La semaine qui vient de se terminer a été historique à Ottawa et le Bloc québécois y a joué un rôle central. L'alliance de Gilles Duceppe avec le parti de Stéphane Dion a soulevé les passions, partout au pays. Bilan, avec le principal intéressé, des sept jours qui ont secoué la Chambre des communes.

Q Grosse semaine, M. Duceppe?

R Oui. Une bonne.

Q La plus grosse que vous ayez vécue à Ottawa?

 

R On en a eu des grosses, dans le temps du référendum, de Charlottetown, du projet de loi C-20 sur la clarté. Mais c'en est une bonne, ça c'est sûr.

Q Est-ce que le Bloc sort gagnant de cette semaine chargée?

R Ma principale préoccupation, dans cette crise, est de présenter des propositions pour relancer l'économie. C'est pour ça qu'on avait présenté un plan de relance avant même que n'éclate cette crise. On ne s'attendait absolument pas à ce que Jim Flaherty nous arrive avec un énoncé de la sorte. La semaine précédente, j'étais prêt à gager qu'il n'y aurait jamais de coalition à Ottawa! J'avais été reconduire mon petit-fils à son cours de musique et certains parents me parlaient d'une coalition. Je leur avais dit: voyons donc, ça n'a pas de bon sens. Harper, tout conservateur qu'il soit, va intervenir d'une façon ou d'une autre. Une chance que je n'ai pas gagé: j'aurais perdu pas mal!

Q Mais comment l'économie a-t-elle été servie par la tourmente politique de cette semaine?

R Elle a été mal servie. Le devoir de M. Harper, ce n'est pas de tenter d'écraser les libéraux. M. Harper, c'est un gars rationnel, mais il est tellement aveuglé par sa hantise des libéraux, que ça peut le porter à prendre des décisions irrationnelles. C'est exactement ce qui est arrivé. Il s'est dit: ils n'ont pas de chef, pas d'argent, on va les coincer. Il a gamblé et il a mal gamblé. Alors qu'il avait des choses à faire! Regardez les chiffres sur le chômage aux États-Unis, ce matin: c'est horrible. La vraie économie rejoint la crise financière. Si les gens sont en chômage, ils ne pourront plus payer leur hypothèque.

Q Mais si la coalition avait renversé M. Harper, ça aurait quand même été un gouvernement fragile. Ça aurait vraiment servi l'économie?

R Oui, parce qu'on avait un plan de sortie de crise immédiat. Cette semaine, la semaine prochaine, il y aurait eu des mesures. Exemple: prendre 2 milliards dans la caisse de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Ils en ont 8 de surplus. Avec ça, on pourrait lancer un vaste programme de logements abordables. Ça fait travailler le monde dans la construction. Et en plus, ça répond à un besoin social.

Q Est-ce que ça a été un cas de conscience pour vous de vous allier à Stéphane Dion?

R La conscience, c'est de se dire: quelles sont mes responsabilités et est-ce que je les assume? Les choix, c'était quoi? Appuyer Harper avec son énoncé économique? Est-ce que c'est ça que les Québécois voulaient? Ma réponse, c'est non. Lancer les Québécois et les Canadiens en élections en pleine élections québécoises? Ma réponse, c'est non. Je ne choisis pas les chefs des autres partis. Mais je peux choisir ce sur quoi on s'entend. Et M. Dion est là au maximum pour cinq mois.

Q Quand même, certains souverainistes ont été choqués, stupéfaits, de vous voir devenir l'allié de Stéphane Dion. Qu'est-ce que vous dites à ces gens-là?

R Mathieu Bock-Côté? Qui était au Bloc auparavant et qui avait signé un texte où il s'inspirait des collaborateurs du maréchal Pétain? Ça ne me dérange pas du tout. J'ai souvent dit qu'il y a des rednecks au Canada, mais il y a aussi des «cous bleus» au Québec. Il faut être responsable. Mais quand Landry, Lisée, Larose, Michaud, Parizeau, Marois, quand 77% des voteurs bloquistes sont de votre bord et que de l'autre côté de la balance, il y a Mathieu Bock-Côté...

Q Et Jacques Brassard.

R Ah oui! M. Brassard. Je ne peux pas faire l'unanimité. Mais je trouve qu'avec ceux que je vous ai nommés, je suis plutôt en business pour parler latin.

Q Et votre caucus est derrière vous?

R Tout le caucus. Certains ont même trouvé qu'on était trop mous avec les conservateurs, suite aux insultes qu'on nous a lancées en Chambre et que Harper a laissé passer. C'est horrible ce qui s'est passé cette semaine. On nous a traités de bande de babouins, de bande d'idiots. On a entendu le mot frog de la bouche des députés conservateurs. Et des Québécois qui siègent comme conservateurs ont accepté ça de leurs collègues sans mot dire? C'est épouvantable.

Q Mais soyons réalistes, M. Duceppe. Ce courant de separatist bashing, ça va vous aider, non?

R Je ne vise pas à faire la souveraineté par ressentiment. Je suis, dans le mouvement souverainiste, celui qui a établi de bons liens avec le reste du Canada. J'ai parlé devant 3000 personnes à Ottawa hier, en majorité Canadians. Le Globe and Mail a eu de bons mots pour nous. Plusieurs personnes au Canada se lèvent pour dire qu'ils sont d'accord avec nous, contrairement à ce qui se passait à l'époque de Meech.

Q Est-ce que cette tourmente politique à Ottawa a nui à la campagne du Parti québécois?

R Je ne pense pas. On verra les résultats lundi avant de commenter. M. Charest est intervenu plus souvent dans la campagne fédérale pour défendre le Québec qu'il ne l'a fait dans sa propre campagne. C'est significatif. Mme Marois s'est tenue debout. Quant à Mario Dumont, il a dit une chose et son contraire, ce qui fait de lui un André Arthur de l'Assemblée nationale. Il méritera ce qui lui arrivera.

Q Si Mme Marois n'obtient pas un bon score lundi et qu'elle quitte son poste, allez-vous être candidat à la direction du PQ?

R Pauline Marois va bien faire et restera chef. Je me suis engagé à diriger le Bloc à la prochaine élection, qui pourrait survenir très rapidement.

Q C'est quoi un bon résultat pour le PQ?

R Je ne commente pas ça d'avance. Je suis comme Yogi Berra: je ne fais pas de prédictions, surtout celle concernant l'avenir!