Il y a deux semaines, après la tempête du 3 décembre, Normand Racine a vu arriver un peu plus de cas d'infarctus que d'habitude aux urgences de l'Institut de cardiologie de Montréal. Trois d'entre eux étaient manifestement liés à l'enlèvement de la neige.

"À chaque grosse tempête, on voit arriver des gens qui ne savent pas qu'ils sont cardiaques, qui ont souvent plusieurs facteurs de risque, mais qui ne sont pas suivis par un médecin", explique le cardiologue montréalais. "Ce matin (hier), je n'en ai pas encore vu, parce que la clientèle à risque n'a pas encore commencé à pelleter. D'habitude, ça survient entre 24 heures et 72 heures après la tempête."

À la fin des années 70, quand les cardiologues ont commencé à se pencher sur le pelletage, des études ont montré que les grosses tempêtes augmentent d'un peu moins de 10% la mortalité générale, et de 20% la mortalité cardiaque. Plus récemment, en 2003, un cardiologue du Michigan a rapporté une augmentation de 13% de la mortalité cardiaque après deux grosses tempêtes.

"Les gens sont plus au courant qu'ils doivent faire attention", explique Barry Franklin, cardiologue du Michigan, qui affirme être celui qui a fait le plus d'études au monde sur la question. "Mais il y a davantage de personnes âgées qu'avant. Et de toute façon, faire de l'exercice physique par temps très froid n'est jamais une bonne idée. J'ai même vu des gens mourir d'un infarctus en passant leur souffleuse."

En 1995, le Dr Franklin a mesuré l'intensité de l'effort demandé par le pelletage. Après deux minutes, le rythme cardiaque moyen des 10 cobayes atteignait 154 battements par minute, et après 10 minutes, 173. Une étude finlandaise a récemment constaté que les pelles qui poussent la neige ne sont pas moins fatigantes pour le coeur.

"C'est très élevé, estime le Dr Racine. Ça dépasse 100% du maximum pour une personne de 55 ans et plus, alors qu'on recommande de ne pas dépasser 80%."

Le pelletage est traître parce qu'il s'agit d'un effort "statique" insoupçonné, selon Magdi Sami, professeur de cardiologie à l'Université McGill. "Les efforts statiques, par exemple lever des haltères, causent plus de stress cardiaque que les efforts dynamiques, par exemple marcher, dit le Dr Magdi Sami. Combinez cela au froid, qui diminue le diamètre des vaisseaux sanguins, et vous avez une recette parfaite pour l'infarctus."