Au Québec, la femme qui accouche est considérée la mère légale de l'enfant. Mais qu'est-ce qu'une mère? La réalité a peu à voir avec les gènes. Julie, par exemple, sera la mère génétique de son enfant, mais ne sera pas reconnue comme la mère légale, puisque le bébé sera porté par une mère porteuse. Caroline, elle, a accouché d'un enfant qui n'est pas génétiquement le sien, mais dont elle est la mère légale. Portraits de paradoxes.

La quarantaine entamée, avec des trompes ligaturées de surcroît, les chances de Caroline Pageau de tomber enceinte de nouveau étaient nulles. Pourtant, c'est arrivé. Sa fille est maintenant âgée de presque 8 mois et hurle au loin dans les bras de son papa. «Les dents», s'excuse presque la nouvelle maman.

 

La petite Sandrine ressemble à son papa. Et à sa maman? Impossible. Caroline a beau avoir été enceinte jusqu'aux oreilles et accouché à terme de son troisième bébé, sa fille n'est pas la «sienne». Précision: Sandrine est légalement sa fille, et Caroline la chérit autant que ses deux autres enfants. Sandrine n'a cependant aucun gène en commun avec sa maman.

Lorsque Caroline et son nouveau conjoint ont voulu avoir un enfant, ils ont inévitablement eu recours à une clinique de fertilité. Les médecins ont d'abord tenté une fécondation in vitro avec un ovule de Caroline. «Mais à 43 ans, mes ovules n'étaient plus très bons, ça n'a pas marché.»

Ils devaient donc avoir recours au don d'ovules. Au Québec, le don d'ovules a beau être anonyme et gratuit, la procédure, plus complexe que pour un don de sperme, rend les cellules féminines difficiles à trouver. À la clinique, le temps d'attente était de six mois. «Et le temps pressait pour nous.»

Une semaine à Chypre

Ils ont alors pris connaissance d'une agence internationale qui propose des forfaits d'insémination dans l'une de leurs cliniques et un accès à une banque de donneuses. Prix: 15 000$, ou 20 000$ pour avoir l'exclusivité des ovules d'une donneuse.

Il leur était même possible de «magasiner» la donneuse pour choisir, dans le catalogue de photographies et de descriptions, celle qui serait l'élue. Ce que Caroline a refusé de faire. «Je ne voulais pas voir de photos. J'avais l'impression que je resterais avec cette image-là en tête quand ma fille naîtrait.» À la place, elle a envoyé à l'agence sa propre photo et leur a fait confiance pour trouver une donneuse qui aurait environ la même taille, la même couleur d'yeux et de cheveux qu'elle.

L'agence a des cliniques notamment aux États-Unis, en Inde, en République dominicaine, en Europe de l'Est (Pologne, Ukraine, Roumanie) et à Chypre. C'est dans cette dernière clinique que Caroline a été conviée pour recevoir l'ovule de la donneuse, qui a été fécondé avec les spermatozoïdes de son conjoint. Son séjour là-bas a duré une semaine. En tout, du début des démarches jusqu'au transfert de l'embryon, il s'est passé à peine deux mois.

Et neuf mois plus tard, Sandrine est née. Parce qu'elle l'a portée et a accouché d'elle, Caroline en est considérée comme la mère. Une maman comblée.

Un discours d'une autre planète

«J'entends les gens qui parlent de commercialisation du corps de la femme, dit-elle. Mais pour moi, c'est comme un discours qui vient d'une autre planète. Si je pouvais donner des ovules, je ne me sentirais pas exploitée.»