Les États-Unis et le Canada s'engagent à coopérer dans le développement de nouvelles technologies pour favoriser la production d'énergie propre. Annoncée en grande pompe à l'issue de la rencontre entre le président américain Barack Obama et le premier ministre Stephen Harper, l'entente pour la lutte contre les changements climatiques a été aussitôt décriée par les environnementalistes.

«Il faut prendre en considération le fait que les changements climatiques et les gaz à effet de serre auront un impact sur nous tous, a souligné le président Obama, en conférence de presse. En tant que pays relativement riches, c'est important pour nous deux de montrer du leadership dans ce domaine. Je pense que ce partenariat sur l'énergie propre est un excellent début.»

 

L'entente prévoit que le Canada et les États-Unis collaboreront dans des projets de recherche en science et technologies de l'énergie, notamment pour la capture et la séquestration du carbone.

Le gouvernement canadien investit déjà massivement dans ce champ d'expertise, étant donné que ces technologies pourraient permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de ressources actuellement très polluantes, comme les sables bitumineux ou encore le charbon aux États-Unis.

La question du pétrole albertain, qualifié de «sale» parce que sa production est très polluante, est un dossier épineux. Le président Obama a déjà dénoncé les sables bitumineux comme néfastes pour l'environnement, alors que le gouvernement canadien défend bec et ongles cette industrie prolifique.

«Au Canada, vous avez la problématique des sables bitumineux. Aux États-Unis, nous avons la question du charbon, a dit le président Obama. Si on peut trouver comment capturer le carbone, ça fera une énorme différence sur notre façon de produire.»

Trop tôt pour une harmonisation

Le président Obama a toutefois admis que les technologies qui pourraient servir à capter et séquestrer le carbone n'étaient toujours pas au point à l'heure actuelle.

Alors que son ministre de l'Environnement parlait la semaine dernière d'un grand système nord-américain intégré de lutte contre les changements climatiques, Stephen Harper a précisé hier qu'il était «trop tôt» pour parler d'une «harmonisation» des politiques canadiennes à celles des Américains.

«Nos observerons avec beaucoup d'intérêt ce que les États-Unis vont faire pour la raison évidente que le Canada a eu beaucoup de difficulté à développer seul un système efficace de régulation dans le contexte d'une économie continentale intégrée», a dit le premier ministre.

Pour les environnementalistes, l'entente entre les deux pays au sujet de l'énergie propre constitue un bien mince progrès.

«C'est intellectuellement malhonnête, a dénoncé Steven Guilbeault, d'Équiterre. On parle de rendre des énergies très polluantes un peu moins sales. Alors de là à dire qu'il s'agit d'énergie propre, je ne pense pas que ce soit honnête.»

Selon lui, la technologie pour capter et séquestrer le carbone ne sera pas prête avant 15 à 20 ans, et il n'a pas encore été prouvé qu'elle sera efficace.

«On sacrifie des investissements dans des technologies qui nous permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre maintenant, comme l'éolien par exemple, pour des solutions à moyen terme», a dit M. Guilbeault, critiquant les politiques des dernières années du gouvernement Harper, ainsi que la décision du premier ministre de se mettre «au neutre» en attendant de voir le plan Obama de lutte contre les changements climatiques.

M. Guilbeault voit tout de même du positif dans l'ouverture d'un dialogue avec les États-Unis et estime que le Canada se fera imposer des normes plus sévères un jour ou l'autre.

Pour Graham Saul, du Réseau action climat, l'entente sur l'énergie propre constitue «le plus petit dénominateur commun» auquel pouvaient arriver les deux dirigeants.

«Ce qui ressort de la rencontre, c'est à quel point les approches sont différentes et à quelle vitesse nous prendrons du retard par rapport aux Américains», a estimé M. Saul.

Alors que tous les groupes environnementaliste ainsi que les partis de l'opposition à Ottawa dénoncent vivement l'utilisation par le gouvernement conservateur de cibles d'intensité, plutôt qu'absolues, le premier ministre Harper a tenté de défendre sa politique, en affirmant qu'il ne s'agit que de méthodes de calcul différentes, qu'on peut convertir et qui donneront des résultats similaires.

«Le premier ministre ne comprend pas qu'il doit abandonner les cibles d'intensité, car elles permettent aux émissions provenant des sables bitumineux de croître dans les prochaines années», a conclu M. Saul.