Ils étaient un peu fatigués, un peu refroidis par l'humidité de l'air. Ils étaient visiblement heureux de rembarquer dans le gros autobus confortable et de s'installer pour la randonnée de deux heures les ramenant à Montréal.

Mais aucun, vraiment aucun des quelque 25 Montréalais que La Presse a accompagné aujourd'hui à l'occasion de la visite-éclair de Barack Obama n'a regretté son voyage.-Avez-vous passé un bon moment?, a demandé Ruth Cohen, l'organisatrice de ce voyage aller-retour.

-Oui, ont répondu en coeur les passagers.

-Avez-vous vu le président Obama?

-Oui, ont-ils répété à l'unisson.

Sur le chemin du retour, alors que notre autobus se faisait balloté sur l'autoroute 417, tous les passagers ne parlaient que de cette visite présidentielle qui les a visiblement enchantés. On parlait politique. On spéculait déjà sur le retour du président au Canada. On s'obstinait sur lequel des deux livres écrits par Barack Obama l'avait été en premier.

C'est fou ce qu'une petite apparition de quelques secondes peut provoquer. Car c'est bien ce qui s'est passé. Massé durant des heures sur la colline parlementaire, à bonne distance de l'entrée principale sous la Tour de la Paix, les milliers de personnes, venus des quatre coins du pays pour voir Barack Obama n'auront vu que durant quelques secondes une silhouette leur envoyer la main.

Le manège, survenu une première fois un peu avant midi, à l'arrivée du président, s'est répété, devant beaucoup moins de monde, vers 15h30 en après-midi.

Peu importe, tout le monde a apprécié. C'est le cas de Beatrice Ofosuah, une Ghanéenne arrivée au Canada depuis à peine trois mois. «Je l'ai vu envoyer la main. Puis, une ambulance s'est déplacée devant lui et il a disparu», raconte-t-elle.

Sous son manteau à la fermeture éclair abaissée, Mme Ofosuah portait un chandail rouge avec la tête du président entourée des mots : «Canada welcomes Barack Obama». Dans ses mains, elle tenait deux petits drapeaux, un unifolié et la bannière étoilée. «C'est parce qu'auparavant, je demeurais aux Etats-Unis, dit-elle. Un drapeau pour le Canada et un autre pour les Etats-Unis.»

En matinée, alors que nous roulions en direction d'Ottawa, les passagers de l'autobus ne se faisaient aucune illusion. Pour eux, ce qui était le plus important, c'était d'être sur la colline parlementaire et de joindre la foule pour souhaiter la bienvenue à ce visiteur de marque.

C'est le cas d'Estelle Lacombe, une infirmière à la retraite de 74 ans, toute heureuse de faire partie de cette expédition historique.

«Je me suis attachée à Obama depuis son discours à la convention démocrate de 2004, dit ce petit bout de femme énergique, politisée, aux opinions assurées et portant un macaron du nouveau président épinglé sur sa veste. Depuis ce discours, il n'a pas changé. Sa façon de parler n'a pas changé. J'ai été très ému lorsqu'il a été élu président.»

Elle poursuit : «Je suis allée à Washington le jour de son assermentation, dit-elle. J'étais dans les gradins et je l'ai vu passer avec sa femme ainsi que le vice-président, durant la parade. J'étais super contente. Aujourd'hui, je suis simplement heureuse de me fondre dans la masse qui vient lui souhaiter bienvenue et lui dire que nous l'aimons.»

Macarons, chandails, bannières

Dans l'autobus, plusieurs personnes se connaissaient. Un peu tout le monde jasait avec un mélange de fébrilité et d'émotion. Mme Lacombe allait d'une personne à l'autre pour leur montrer les photos qu'elle avait prisez le 20 janvier dernier, à Washington. Plusieurs portaient des macarons ou des chandails à l'effigie du président.

Présidente de l'association Carrabean Pionnier Women of Canada, Thelma Johnson avait apporté une bannière en carton bricolée mercredi soir chez elle. Sur fond d'un dessin un peu pâle d'un drapeau canadien, on lisait simplement : «Welcome President Obama».

«Cet événement est historique, affirmait cette femme originaire de la Jamaïque à propos de l'élection du premier président noir des Etats-Unis. Je n'aurais jamais pensé que je verrais cela de mon vivant.»

Lorsque notre autobus est arrivé dans le centre-ville d'Ottawa, Mme Johnson a enfoui sa bannière dans un vieux sac du magasin Linen Chest avant de marcher d'un bon pas vers la colline parlementaire. Arrivée aux guérites, des policières lui ont gentiment expliqué que les bannières étaient autorisées mais pas les bâtons en bois pour les tenir. Elle a préféré la laisser à la porte pour s'assurer d'avoir une bonne place.

Lorsque nous l'avons retrouvée en fin de journée, elle était tout aussi joyeuse. Pour ne pas dire en feu car elle était plongée dans une longue conversation avec trois ou quatre autres copines. «J'ai rencontré plein de bonnes gens, aujourd'hui, dit-elle. Des gens d'Ottawa et même du Nigéria. J'ai été très impressionnée de voir les hélicoptères et le cortège de voitures.»

À 17h exactement, notre autobus a dû s'arrêter en bordure de la route, ayant perdu un pneu. Le voyage de retour s'annonçait plus long que prévu. Mais personne n'a perdu sa bonne humeur. Et le chauffeur a été chaudement applaudi pour sa conduite qui, selon certains, nous permis d'éviter un accident. Comme dirait l'autre : Yes, we can...