"Les Québécois sont assez actifs, mais juste l'été. L'hiver, ils ont tellement peur de geler qu'ils s'encabanent. Comme médecin, tu comprends vite: quand tu demandes à ton patient supposément très actif à quel genre d'exercice il s'adonne et qu'il te dit: "vélo, marche, jardinage", tu traduis: de la fin septembre à la fin mai, il est sédentaire... Mais on ne vit pas dans le verglas à l'année, que diable! Alors habillez-vous et allez marcher!"

Pour le Dr Louis Drouin, responsable de l'unité santé au travail-santé environmentale à la Direction de la santé publique, il ne faut surtout pas envisager l'hiver comme une période d'hibernation. Si on excepte les quelques jours de froid glacial avoisinant les -30ºC ou la possible vague de verglas, l'hiver se prête fort bien à l'activité physique, à la condition d'être bien préparé, bien chaussé et bien habillé...

Sport par excellence, le ski de fond permet de garder le coeur en forme tout en sollicitant les muscles de façon très équilibrée. "C'est une activité en or, très complète, insiste le Dr Croteau. Il y a des pistes partout au Québec, des groupes qui offrent des sorties, ça permet d'être en contact avec la nature." Moins pratiquée mais tout aussi valable, la raquette lui arrache quasiment autant d'enthousiasme: "Ce sport reprend beaucoup de popularité et on ouvre de plus en plus de sentiers qui lui sont réservés. Avec les raquettes plus minces et en aluminium, le sport s'est démocratisé, et en devenant plus facile, il s'est ouvert à plus de participants."

Un bémol sur le ski alpin

Pour le ski alpin, le Dr Croteau se fait beaucoup plus réservé: "Ce n'est pas l'idéal pour M. et Mme Tout-le-monde. Pour le coeur, c'est loin de valoir le ski de fond ou la raquette. Et puis, pratiqué comme trop le font, c'est carrément dangereux. On oublie qu'il faut se préparer par des exercices appropriés pour sa saison de ski alpin. Nombreux sont ceux qui ont stoppé toute activité physique avec la rentrée scolaire, qui montent sur leurs planches pour la première fois le 26 ou 27 décembre et qui se trouvent bien malchanceux de se blesser... "

Le patinage offre une solution intéressante. Évitez toutefois les cours d'eau s'ils ne sont pas complètement gelés. Par contre, le hockey et le ballon sur glace, plus exigeants et où les risques de collision et d'accident sont directement proportionnels à l'enthousiasme débridé des participants, le peu d'encadrement (des petites parties en famille par exemple) et l'équipement parfois déficient, ne s'adressent pas nécessairement à tout le monde. Égaré dans une équipe de joueurs un peu plus jeunes, un babyboomer pourra découvrir qu'il tire la langue plus que prévu...

Pour la glissade, n'oubliez pas le casque protecteur, rappelle Santé-Canada et choisissez une pente loin des routes et des stationnements (sic!).

Apprenez aux enfants à quitter rapidement le milieu de la pente, lorsqu'ils arrivent en bas, et à remonter seulement sur les côtés tout en surveillant la pente. Évidemment, le casque protecteur est aussi de rigueur pour le patinage, le hockey ou le ballon sur glace.

Choisissez votre activité en fonction de vos goûts (sinon vous lâcherez bien vite) mais aussi de votre forme physique: "Plus on vieillit, moins on s'intéresse à l'intensité pour privilégier la durée et la souplesse", rappelle le Dr Croteau.

Une seule constante doit vous préoccuper: bouger. "Si on redevient sédentaire aussitôt l'automne venu, les facteurs de risque reviennent rapidement, souligne le médecin. Les artères s'encrassent, les articulations s'ankylosent, les muscles s'atrophient, la tension monte..."

Pour les sports comme pour la marche, surtout sachez vous habiller, par pelures idéalement, car ça conserve mieux la chaleur sans compter qu'on peut toujours enlever ou mettre une couche pour s'adapter. Conservez aussi à l'esprit que la chaleur s'échappe principalement par la tête et le cou et ne négligez pas les extrémités, plus vulnérables au froid et aux engelures: donc, de bonnes chaussettes et idéalement, des mitaines plutôt que des gants: "Si les vêtements ne sont pas adaptés, c'est assez pour haïr ce qu'on fait", estime le Dr Croteau.

À la Direction de la santé publique, le Dr Hélène Bélanger-Bonneau, spécialiste en médecine communautaire, espère que les manufacturiers de bottes trouveront enfin un produit qui saura plaire aux adolescents qui préfèrent, trop souvent, passer l'hiver en souliers de course, plus "cool" mais extrêmement perméables et conçus à merveille pour que des pieds se transforment en blocs de glace. À défaut de concepteurs inventifs, on compte sur des parents persuasifs... Si vous avez des bouts de chou, n'oubliez pas de les habiller suffisamment... surtout s'il ne bougent pas encore beaucoup. À cause du risque d'étouffement, enlevez les cordes et cordons des vêtements de vos enfants et utilisez un cache-cou plutôt qu'un foulard.

Chez les petits ou les plus grands, guettez aussi le moindre signe d'engelure aux oreilles, nez, joues. Les plaques blanches caractéristiques sont beaucoup plus évidentes à détecter sur une autre personne. Quant à vous-même, le principe est simple: si ça fait mal, il est temps de rentrer ou de vous protéger. Si ça ne fait plus mal, il est déjà un peu ou beaucoup trop tard...

Pas d'alcool

On ne le dira jamais assez: non, le p'tit verre de caribou au carnaval ou tout autre type d'alcool n'aident pas à combattre le froid. Au contraire, ça dilate les vaisseaux sanguins alors que le corps a déjà toutes les misères du monde à conserver son noyau central bien au chaud et cela favorise ainsi l'hypothermie. La personne devient alors de plus en plus apathique. Si le noyau central est menacé, le sang affluera vers les organes vitaux pour les préserver, délaissant les extrémités, jugées moins essentielles... On vous laisse imaginer le reste.

Pour le Dr Croteau, le principe est assez simple: "Si tu veux te réchauffer un peu le 2e étage, c'est bien correct, mais attends d'arriver au chalet..."

Eau et crème solaire comme en été

"L'hydratation en hiver est grandement sous-estimée, dit le Dr Croteau. Le corps humain marche à l'eau comme un moteur marche à l'essence. Si on ne boit pas, on risque l'hypothermie, la fatigue et les blessures. Pourtant, comme il ne fait pas chaud, les gens n'ont pas ce réflexe." En faisant de l'exercice, on devrait consommer 250 ml chaque demi-heure.

Le Dr Bélanger-Bonneau rappelle pour sa part que la crème solaire pour le visage s'avère une nécessité, surtout en février et mars, quand les rayons du soleil se font plus intenses et la réflection sur la neige plus redoutable.

Avant de vous adonner à l'activité physique, mangez mais pas trop et idéalement, des hydrates de carbone.

Asthmatiques, prenez vos précautions

Le froid peut s'avérer très irritant pour les personnes qui souffrent d'asthme au froid ou d'hyperactivité bronchique. Un foulard devant la bouche et le nez peut toutefois faire office d'échangeur d'air assez efficace et permettre à l'air inspiré de se réchauffer un peu avant d'atteindre les bronches. En cas d'exercice ou d'exposition au froid, il faut y aller de façon très progressive. Par froid intense, surtout s'il vente, les personnes les plus vulnérables devraient idéalement s'abstenir d'aller dehors ou minimalement chercher à se protéger du vent.

Chutes

Sur 100 chutes chez les personnes de 55 ans et plus, 40 % ont lieu à l'extérieur et dans l'immense majorité des cas sur le trottoir ou la chaussée, déclare le Dr Bélanger-Bonneau, qui a dirigé une étude sur le sujet en 1996. Si les chutes sont plus tragiques dans cette tranche d'âge, c'est que les conséquences physiques et psychologiques peuvent être considérables. Si les os, plus fragiles, résistent moins bien, l'ego lui aussi sort parfois amoché. Une fracture de la hanche par exemple peut conduire à une perte d'autonomie, mais une chute peut aussi amener une personne à se confiner à l'intérieur pendant des mois pour éviter le moindre risque.

Selon Mme Bélanger-Bonneau, il suffirait bien souvent aux personnes à risque de surveiller les conditions climatiques et d'éviter par exemple les jours de verglas et de tempête pour minimiser les risques sans pour autant sabrer leur qualité de vie. Elle souhaiterait aussi que les autorités municipales soient plus sensibles aux risques de chute et que l'épandage d'abrasifs soit effectué en priorité autour des résidences pour personnes âgées, des CLSC, hôpitaux, cliniques...

Le Dr Drouin rappelle pour sa part qu'il serait beaucoup plus logique de faire appel à des professionnels pour déglacer le toit. Des accidents tragiques peuvent ainsi être évités.

Vaccin antigrippal

Il est encore temps pour les personnes à risques (personnes âgées, immuno-déficientes ou souffrant de maladies cardiovasculaires) de recevoir le vaccin antigrippal. Blaise Lefebvre, de la section maladies infectieuses de la direction de la Santé publique, suggère fortement de procéder avant le temps des Fêtes, favorable aux rassemblements, aux p'tits becs et à la propagation du virus.

PELLETAGE: ON Y VA MOLLO

LA MENTALITÉ DU Québécois pelleteur pourrait passer pour une bizarrerie anthropologique, estime le Dr François Croteau, omnipraticien et médecin sportif: "Quand tu commences à pelleter, faut que tu finisses au plus vite, semblent se dire nos pelleteurs. Pis, après, tu pourras retourner t'asseoir dans la maison à ne rien faire..."

Le Dr Croteau et son collègue le Dr Louis Drouin, responsable de l'unité Santé au travail-santé environmentale à la Direction de la santé publique, sont catégoriques: "Le pelletage constitue une activité violente où l'on soulève des charges à répétition."

"Le Québécois ne sait pas pelleter, déclare sans ambages le Dr Croteau. En levant la charge, il retient son souffle et automatiquement, la tension artérielle s'élève, ce qui crée une surcharge sur le muscle cardiaque. Il faudrait au contraire expirer en levant la charge."

"Souvent, les gens ignorent qu'ils sont porteurs d'angine, d'insuffisance coronarienne ou de faiblesses au dos qui peuvent entraîner des lombalgies chroniques, reprend son collègue, le Dr Drouin. Avant de pelleter, il faut s'assurer d'être en bonne condition physique. Sinon, c'est à l'hôpital qu'on risque de retrouver bien des baby-boomers..."

Fumeurs, diabétiques, hypertendus et obèses sont particulièrement à risque de défaillances cardiaques.

Si vous tenez à pelleter, des conseils de base peuvent tout de même diminuer les risques:

- rappelez-vous que ce n'est pas un concours; alors allez-y progressivement et prenez des moments de repos. Vous n'impressionnerez personne si on vous sort de votre entrée sur une civière;

- expirez en soulevant la charge;

- si possible, poussez la neige plutôt que de la soulever;

- prenez une pelle plus petite et dont le manche est plus court pour éviter que l'effet de levier ne joue contre vous;

- tenez compte de la nature de la neige; s'il s'agit d'une neige mouillée et collante, réduisez votre charge et prenez plutôt des petites pelletées.

- si vous ressentez des douleurs thoraciques à l'effort, consultez le médecin.

LA GRANDE FORME À L'INTÉRIEUR

VOUS ÊTES COMPLÈTEMENT réfractaire au froid, vous avez l'hiver en horreur et ne rêvez que de la Floride et du mois de juillet pendant que le voisin installe ses décorations de Noël sur son balcon?

Ce n'est pas une raison pour vous écraser dans le sofa et regarder la télé en hibernant jusqu'à la fin mai, estime le Dr François Croteau, omnipraticien et médecin sportif.

Craignant les chutes ou le froid, de plus en plus de personnes s'organisent en club de marche ou décident de trotter allègrement en solitaire ou en duo dans tous les grands espaces intérieurs de la ville, qu'il s'agisse de centres commerciaux ou des chemins souterrains du centre-ville, de la Place Ville-Marie à la Gare Centrale en passant par le Complexe Desjardins.

Plusieurs centres sportifs et gymnases (qu'il s'agisse du YMCA, d'un Nautilus, du Stade olympique, du club de tennis ou du centre Claude-Robillard) offrent une foule d'activités physiques à faire dans une belle petite atmosphère tempérée tandis que le mercure plonge au-dehors. Vous pouvez aussi créer une illusion estivale en jouant au tennis ou en allant nager: "C'est moins bon pour le cardiovasculaire que le ski de fond, estime le Dr Croteau, mais ça travaille la souplesse et le risque de blessure est à peu près nul."

Si l'idée même de mettre le nez dehors vous rebute et que vous n'avez pas les moyens d'acheter un tapis roulant ou encore mieux et plus complet, un rameur ou un simulateur de ski de fond, d'accord, restez quand même chez vous mais trouvez malgré tout le moyen de bouger: en montant et en descendant les marches s'il y en a, en transformant des bouteilles d'eau de source en haltères-maison, en retrouvant votre ergocycle: "Tout le monde en a un, dit le Dr Croteau. Dans le garde-robes, chez sa fille, dans le garage..."

Pour éloigner la tentation de lâcher et rendre l'exercice moins rébarbatif, on devrait installer la bicyclette d'exercice devant la télé, conseille le médecin. Puis en riant, il ajoute: "Je rêve de la télé qui marcherait seulement si on pédale. Je vous assure qu'on aurait du monde en santé au Québec!"

L'AIR INTÉRIEUR PEUT ÊTRE MALSAIN

L'INTÉRIEUR EST LOIN d'être le refuge douillet et sans danger que l'on s'imagine. On oublie trop souvent que l'air intérieur peut aussi constituer une menace, s'il est malsain.

Responsable de l'unité Santé au travail-santé environmentale à la Direction de la Santé publique, le Dr Louis Drouin estime que la combinaison humidité excessive-moississures amène bien souvent une exacerbation des symptômes allergiques comme les crises d'asthme et les problèmes respiratoires: "De nombreux logements montréalais sont mal entretenus, mal ventilés, sujets à des dégâts d'eau chronique, dit-il. S'il n'y a pas de système d'évacuation dans les salles de bains par exemple, il faut ouvrir les fenêtres pour évacuer l'humidité."

Outre les problèmes respiratoires, certaines moississures, qui génèrent des toxines, peuvent entraîner des maux de tête, des nausées et des vomissements et même affecter le système immunitaire et entraîner des grippes et des rhumes à répétition par exemple.

Il est important, précise le spécialiste en santé communautaire, de maintenir le taux d'humidité en bas de 60 % l'hiver, d'éliminer toute infiltration d'eau chronique et d'ouvrir les fenêtres régulièrement si l'édifice ou le logement n'est pas bien ventilé. La salle de bains, la cuisine et la sécheuse représentent les plus grands producteurs d'humidité et il importe d'éliminer l'humidité excessive qui y est produite si on veut éviter la propagation des moisissures et des acariens. La Direction de la santé publique songe d'ailleurs à faire enquête sur les problèmes d'humidité et de moisissures dans les logements, qui constituent la moitié des plaintes concernant leur salubrité.

L'amélioration dans l'hermétisme des fenêtres n'a pas apporté que des avantages: "Locataires et propriétaires ne paient peut-être pas cher de chauffage, mais le problème, c'est que les polluants augmentent dans l'air ambiant. Il n'y a pas assez de circulation d'air", déclare le Dr Drouin.

À l'inverse, le chauffage électrique peut amener une sécheresse excessive et causer, là encore, certains problèmes respiratoires. La nuit, il suffirait parfois de baisser un peu le chauffage pour permettre à l'humidité de reprendre un peu le dessus, estime le Dr François Croteau, omnipraticien.

Attention aux feux de foyer

Si vous avez un foyer ou un poêle à bois, assurez-vous que la cheminée est bien entretenue et utilisez seulement du bois dur sec, conseille le Dr Drouin. Évitez de faire un feu lorsqu'il fait très froid et qu'il n'y a pas de vent, car ces conditions climatologiques favorisent la stagnation des contaminants. Surtout, ne brûlez ni contaminants, ni bois traité, peinturé ou vernis et encore moins des déchets dans le foyer.

Arénas sous surveillance

Il y a trois ans, des malaises éprouvés par de jeunes joueurs de hockey ont amené la Direction de la santé publique à enquêter sur la qualité de l'air des arénas. Le résultat fut désolant: les trois quarts des arénas ne respectaient pas les critères de 20 portions de monoxyde de carbone par million (ppm) ou de 0,5 ppm de dioxyde d'azote. "On a insisté pour qu'on installe une meilleure ventilation et qu'on assure un meilleur entretien des Zamboni qui peuvent générer des gaz toxiques."

Un an plus tard, la proportion des délinquants était passée à 20 %, puis l'an dernier, à une poignée, trois ou quatre à peine. Le Dr Drouin estime toutefois que les parents doivent se montrer vigilants, car le mauvais pli se prend vite...