Les sept chantiers lancés par l'administration municipale à la suite des émeutes de Montréal- Nord seraient-ils en train de tourner à l'eau de vaisselle? Un bilan des travaux, présenté aux organismes communautaires tout juste avant Noël, a suscité la colère de nombreux groupes, qui estiment que le document ne reflète pas ce qui s'est dit dans les groupes de discussion auxquels près de 500 personnes ont participé durant l'automne.

Le plan d'action 2009-2011 de l'organisme Montréal-Nord en santé, une table de concertation chargée de gérer les changements dans le quartier, que La Presse a obtenu, a suscité des commentaires très vifs de la part de plusieurs organismes présents à la réunion du 18 décembre. Quelque 80 personnes assistaient à la rencontre.

 

« Il n'y a aucun positionnement de fond sur la lutte contre la pauvreté. Or, c'est le fond du problème. Tout en découle «, s 'insurge Suzanne Décarie, directrice du Carrefour Jeunesse Emploi du quartier. Un exemple ? Le mot «pauvreté» ne figure pas une seule fois dans le document de 23 pages. «C'est une erreur», convient Jean-Pierre Beauchamp, coordonnateur de Montréal-Nord en santé. Et ce sera corrigé dans la future version du document, promet-il.

«On a trouvé que c'était très dilué par rapport à ce qui s'est dit dans les chantiers. C'est comme si on avait revisité tout ce qui s'est dit dans ces réunions «, ajoute Mme Décarie.

«Plusieurs personnes ont fait des représentations pour dire qu'elles n'étaient pas satisfaites du tout. C'est comme s'ils avaient noyé le poisson. Ça n'a pas de maudit bon sens», renchérit le directeur d'un autre organisme, qui a préféré ne pas être nommé. Plusieurs autres organismes ont manifesté leur mécontentement, pendant ou après la séance du 18 décembre, souligne-t-il.

« Certaines personnes ne retrouvaient pas les termes évoqués dans les chantiers lors de la réunion «, admet prudemment Céline Grenier, porteparole de l'arrondissement de Montréal-Nord.

Suzanne Décarie estime que ces silences incombent justement, en partie, à l'administration municipale, qui contrôle actuellement la table Montréal-Nord en santé. «Il doit y avoir du politique là-dedans. À Montréal-Nord, on ne veut pas nommer les choses pour ne pas entacher l'image de l'arrondissement. Mais ce n'est pas en niant les problèmes qu'on va les régler «, dit-elle. «Ici , on a une mentalité : on veut pas de chicane. On ne nomme pas les choses. Il faut arrêter de se protéger.»

«Tout était contrôlé dans ce processus-là», renchérit une autre source.»

Constats généraux et phrases vagues

De fait, le plan d'action 2009-2011 s'en tient à une série de constats généraux. «La communauté de Montréal-Nord doit miser sur sa jeunesse «, annonce-t-on d'entrée de jeu. Les phrases vagues sont légion. «Parallèlement à ces travaux, le partenariat verra à déterminer, avec les organismes locaux et les bailleurs de fonds appropriés, les mécanismes à concevoir et les ressources à mobiliser pour approfondir les différents axes d'intervention mentionnés précédemment et pour en assurer un suivi dans le cadre d'une stratégie jeunesse et famille permanente «, peut-on lire à la page 7.

Très peu d'actions concrètes sont proposées dans le document. Sur la délicate question des relations entre la police et les citoyens, on indique notamment: «Le rétablissement des liens de confiance entre les services policiers et la population de Montréal-Nord constitue une priorité immédiate et absolue. Des gestes précis ont déjà été amorcés et devront se poursuivre en 2009. « Et on ajoute: «À plus long terme, la grande priorité en matière de promotion de la paix et de la sécurité consiste à proposer à tous les jeunes un modèle d'intégration stimulant et valorisant qui offre une alternative crédible et sérieuse, à leurs yeux, aux modèles proposés par les groupes criminalisés.»

Proposition concrète? La création d'une «table prévention, paix et sécurité de Montréal-Nord».

Dans la section «un milieu de vie de qualité «, on propose de créer, dans le secteur sensible du nord-est, un «vaste campus d'équipements collectifs « en profitant de la présence de six écoles. «Ce projet de campus, souligne-t-on, ne doit pas se résumer à un seul concept d'aménagement et se limiter aux modèles traditionnels de gestion du domaine public. Il doit être une vaste opération de mobilisation des élèves et des étudiants et de participation des citoyens.»

Jean-Pierre Beauchamp, coordonnateur de Montréal-Nord en santé, plaide qu'il s'agit davantage d'un document d'orientation que d'un plan d'action. De toute façon, le document sera remanié, assure-t-il. «C'était un document préliminaire, aux fins de discussion. Corrigeons-le!» dit-il. La prochaine version sera présentée dès la fin janvier et la version définitive en mars. M. Beauchamp tient également à ce qu'un résumé précis de tout ce qui s'est dit dans les chantiers soit rendu public dans les prochains mois.