce moment-là.

Le reste de l'après-midi a été plutôt calme, avec quelques petits rassemblements ici et là dans le centre-ville. L'un d'eux, organisé par le groupe des Canadiens pour Obama, s'est tenu dans une église, où des poèmes, des chansons, et même un discours d'un Abraham Lincoln costumé ont été prononcés, lus et chantés.

Le président, le vrai, pendant ce temps-là, a rencontré le premier ministre, mangé avec des ministres, répondu à quatre questions de journalistes, deux Canadiens et deux Américains.

Il n'a pas perdu de temps après la conférence de presse pour tirer sa révérence. Il était déjà cinq minutes en retard sur son horaire... À sa sortie du parlement, tout juste avant de remonter dans «la bête», Stephen Harper et lui ont encore une fois salué la foule, beaucoup moins nombreuse qu'en matinée.

Malheureusement, c'était trop rapide pour le représentant de La Presse qui, même en courant, n'a pas eu le temps de se rendre sur place pour les voir une dernière fois.

«Vous l'avez manqué! a lancé une dame croisée en chemin. Lui et l'autre gars viennent tout juste de saluer la foule!»

«Oups! L'autre gars... Je voulais dire: le premier ministre.»

Avec la collaboration d'Alexandre Sirois et d'André Duchesne