Dynamiques, polyvalents, un brin insolents. En un mot : jeunes ! Ces trois figures de proue de notre restauration majeure ont ceci en commun qu'ils dirigent des restaurants populaires, importants et surtout très très bons. Quand on fait un repas chez ces gens-là, on sent qu'il se passe vraiment quelque chose dans la restauration montréalaise. Quelque chose de bien!

Ils ont 30 ans et moins, ils ont tous fait des stages dans des grandes maisons françaises, britanniques ou américaines ; certains sont voués à leur famille, d'autres aux voyages, mais ces jeunes chefs de la relève travaillent des cuisines farouchement modernes, décomplexées, et souvent ludiques, exactement à l'image du monde dans lequel ils vivent !

En cuisine, la relève a du «guts», presque de l'effronterie tant elle a de l'assurance. Une assurance que ces chefs permutent souvent en malicieuses compositions, qui réinventent tous les genres, qui exploitent toute les technologies, font usage de tous les produits de la terre sans discrimination. Mais il n'y a pas que ça. Ils arrivent au travail à vélo ou en skateboard, ont des tatouages et des parties du corps percés, ont des principes éco-conscients et ils ne tolèrent pas la médiocrité, pour laquelle ils n'ont aucune patience. Ils ont bien raison du reste. Et surtout, surtout, ils ont de l'ambition. Cette génération fait des vagues et ça promet pour un avenir gastronomique brillant.

Marc-André Jetté

Restaurant Newtown

1476, rue Crescent

514-284-6555Du haut de ses 27 ans, on sent une détermination d'enfer. Marc-André Jetté est une comète de la restauration montréalaise. Ses passages au Decca 77, à l'Épicier, au Leméac et dernièrement au Laloux ont fait de vraies étincelles, laissé des traces inaltérables. Depuis quelques temps, il a pris les rennes du vaisseau amiral de la rue Crescent, le Newtown, avec son ami Patrice Demers. Et on se dit que le centre-ville n'a qu'à bien se tenir. Surtout les voisins du Newtown, habitués à trop de lieux communs, à trop de facilité à des prix trop élevés pour des cuisines plus que moyennes. Arrivent Jetté et Patrice Demers, et les choses ne seront probablement plus jamais les mêmes. Tant mieux. Sa cuisine ? En un mot, flamboyante !

Inspiration

«Daren Bergeron, le chef du Decca 77, parce qu'il vient d'une petite ville comme moi et qu'il était autrefois un jeune étourdi mais qui aimait travailler. En sortant de sa petite campagne, il s'est hissé et a réussi dans ses projets. À cause de son courage et de sa détermination, c'est lui qui m'a le plus inspiré. Il avait une vraie vision.»

L'avenir

«Quand je suis allé au Danemark récemment, j'ai compris que la cuisine montréalaise avait véritablement une identité, qu'on est en train de définir peu à peu et qui n'est plus exclusivement franco-française. Même si nos clients ont parfois de la difficulté à nous suivre, nous avons accès à des produits de plus en plus spécifiques à notre climat et à notre environnement. Et c'est ça que les chefs travaillent de plus en plus et de mieux en mieux.

Photo: Alain Roberge, La Presse

Marc-André Jetté.

Cynthia Moreau

Restaurant Laurie Raphaël (Montréal),

2050, rue Mansfield

514-985-6072La voix est douce, le tempérament d'apparence calme. Or, attention ! Cynthia Moreau a une volonté intense. Et une poigne faite d'intelligence et de sensibilité. Elle avait envie de travailler avec les enfants... ou les dauphins, envie de voyager en Californie (pour les dauphins) et en Australie (où elle a vécu un moment et travaillé aux côtés de Neil Perry). Elle a fini par être formée en France à Saint-Tropez. Jeune femme décidée et organisée, elle s'est ensuite retrouvée à Québec chez Daniel Vézina, avant de prendre les commandes de son ambassade montréalaise. L'assiette de Cynthia Moreau est frémissante de netteté, en un mot superbe !

Inspiration

«Alain Labrie, le chef de feu l'Auberge Hatley où j'ai travaillé en revenant de France, a réellement été un mentor pour moi, une figure paternelle. D'abord parce qu'il était logique, courtois, et très sérieux. Il était aussi organisé, propre. Il faisait vraiment les choses à la perfection. Chez lui, pas de place pour l'improvisation.»

L'avenir

«On s'en va sûrement vers la pureté des produits. On s'en va vers une cuisine plus épurée, limpide. Avec moins de saveurs, moins d'ornements, de chips, de légumes, de poudre, tout ça c'est fini. Et parce que ça devient plus simple, la cuisine doit aussi être faite avec plus de précision. Je ne sais pas si c'est parce que je suis une fille, mais je pense qu'on devrait utiliser moins d'effets et chercher plus la vraie nature des produits qu'on travaille.»

Photo: Robert Mailloux, La Presse

Cynthia Moreau

Alexandre Gosselin

Restaurant Bar & Boeuf

500, rue McGill

514-866-3555S'il est timide et réservé dans la vie, il exprime son aplomb et sa nature rebelle avec une rare maestria dans son travail. Car derrière l'apparence tranquille d'Alexandre Gosselin, il y a un volcan en éruption. Bocuse, Les frères Pourcel, Alain Chapel, Nicolas Jongleux, Racha Bassoul ça vous dit quelque chose ? Ce sont les maîtres de ce jeune cuisinier. Il les a fréquentés et sa cuisine en est toute pétrie : limpide, Gosselin fait une cuisine qui bouge avec grâce et sensualité.

Inspiration

«D'abord, Racha Bassoul, qui avait un palais incroyable. Au restaurant Anise, j'ai appris à travailler la bouche, à reconnaître le goût et surtout l'effet des épices en cuisine. Puis en France, j'ai appris la rigueur ; on se fichait du nombre de clients qu'on devait servir, et on se fichait de qui mangeaient, il fallait que tout soit toujours parfait ! Pourtant, je peux dire que Nicolas Jongleux m'a tout appris ; il m'a littéralement mis mes premières patates dans les mains.»

L'avenir

«Je pense que la cuisine a toujours suivi le portefeuille des clients. C'est un peu comme la mode. En 10 ans de métier, j'ai déjà vu pas mal de changements. Je pense que le style bistro va prendre de plus en plus de place. Le tape-à-l'oeil va disparaître. Les éléments qui font partie de l'assiette devront avoir un sens, on ne pourra plus improviser. Et il faudra le faire pour le moins cher possible, avec la meilleure qualité. Ceux qui vont réussir ça auront du succès ; les autres disparaîtront.»

Photo: Alain Roberge, La Presse

Alexandre Gosselin.