On attendait une rencontre froide et distante. La grisaille qui s'est abattue sur la capitale nationale fournissait d'ailleurs le décor idéal pour cette mise en scène. On a eu droit au contraire à un réchauffement inattendu entre deux personnalités politiques que peu de gens croyaient compatibles. Sans compter que, durant sept heures, Ottawa a craqué pour Barack.

On les disait aux antipodes. Pourtant, hier, Stephen Harper et Barack Obama se sont évertués à démontrer à quel point ils ont des atomes crochus.

 

Les deux hommes ont voulu donner un nouveau souffle aux relations canado-américaines en concluant une entente sur l'énergie propre, en s'engageant à travailler de concert pour relancer l'économie nord-américaine et à faire la promotion de valeurs communes comme la liberté et la démocratie en misant sur le multilatéralisme.

Cette visite du président américain, sa première à l'étranger depuis son arrivée au pouvoir, a donc permis aux deux leaders de tourner définitivement la page sur les années controversées de George W. Bush.

La rencontre entre MM. Harper et Obama s'est d'ailleurs déroulée sous le signe de la bonne entente, reflétant ainsi le changement de ton promis par le nouvel homme fort de la Maison-Blanche sur le plan diplomatique.

Sur les principaux sujets abordés - la lutte contre les changements climatiques, la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les mesures pour relancer de l'économie, la mission militaire en Afghanistan - les deux leaders étaient sur la même longueur d'onde. Même si, dans la pratique, des divergences subsistent encore entre leurs politiques respectives.

Cette visite représente «un nouveau chapitre de la riche histoire de la relation entre le Canada et les États-Unis», a affirmé d'emblée le premier ministre Stephen Harper en conférence de presse.

«C'est une relation d'alliés, de partenaires, de voisins et d'amis très proches, une relation fondée sur des valeurs communes de liberté, de démocratie et d'égalité des chances. Des valeurs personnifiées par le président lui-même», a-t-il ajouté.

«En tant que voisins, nous sommes si étroitement liés que parfois nous avons tendance à tenir nos relations pour acquises. Mais le succès de notre amitié au cours de l'histoire exige que nous renouvelions et approfondissions notre collaboration au XXIe siècle», a pour sa part affirmé Barack Obama, souriant aux côtés de M. Harper.

Environnement

Dans le dossier de l'environnement, les deux hommes ont annoncé que le Canada et les États-Unis comptent investir respectivement 1 milliard de dollars et 3,4 milliards de dollars US dans la recherche de technologies de capture et de séquestration du carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement de la planète. Ces technologies seront utilisées dans le cas de la production du pétrole à partir des sables bitumineux en Alberta, au Canada, et dans le cas des centrales au charbon, aux États-Unis.

Stephen Harper s'est félicité d'avoir enfin un interlocuteur sérieux aux États-Unis pour lutter contre les changements climatiques. «Dans le passé, le Canada avait des difficultés à se donner un régime de réglementation efficace dans un contexte d'une économie continentale intégrée», a affirmé le premier ministre pour expliquer la lenteur de son gouvernement à agir dans ce dossier.

Barack Obama, qui souhaite un système nord-américain de quotas et d'échanges de carbone, a soutenu qu'il est important de lutter contre les GES, mais qu'il faut y parvenir sans aggraver la crise économique.

«Ce n'est pas uniquement un problème américain ou canadien. C'est un problème mondial auquel nous sommes confrontés», a dit le président, soulignant qu'une action concertée du Canada, des États-Unis et du Mexique permettra de convaincre la Chine et l'Inde de mettre l'épaule à la roue. «C'est un début extraordinaire», a-t-il encore dit au sujet du dialogue lancé avec Ottawa.

Sur la question de la mission en Afghanistan, M. Obama a indiqué ne pas avoir demandé à son hôte de maintenir les 2500 soldats canadiens dans ce pays ravagé par des années de guerre au-delà de 2011, date prévue du retrait des troupes.

M. Obama a reconnu la nécessité d'expédier des renforts en sol afghan. Il vient lui-même d'annoncer l'envoi de 17 000 soldats américains de plus. Mais il s'est contenté de remercier chaleureusement le Canada pour ses efforts militaires déployés jusqu'ici, rendant hommage aux 108 soldats canadiens morts lors de ce conflit. Il a aussi rappelé que l'Afghanistan est le pays qui reçoit la plus grande part de l'aide humanitaire du Canada.

Économie

Sur la question de l'économie, le président Obama s'est de nouveau voulu rassurant au sujet du plan de relance de 787 milliards de dollars US adopté son administration cette semaine. Il a affirmé que la clause dite Buy American de ce plan respectera les règles de l'Organisation mondiale du commerce et de l'ALENA. Cette clause avait suscité des craintes d'une montée du protectionnisme aux États-Unis.

À ce sujet, Stephen Harper a salué les propos du président américain. «Nous nous attendons à ce que les États-Unis respectent leurs obligations internationales. D'après ce que m'a dit le président et ce qu'il a déjà dit publiquement plusieurs fois, c'est ce que les États-Unis vont faire.»

Le premier ministre canadien a profité de la présence des médias américains pour lancer un message sans équivoque aux élus des États-Unis qui seraient tentés de resserrer les mesures de sécurité à la frontière. «Il n'existe pas de menace à la sécurité nationale des États-Unis qui ne représente pas à la fois une menace directe à notre pays. En tant que Canadiens, nous avons tout autant intérêt que les Américains à collaborer et à nous inquiéter quant aux menaces qui pèsent sur le continent nord-américain», a-t-il dit.

Avant de quitter le parlement, à l'issue de cette visite hautement cordiale, le président Obama a pris soin d'indiquer qu'il avait l'intention de revenir au Canada... «Aussitôt qu'il fera plus chaud!»

À lire également: Virage à gauche aux États-Unis, la chronique de Claude Picher en page 1 de La Presse Affaires.